Une vie de moche – Ed. Marabout, coll. Marabulles

Copyright F.B., C.G., Marabulles

Le thème de l’acceptation de soi, finement analysé par François Bégaudeau et subtilement illustré par Cécile Guillard (dessin).

Auparavant tout allait bien. Guylaine avait Gilles, son camarade de jeux, que bien souvent on prenait pour son frère. Elle se croyait en sécurité, mais voilà que, sans transition, elle s’est aperçue que ce n’était pas le cas. « On peut jouer avec vous  ? » a proposé Gilles aux trois enfants qui passaient par là. « OK. Toi oui, mais pas la moche » lui ont-ils répondu. Il a demandé « C’est qui la moche ? », ils se sont esclaffés, « des super cons » a-t-il dit à Guylaine en guise de conclusion.

La petite fille a encaissé cette première humiliation, mais rien n’a plus été comme avant.

Pourquoi ses parents ne l’ont-ils pas prévenue de ce qui l’attendait ? Elle regrette le nid douillet que lui offrait le ventre de sa mère, là où tous les bébés sont égaux face à la beauté.

Détail planche p. 34

Par la suite elle s’est posée mille questions, qui bien sûr sont restées sans réponse. Elle a oscillé entre culpabilité et résignation, en espérant que la puberté aiderait à harmoniser ses traits et son corps disgracieux, mais le miracle n’a pas eu lieu.

Elle a fait une croix sur la perspective d’avoir un vrai amoureux tout en guettant la moindre marque d’intérêt de la part de son entourage. Elle a même joué pendant un temps la carte de la provoc, mais ça ne l’a pas satisfaite.

En fine observatrice des comportements humains qu’elle était devenue, Guylaine a su compenser ce qui lui manquait par des qualités qui font parfois défaut aux splendides créatures qu’elle avait souvent enviées, sachant qu’avec le temps, « le vieillisement rééquilibre les beautés, et donc les peines ».

Mais l’âge n’étant pas encore là, c’est de façon spectaculaire que Guylaine va prendre une douce revanche…

Aucune fausse note dans cet émouvant récit, à découvrir en priorité à partir du 2 octobre 2019.

Anne Calmat

208 p., 25 €

Actes Sud audio (suite) : La cage dorée de Camilla Läckberg, lu par Odile Cohen

Depuis le 11 septembre 2019

La catastrophe approchait. Bien sûr, elle aurait pu en voir les signes. Ouvrir les yeux. On dit que rien ne nous rend plus aveugles que l’amour, mais Faye savait que rien ne nous rend plus aveugles que le rêve d’amour.

Dans ce thriller construit en forme de puzzle, avec de multiples flash-backs, nous suivons l’itinéraire d’une jeune femme prête à tout pour, selon ses propres mots, être quelqu’un et oublier, autant que faire se peut, son passé douloureux. Mais se remet-on un jour des traumatismes de l’enfance ou bien ressurgissent-ils sous une autre forme, comme une tumeur qu’on ne peut extirper ?

Faye est prête à se transformer en lolita pour satisfaire les fantasmes sexuels de son époux vénéré, qui ne la touche plus depuis longtemps ; prête à s’écraser, et même à en redemander, lorsqu’il l’humilie ; prête à se couper de son unique amie et soutien, Chris, qui n’a pas l’heur de plaire à son seigneur et maître.

De même qu’avant d’être emprisonnée dans cette cage dorée, elle avait admis qu’on la traite de « petite pute bouseuse », pour une simple histoire de rivalité amoureuse, et surtout parce qu’elle était née dans une petite ville du fin fond de la Suède. Ou bien quelques temps après, lorsqu’elle était entrée à Sup de Co Stockholm, elle avait accepté de se plier au rituel d’intégration qu’elle redoutait, rien que pour être « des leurs ».

Faye est comme une poupée qui dit « oui », « merci », « encore » au moindre claquement de doigts de son richissime mari. Elle prend son mal en patience et se contente de lui trouver des excuses : il travaille tellement ! La jeune femme n’a même pas à s’occuper de leur fille, une armée de baby-sitters et de domestiques y pourvoient.

Camilla Lãckberg

Mais lorsqu’il la quitte pour sa jeune collaboratrice et qu’il décide avec la brutalité que le caractérise que c’est lui qui aura la garde de leur enfant, ne laissant à Faye que ses yeux pour pleurer et une valise contenant ses vêtements, l’amour qu’elle avait pour lui se transforme en haine…

Le sous-titre du roman de Camilla Läckberg ? La vengeance d’une femme est douce et impitoyable.

