de Brigitte Findakly et Lewis Trondheim – Ed. L’Association
Un dessin enfantin et naïf, des personnages aux visages allongés et aux jambes sans pieds qui ressemblent à des poupées, pour raconter une enfance irakienne, celle de Brigitte Findakly, née en 1959 à Bagdad.
Les dessins sont de Lewis, les couleurs de Brigitte, et ils ont écrit le scénario tous les deux. On trouvera aussi des photos tirées de l’album familial.
À l’heure où le pays est à feu et à sang et où nous recevons jusqu’à la nausée, jusqu’à l’indifférence mortelle des images d’apocalypse venues d’Irak, Brigitte sait déjà depuis un moment qu’elle ne retournera pas dans son pays natal. Le lecteur découvrira sa ville d’avant le chaos, ses mœurs et son histoire que nous connaissons mal.
Brigitte Findakly est née d’un père chrétien irakien et d’une mère française et catholique. Sa famille irakienne appartient à la bourgeoisie, son père est dentiste et travaille pour l’armée, ce qui lui procure quelques avantages car les régimes militaires se sont succédés, mais aussi à certains moments, un inconfort total et la nécessité de fuir le pays.
Il a rencontré son épouse française en faisant ses études à Paris, est revenu avec elle. La mère de Brigitte se plait beaucoup à Mossoul.
La première image du livre est une photo de la petite Brigitte, prise par son père devant les lions de Mossoul, dont il ne reste rien aujourd’hui. Son père n’a photographié que les pieds des statues monumentales, pouvait-il imaginer qu’un jour ces merveilles voleraient en éclat sous les coups des fanatiques ?
Tout est délicat dans ce récit dont l’écriture même adopte le point de vue d’une enfant, qui atténue la réalité ou la transforme pour conjurer les inquiétudes.
On voit ainsi défiler les dictatures militaires plus ou moins répressives. L’enfant n’en reçoit que des bribes, elle conte ainsi que son frère fut contraint d’ aller voir des pendus dans le cadre d’une sortie scolaire, mais tout cela est entremêlé d’un quotidien plus tranquille, les gâteaux français de la mère, les commérages, activité principale des voisins, les ennuis financiers du père, homme doux et tranquille qui soigne tout le monde, sans toujours se faire payer, mais que l’administration fiscale harcèle.
Brigitte va en classe, elle va suivre les enseignements de l’école coranique, puis ira chez les sœurs syriaques. Elle ne comprend rien à ce qu’on lui raconte et pour finir, n’a pas la foi…
Sa famille va quitter l’Irak en 1972. Son frère, pour échapper à la conscription, est déjà en France depuis un bon moment. Elle va découvrir le pays avec lui, la grisaille, la difficulté d’écrire le français bien qu’elle le parle couramment, le racisme et l’ étroitesse d’esprit de ses camarades… Elle fera des études de sciences éco mais finira par découvrir sa vocation pour le dessin.
Voir l’Irak autrement, penser à ces gens dont on détruit le pays, et qui pour les plus chanceux se sont exilés de par le monde, et apprendre qu’entre le Tigre et l’Euphrate, on a vécu, bâti, aimé, connu des espoirs et des rêves, qu’on y a été enfant un jour.
Un livre doux-amer, un joli travail à quatre mains, une BD contre l’oubli et l’indifférence.
Danielle Trotzky
112 p., 19 €