On Mars (T. 1 à 3/3) – Sylvain Runberg – Grun – Ed. Daniel Maghen

Copyright S. Runberg, Grun / D. Maghen – 16 € – 80 pages environ pour chaque tome

T. 2 Les solitaires
T. 1 Le monde nouveau

On Mars ne se lit pas comme une extrapolation romanesque de ce que pourrait être l’implantation d’une colonie sur la planète rouge, mais plutôt comme une étude éthologique déductive sur l’état dans lequel risque d’être la société lorsque cette colonisation sera devenue une réalité. La trilogie imaginée par Sylvain Runberg et illustrée par Grun, dont le denier volet sortira en librairie le 4 mars 2021, est de ce fait une projection crédible de ce qu’il s’y passera.

Mission Persévérance, février 2021

Nous sommes ici en 2132, avec l’épuisement des ressources terrestres, l’avenir du genre humain repose sur une poignée de scientifiques et sur les forces de travail de celles et ceux qui mettent en place des forages, facilitent la recherche d’eau et son acheminement à la surface de Mars, édifient des structures d’accueil, etc. Les prisons sur la planète Terre constituent alors un réservoir inépuisable de main-d’œuvre à même de réaliser les travaux titanesques qui ont été entrepris depuis deux décennies. Pourquoi se priver de cette manne corvéable et renouvelable à merci ? Une condamnation à mort qui ne dit pas son nom. Ce qui ne va pas sans poser des problèmes éthiques à des organisations humanitaires internationales…

T.1

Dans le T.1, un nouveau contingent d’hommes et de femmes est à l’approche de Mars. Parmi les arrivants, Jasmine Stanford, une ex-flic condamnée à vingt ans de travaux forcés pour bavure policière envers une jeune camée de la haute société. Nous suivrons album après album ses combats, les compromissions auxquelles elle va devoir se prêter pour survivre, ses revirements. On lui a greffé, comme à chaque nouveau venu, un implant respiratoire, afin que son organisme s’adapte à l’atmosphère martienne, et une puce GPS.

T.1

Nous découvrons une société pyramidale dont les bases reposent sur les forces de travail de ceux qui ont été transférés dans cette immense prison à ciel ouvert.

Au sommet de la pyramide, il y a les décideurs. Entre les deux, les ingénieurs, les techniciens, les colons, et les « référents » chargés de coordonner les équipes de manœuvres. Aucun rapprochement n’est autorisé entre eux et les colons (qui apparaissent peu dans la série), au moindre faux-pas, des drones interviennent. Nous constaterons plus tard qu’ils ne sont pas infaillibles.

Parmi les référents, un mégalo en puissance du nom de Xavier Rojas est devenu le gourou de la Nouvelle Eglise syncrétique.

T.3

Se pouvait-il qu’il en soit autrement ? Il semble communément admis que depuis la nuit des temps, là où il y a des hommes, il y a des dieux. Ses adeptes vont se multiplier à la vitesse de l’éclair, tant sur la planète rouge que parmi ceux qui suivent les étapes de la colonisation en attendant de faire partie d’un prochain contingent, bien décidés pour beaucoup à devenir les nouveaux Croisés interplanétaires.  

Nous verrons aussi que de nombreux clans rivaux se sont formés et qu’ils s’affrontent sur cette Terre bis en devenir, cependant qu’un groupe de fugitifs appelés « Les solitaires », a choisi la lutte armée afin qu’une autre société que celle qui se dessine soit possible.

T.2

Tout se passe comme si l’Histoire ne cessait de bégayer. Dans ces conditions comment la colonisation, présentée comme une chance unique de faire table-rase du passé, pourra-t-elle tenir ses promesses ?

T.3

BdBD ne vous en dira pas plus, si ce n’est, on l’aura compris, que cette trilogie ouvre à ses lecteurs un large champ de réflexions, qu’elle est passionnante, fouillée, et magnifiquement illustrée par Grun (Ludovic Dubois), totalement sur la même longueur d’ondes que Sylvain Runberg. Un cahier de dessins d’une vingtaine de planches prolonge chaque album, avec pour le T.3, une ouverture sur l’avenir de la planète colonisée.

Anne Calmat

T.3 – Ceux qui restent

Long Story Short – Simon Hanselmann – Misma Ed.

Depuis novembre 2020 – Copyright S. Hanselmann / Misma – 340 p., 35 €

Avertissement de l’auteurCe livre a principalement été conçu pour être lu aux WC. À ranger sur une étagère dans vos toilettes (couverture avec pelliculage brillant anti-éclaboussures de pipi.