Odile Cohen

Trente-trois chapitres plus loin, nous apprenons de quoi sa haine vengeresse a été faite. L’auteur – comme son héroïne – prend son temps pour décrire avec minutie la vie dans les hautes sphères de la bourgeoisie stockholmoise et au sein de ce couple sado-maso (certaines scènes de sexe auraient gagné à être édulcorées), pour mieux nous amener au dénouement final. Extrait ci-dessous.

Anne Calmat

10h30 d’écoute, 2 CD – 25 €

Salina – Laurent Gaudé – Guillaume Gallienne – Actes Sud audio

En librairie depuis le 11 septembre 2019 – Durée d’écoute 3h20


Qui dira l’histoire de Salina, la mère aux trois fils, la femme aux trois exils, l’enfant abandonnée aux larmes de sel ? Elle fut recueillie par Mamambala et élevée comme sa fille dans un clan qui jamais ne la vit autrement qu’étrangère et qui voulut la soumettre. (…) Quand Salina meurt, il revient à son fils, qui a grandi seul avec elle dans le désert, de raconter son histoire, celle d’une femme de larmes, de vengeance et de flamme.

G. Gallienne

Après avoir fait une incursion sur le terrain du livre audio en 2017, Acte sud a transformé l’essai en lançant Actes Sud audio.
La lecture des textes est confiée à des comédiens confirmés et de renom. Chaque titre de la collection est conçu de façon spécifique par une direction artistique, et en étroite collaboration avec les auteurs français – certains d’ailleurs lisent eux-mêmes leur texte.
Des bonus peuvent aussi être proposés, comme par exemple ici, l’interview de Laurent Gaudé, menée par Guillaume Gallienne, sociétaire de la Comédie-Française.

Coup de projecteur sur Salina

Présentation de l’œuvre

« D’abord, il y a ce jour des origines, lointain, où dans la chaleur du désert, après une longue attente, le cavalier arrive enfin. A dix pas de Sissoko Djimba, le chef du village, il s’arrête. Dans le creux de son bras gauche, tout le monde peut maintenant voir distinctement qu’il porte un nourrisson dans ses langes. Et les cris de l’enfant résonnent. Il n’a pas cessé de crier. C’est miracle, même, qu’il n’ait pas fini de sombrer dans un épuisement du corps. Le silence dure. Puis, lentement, le cavalier fait quelques pas jusqu’à être à mi-chemin entre Sissoko et sa monture, et dépose au sol le paquet de linge qui pleure encore, puis, sans attendre de voir ce qu’il se passe, sans dire un mot lentement, il repart, rebroussant chemin, laissant derrière lui, pour la première fois depuis des jours, des semaines peut-être, les cris de l’enfant qu’il vient d’abandonner.”

19,90 €

https://www.actes-sud.fr/

Mata Hari – Esther Gil – Laurent Paturaud – Ed. Daniel Maghen

En librairie le 19 septembre 2019 © E. G., L. P. /D.M

Son nom à lui seul évoque l’effervescence artistique et insouciante du Paris de la Belle-Epoque, avec ses salons huppés, où se retrouvent aristocrates, grands bourgeois, militaires, et « cocottes» triées sur le volet, amenées par de vieux libidineux à la bourse bien garnie. 

Les premières planches de ce récit passionnant et ultra documenté signé Esther Gil nous montrent celle qui, en ce petit-matin du 15 novembre 1917, s’apprête à être exécutée pour intelligence avec l’ennemi. Margaretha Geertruida Zelle refuse qu’on lui mette un bandeau sur les yeux. N’est-elle pas la grande artiste internationale, Mata Hari ? Elle a quarante-et-un ans, et si l’on en juge par les superbes créations à la palette graphique de Laurent Paturaud, elle est encore très belle. Son regard est à la fois empreint de fierté et de nostalgie. A-t-elle conscience qu’elle est en train de devenir ce qu’elle a toujours voulu être : une icône, une légende ?

détail planche p. 5

Puis nous remontons le temps et la découvrons vingt ans auparavant sur l’île de Java, une colonie néerlandaise dans laquelle elle vit avec son époux, le capitaine Rudolf Mcleod – un alcoolique brutal et infidèle de dix-neuf ans son aîné – et de leur tout jeune fils. Margaretha va y demeurer cinq ans, perdre son petit garçon, donner naissance à une fille, avant de décider de rentrer seule en Europe.

Elle a entre-temps été initiée aux danses traditionnelles de l’île, et c’est en qualité de danseuse orientale qu’elle décide de partir à la conquête des scènes européennes.

Mata Hari photographiée par Roger Viollet ©

À Paris, elle se présente sous le nom de lady Mcleod. Cette séductrice née ne tarde pas à se trouver un « protecteur », lequel l’introduit dans les cercles mondains et aristocratiques de la capitale. Elle y rencontre aussitôt le collectionneur orientaliste Émile Guimet, qui va jouer un rôle important dans sa carrière en lui proposant le jour même de venir se produire dans l’une des salles de son musée. Matha Hari est née.

Mais voilà que déjà elle rêve d’autres scènes à sa mesure, rien n’est trop grand pour celle qui prétend désormais descendre d’un sultan javanais.

Ses admirateurs croient-ils aux fables que raconte cette jeune beauté érotico-exotique ? A-t-elle fini par y croire elle aussi ? Peu importe, tout lui réussit, la gloire et l’argent sont au rendez-vous. L’indépendance aussi.

L’amour fou, qui comme chacun sait réserve parfois délices et tourments, va fragiliser cette femme que l’on croyait d’airain, et précipiter sa chute. Son côté transgressif, qui a fait sa gloire, sera aussi sa perte.

Mata Hari s’est volontairement éloignée des scènes internationales pour vivre pleinement deux passions amoureuses successives. À son retour, son étoile a pâli et les difficultés financières se sont accumulées…

Nous sommes en 1917, le conflit entre l’Allemagne et la France s’enlise, on a besoin, dans un camp comme dans l’autre, de jeunes et jolies femmes susceptibles de participer à « l’effort de guerre » en glanant des renseignements auprès des officiers qui se pressent les salons mondains. Un nouveau rôle pour elle, et bientôt un double-jeu auquel Mata Hari va se livrer consciencieusement, avec innocence pourrait-on dire, sans en mesurer la portée.

Mais à manipulatrice, manupulateurs-et-demi : raison d’État oblige, Mata Hari va avoir affaire à des employeurs autrement plus retors qu’elle ne l’est…

À découvrir sans faute à partir du 19 septembre.

Anne Calmat

72 p., 16 €

Forté – Manon Heugel – Kim Consigny – Ed. Dargaud

En librairie le 6 septembre 2019 © M. Hugel – K. Consigny/Dargaud

En refermant le livre, ce qui vient spontanément aux lèvres est : « C’est une très jolie histoire ». Pourtant cette histoire commence très mal. 

Quand, à l’âge de cinq ans, le père très aimé de Flavia, l’héroïne de l’album, est tué d’une balle perdue dans la guerre que se livrent les gangs de sa favela, à Belem, il ne reste qu’une solution à sa maman : faire des ménages pour assurer leur subsistance.

Par chance, c’est un vieux monsieur, grand amateur de musique, qui l’engage. Pendant qu’elle travaille, il initie la petite fille au piano et lui fait partager sa vénération pour Chopin. Flavia est douée et propose bientôt un marché à M. Lima : « Je veux travailler pour vous, ma mère prendra un autre ménage (…) Je ne veux pas d’argent, en échange, je veux des cours tous les jours avec un professeur particulier. » Il est alors décidé qu’elle ira  au conservatoire de Belem. 

Pour l’enfant et sa mère, la musique devient leur unique chance de sortir de la favela. Par ses dons et à force de travail, Flavia réussit un concours organisé à São Paulo, qui va lui permettre d’aller étudier le piano à Paris, avec l’aide d’une bourse. 

C’est alors qu’entre en scène la seconde héroïne de l’histoire : l’Ecole Normale de Musique de Paris, fondée par le pianiste Alfred Cortot en 1919. Dans un magnifique bâtiment, conçu par Auguste Perret, on y forme des professionnels de très haut niveau de la musique, du chant ou de la composition, et on prépare de jeunes concertistes aux concours internationaux et aux exigences d’une carrière de musicien. 

Nous traversons avec Flavia toutes les difficultés auxquelles doit faire face une jeune et pauvre apprentie musicienne, en butte aux petits boulots, aux difficultés pour se loger, souffrant du froid et de la faim. D’autant que s’y ajoute la discipline de fer d’une école où l’on consacre sa vie à la musique. Mais à vingt ans, il y a aussi les amitiés, les amours… Comment les concilier avec cette passion dévorante pour le futur métier de concertiste ?

La fin de l’histoire ramènera Flavia chez elle, au chevet de sa mère, avec quelques belles perspectives de carrière et… peut-être celle d’un retour à Paris.

Cette feel good story est illustrée par des planches colorées qui nous conduisent d’une misérable favela brésilienne à de grandes salles de concert parisiennes (salle Cortot, Philharmonie de Paris, théâtre des Champs-Elysées). 