Le ton est donné… Difficile d’imaginer personnages plus déjantés que ceux de Simon Hanselmann ! La structure classique des planches et le dessin d’une grande simplicité apparente ne dissimulent cependant pas la dimension « trash » de cette série inspirée par une enfance difficile, qui permet à son auteur de dépasser des traumatismes personnels tout en provoquant le rire doux-amer de ses lecteurs.

Ce nouveau livre de Simon Hanselmann est un pot-pourri de Megg, Mogg & Owl : un mélange aux effets puissants et stupéfiants qui va vous faire bien tripper ! Rassemblant des épisodes parus à droite à gauche dans divers fanzines, revues et magazines entre 2016 et 2020, on retrouve au cours des multiples saynètes sélectionnées tous les personnages qui font le succès de cette série culte dans le monde entier : Megg et Mogg, toujours accros à la fumette, qui passent leur temps à traînasser sur le canapé ; Owl, maniaque de l’ordre et de la propreté qui voit chaque fois ses efforts anéantis par la tornade Werewolf Jones et ses sales gosses. Sans oublier Mike le magicien dealer qui vit toujours chez sa mère et Booger, l’amie trans de la bande.

Planche p. 35

On se fait une joie de retrouver ces loosers finis, et en particulier Owl, grand absent du précédent opus qui nous avait tant manqué dans le rôle du parfait souffre-douleur. La série Megg, Mogg & Owl avait obtenu en 2018 le Fauve de la Série au Festival d’Angoulême pour l’album Happy fuking birthday.

Planche p. 360
Simon Hanselmann

SImon Hanselmann – Encore inconnu du paysage de la bande dessinée indépendante il y a 7 ans, ce jeune australien né en 1981, originaire de Tasmanie, adepte du travestissement s’est imposé en Europe et aux États-Unis comme un auteur incontournable.
Il vient juste de publier le quatrième volume de sa série chez le prestigieux éditeur américain Fantagraphics et son oeuvre est aujourd’hui traduite et publiée dans toutes les langues ! Et il n’est pas prêt de s’arrêter en si bon chemin. Simon Hanselmann est un auteur prolifique à l’imagination inépuisable qui continue de développer et enrichir sa série jour après jour.

Claire Bretécher – Morceaux choisis – Ed. Dargaud/L’Obs

Sortie le 5 février 2021 – Visuels © Ed. Dargaud / L’Obs – 104 p., 17 €

Claire Bretécher nous a quittés le 11 février 2020 mais elle reste présente au travers de ses personnages devenus cultes grâce à son don d’observation. Au fil de ses histoires, elle s’impose comme la plus grande « humoriste-sociologue » du 9e art. Faussement simpliste, son graphisme nerveux et précis soutient parfaitement son propos lucide et sans concession – surtout quand sa cible est friquée, nombriliste et désabusée, mais plein de tendresse pour certaines femmes et à peu près tous les enfants.

Avec Cellulite, Agrippine, les Frustrés ou Les Mères, Claire Bretécher a décrit, souvent de façon lapidaire, nos ridicules, nos faiblesses et nos petits travers par le biais de formats courts qui rendaient son humour d’autant plus percutant.

SOMMAIRE

L’album est atypique et foisonnant : reportages, témoignages, photographies, planches de dessins, portraits privés (tableaux sentimentaux)…

Née le 17 avril 1940 à Nantes et précocement terrassée par l’ennui, Claire Bretécher se lance très vite dans la bande dessinée, pour s’occuper. 

Au début des années 1960, après avoir laissé tomber les Beaux-Arts parce que la bande dessinée y est persona non grata, elle enseigne le dessin pendant neuf mois, puis elle livre des illustrations dans différents journaux du groupe Bayard. 

En 1963, elle rencontre René Goscinny, qui l’invite à dessiner dans L’Os à moelle pour sa série Le Facteur Rhésus, bouleversante épopée d’un héros postal. « J‘ai été flattée de cette proposition, et puis je n’étais pas en position de refuser… Il me faisait dessiner des trucs que je ne savais pas dessiner : un ravalement d’immeuble, par exemple. Je suis nulle pour dessiner un ravalement d’immeuble ! D’ailleurs, il n’a pas été content du tout du résultat et il ne me l’a pas envoyé dire, avec courtoisie, comme toujours. Après, il m’a commandé des illustrations pour Pilote ».

© Glénat 1977

En attendant, Bretécher collabore au journal Tintin en 1965 et 1966, puis, en 1968, crée la série Baratine et Molgaga dans le mensuel Record (Bayard Presse).