Le dessin fin, précis sans être fouillé de Kim Consigny met en valeur la singularité de chacun de ces personnages venus du monde entier, Brésil, Japon, Russie, avec pour tous, un seul objectif : devenir musiciens, chanteurs ou compositeurs professionnels. 

Manon Heugel

Forté est le premier roman graphique de Manon Heugel. Celle-ci, d’abord comédienne et metteur en scène, s’est ensuite tournée vers le cinéma. Diplômée scénariste de la Fémis, elle a réalisé un court métrage « La fille du gardien de prison », sélectionné dans plusieurs festivals internationaux. Actuellement elle travaille à une série de fiction pour la télévision, adaptée de son blog Génération Berlin.

Kim Consigny

Kim Consigny est architecte de formation. Ce qui ne l’empêche pas de dessiner pour elle et, de plus en plus souvent, pour les autres. Après deux épisodes de la web série « Les autres gens », elle réalise sa première bande dessinée, « Pari(s) d’amies » , qui sort chez Delcourt en 2015. Elle abandonne l’architecture pour travailler durant deux années pour le magazine « Je bouquine », où elle publie chaque mois six pages de bandes dessinées. Avec Severine Vidal, elle a sorti « Magix Felix » (Jungle, 2018) et avec Solenne Jouanneau, « La petite mosquée dans la cité », un récit sociologique paru en 2018 chez Casterman. 

Nicole Cortesi-Grou

208 p., 31,90 €

Théâtre des Champs-Elysées

Les amoureux – Victor Hussenot – Ed. La Joie de lire


Depuis août 2019 © V. Hussenot/Joie de lire

Ces deux-là n’ont probablement jamais entendu parler de Georges Brassens ou de Robert Doineau. Ils ne perdent pas leur temps à se bécoter sur les bancs publics ou devant les terrasses de cafés, ils agissent avec la pointe de leurs deux feutres-pinceaux : un rouge pour elle, un bleu pour lui. Ils ont dix, vingt, trente, cinquante ans (voire plus), et ils sont a-mou-reux. Appelons-les Léo et Léa.

Quand un obstacle tente d’infléchir le cours de leur existence, ils lui barrent la route et prennent les choses en main. Léo broie-t-il du noir après un cauchemar que, dès qu’elle s’en aperçoit, Léa s’empresse de mettre de la couleur dans sa vie intérieure. Pour la remercier, il lui dessine une monumentale pièce montée… Gare à l’indigestion !

Quelques planches plus haut, la portée musicale que Léo a créée au-dessus d’une bande de danseurs endiablés se défait et se transforme en une pluie diluvienne ; les danseurs fuient, Léo et Léa restent, mais se retrouvent trempés jusqu’aux os. Un immense parapluie aura tôt fait de les mettre au sec.

Détail planche

Les paysages apparaissent et se transforment au gré des circonstances et de l’humeur des deux héros… qui parfois peut s’avérer belliqueuse. Dans ce cas, c’est la castagne : furieux, Léo dessine alors un mur entre Léa et lui. Des tourbillons de colère noire envahissent l’espace et tentent de prendre le pouvoir. Plus sage, Léa opte pour une porte entrouverte.

Pour le moment leurs routes sont parallèles, comme si elles étaient destinées à ne plus jamais se croiser, mais peu à peu elles vont redevenir sinueuses, puis s’enchevêtrer. C’est ça l’amour.

Fin du voyage ? Oh que non !

Un album sans paroles, mais où tout est dit. À offrir aux amoureux de tous âges, ils se reconnaîtront sûrement.

Anne Calmat

76 p., 16,90 €

Mojo hand – Arnaud Floc’h – Christophe Bouchard – Ed. Sarbacane

Depuis le 21 août 2019 © A. Floch, C. Bouchard/Sarbacane


Quel avenir peut-on espérer lorsqu’on naît enfant unique, noir et aveugle, au fond d’un bayou de Louisiane en 1926, avec pour père un pauvre pêcheur ? 

C’est sans compter sur le destin qui va offrir à Clétus deux opportunités. La première, sous la forme d’un enfant blanc, perdu, que le généreux Wilson Darbonne découvre lors d’une pêche, dissimulé sous une souche. Malgré les risques et les hauts cris de maman Delilah, cet enfant, qu’il baptise Bellérophon, devient l’inséparable compagnon de Clétus, ses yeux, son frère, son alter ego.

La seconde c’est que, lors de l’un de ses passages en ville, le pêcheur voit s’installer à côté de lui deux musiciens noirs, Wild Blind Commeaux et son fils Lester. Une idée lui traverse alors l’esprit : échanger avec eux le produit de deux pêches contre deux guitares. 

Détail planche p.43

Les garçons vont trouver dans la musique un mode de défoulement et d’expression qui les fait rêver de devenir à leur tour musiciens. Mais Clétus est plus doué que Bello et rapidement ce dernier passe au banjo.

Musiciens et chanteurs, ils sont un jour en âge de se produire dans les clubs de la ville, sous le nom des frères Darbonne. Ils remportent un franc succès, mais c’est encore Clétus qui recueille le gros des applaudissements. C’est alors que, rongé par la jalousie, Bello fait la rencontre d’une jeune Blanche prostituée. Cette fois le cadeau du destin est empoisonné, car elle fera éclater le duo et les entraînera tous deux vers un drame. 

Détail planche p. 86

À travers l’histoire de ce génie du blues, dont une partie se déroule durant les années de guerre, Arnaud Floc’h nous montre à la fois le racisme et la misère noire, mais également la grandeur de ce peuple et la quintessence de lui-même, qui s’entend dans sa musique. 

C’est également avec la guerre, cette fois du Viet-Nam, que se termine l’histoire. 

Cette suite de planches colorées aux dessins réalistes déroule le film de l’histoire. Elle est suivie de portraits crayonnés de chanteurs et musiciens noirs, extraits du carnet d’Arnaud Floc’h. Nous devinons sa passion, qui lui fait dire que : « La nation noire est incontestablement maîtresse des Etats-Unis quoi qu’en disent les suprémacistes blancs ».

Nicole Cortesi-Grou

109 p., 19,50 €

Arnaud Floc’h est né le 26 octobre 1961 en Bretagne. Un an plus tard il arrive au Cameroun où il restera jusqu’à ses 16 ans. De retour à Brest en 1978, il « monte » à Paris. Il est d’abord illustrateur, sans avoir fait d’études de dessin, et fonde, en mai 2010, le festival de bandes dessinées Montargis coince sa bulle. En 2011, il reçoit le Grand Prix du festival Des Planches et des Vaches (Hérouville-Saint-Clair, Calvados), dont il devient le président l’année suivante. En 2015, il publie un premier roman graphique, Emmett Till.  Mojo Hand est son deuxième roman graphique publié chez Sarbacane, accompagné d’une nouvelle édition d’Emmett Till (v. BdBD 21/08), déjà vendue à plus de 4 000 exemplaires. Il continue de se rendre régulièrement à Bamako depuis plus de vingt ans.

Affiche du festival « Des planches et des vaches » 2012, signée Arnaud Floc’h

On est chez nous – Sylvain Runberg – Olivier Truc – Nicolas Otero – Ed. Hachette, coll. Robinson (T.1/2)

Sortie le 4 septembre 2019 © Runberg, Truc, Otero/Hachette

Un journaliste, Thierry Mongin, chargé de faire un reportage sur une ville frontiste du sud-est de la France, débarque à Tarvaudan, où Chloé Vanel, ancienne égérie d’un parti d’extrême-droite, « Nation & Liberté », effectue son grand retour. Toute ressemblance, etc. Nous sommes en 2020, la campagne pour les municipales se met en place, les colleurs d’affiches sont à pied d’œuvre. Le portrait de la jeune femme, chargée par le Parti de dégommer le maire RN sortant, est placardé à contre-cœur sur le panneau n°6 par des militants.

Plusieurs journalistes, fraîchement débarqués, se retrouvent au bistrot du coin, qui semble être le QG des Sangliers de fer, la milice locale. Inutile de préciser la façon dont ils sont accueillis.

C’est alors que l’assistance apprend que le cadavre d’un homme, poignardé et pendu à un arbre, a été trouvé par deux chasseurs. Tous (sauf Mongin) se rendent sur place. « C’est triste évidemment, mais bon, les clandestins, vous savez, ils ne se font pas de cadeau. C’est un fait divers comme il en arrive partout », dit quelqu’un. Et le maire d’insinuer que « ce pourrait être une provocation de la part de ses ennemis. » Puis d’ajouter à l’intention de ceux qui sourcillent : « On n’a rien contre les étrangers, on paie même des cours de français à deux familles de réfugiés.»

S’en suit un large coup de projecteur sur le quotidien des habitants de cette petite cité provençale, qui semble à elle seule être un condensé de tout ce que la peste brune est capable d’engendrer : fermeture des centres sociaux ou des structures déclarées ennemies  ; exploitation des émigrés ; tabassage en règle des opposants…

Détail planche p. 56

Sur fond d’enquête policière, le lecteur s’achemine lentement mais sûrement vers un nouveau drame, prélude à une probable escalade… qui ne pourra être que vertigineuse. Rendez-vous en mai 2020 pour le T. 2

A.C.

72 p., 14,95 €