© Glénat 1977

De 1967 à 1971, Spirou l’accueille, d’abord pour quelques courts récits, lesquels laissent ensuite la place aux Gnangnan, aux Naufragés (texte de Raoul Cauvin), ainsi qu’à l’éphémère Robin des foies (texte d’Yvan Delporte). En 1977, Claire refait une brève apparition dans le magazine – plus précisément dans son supplément, Le Trombone illustré – pour y raconter les mésaventures de Fernand l’orphelin (texte d’Yvan Delporte).

En 1969, elle commence, dans Pilote les aventures de Cellulite (princesse plus ou moins médiévale et féministe avant l’heure) et ses futures Salades de saison. Elle y dessine également plusieurs bandes d’actualité.

En 1972, elle participe à la création de L’Écho des savanes, avec ses amis Gotlib et Mandryka. Préfigurant ses inoubliables Frustrés, ses histoires se font plus acides.

En 1973, elle est sollicitée par la presse « chic » : Le Sauvage, pour lequel elle dessine Le Bolot occidental. Pour Le Nouvel Observateur elle livre une planche hebdomadaire, bientôt intitulée La Page des Frustrés.

C’est également à cette époque qu’elle décide de se lancer dans l’auto-édition — aventure passionnante et épuisante. Le premier album des Frustrés paraît en 1975. Après La Vie passionnée de Thérèse d’Avila (1980, réédité en 2007 chez Dargaud), elle édite en 1988 le premier album des aventures d’Agrippine (superbe prototype de l’ado), sept autres suivront.

En dehors de la bande dessinée, Claire Bretécher pratique (avec grand talent) l’art de la peinture, en témoignent les portraits hypersensibles de ses proches (ou les autoportraits) tirés de ses carnets intimes et repris dans les albums Portraits (Denöel, 1983), Moments de lassitude (Hyphen, 1999) et Portraits sentimentaux (La Martinière, 2004).

Visuels © Dargaud / LObs

Le Syndrome [ E ] – Tome 1/3 – Runberg – Brahy – Ed. Philéas

D’après le roman de Franck Thilliez

Depuis le 29 octobre 2020 – Copyright Runberg – Brahy / Philéas – 104 p., 17,90 €

Les amateurs de polars et de BD vont se régaler avec cette adaptation du roman éponyme du très prolifique Franck Thilliez, dans lequel ils retrouveront le couple phare Lucie Hennebelle et Franck Sharko.

Nous sommes plongés au cœur d’une intrigue aux multiples arcanes, qui prend sa source dans les années 60 avec des expérimentations sur de jeunes cobayes humains. Six décennies plus tard, une organisation secrète, dont on découvrira plus tard le pouvoir de nuisance, tente de mettre la main sur un certain film compromettant…

Un collectionneur le détenait, sans avoir pris le temps de déceler ce qui se cache derrière les images violentes qu’il voyait, il est mort accidentellement en voulant le récupérer en haut de sa bibliothèque. Son fils s’en est séparé sans l’avoir visionné, son nouveau propriétaire a été plus curieux : mal lui en a pris.

Ce qui a priori aurait pu passer inaperçu aux yeux de la police va pourtant mener Hennebelle et Sharko de la casbah d’Alger aux orphelinats du Québec, les morts – toujours dans des circonstances abominables – vont joncher leur route puis, lorsque la vérité sera révélée et qu’ils croiront l’affaire classée, ils s’apercevront que les sectes ont la vie dure et qu’ils sont encore loin du compte.

Un scénario tentaculaire et glaçant, illustré par le dessin accompli (et impeccable) de Luc Brahy. On attend avec une impatience croissante la sortie du second tome*, prévue en septembre 2021 !

  • Titre : Gataca

Anne Calmat

S. Runberg

Sylvain Runberg est né en 1971 à Tournai. Il partage son temps entre la Suède et la France. Titulaire d’un Bac Arts plastiques et d’une maîtrise d’histoire politique, il a été libraire, salarié dans l’édition avant de se lancer dans l’écriture en 2004. Depuis, il a publié une centaine d’albums chez les plus grands éditeurs francophones et a été traduit dans plus de 20 langues. Runberg est capable de passer de la science-fiction au thriller politique ou psychologique. cf. La série des Millénium (Dupuis).

L. Brahy

Totalement autodidacte Luc Brahy a débuté dans la publicité et le dessin de presse, puis s’est tourné vers la BD et a collaboré avec plusieurs scénaristes dont Corbeyran (Imago lundi, Climax, Cognac), Franck Giroud (Les Champs d’Azur, Destins), Roger Seiter, Jean-Claude Bartoli… Avec plus de 50 albums à son actif, son dessin classique et nerveux se prête à merveille à l’action et au mystère.