
Copyright C. Meurisse (scénario. dessin, couleurs – avec I. Merlet) / Ed. Dargaud – 116 p., 22,50 € – Depuis le 29 octobre 2021.
Carnet de voyage d’une auteure. En 2018, Catherine Meurisse séjourne une première fois à la villa Kujoyama de Kyoto (l’équivalent de la villa Médicis à Rome) afin d’observer les coutumes autochtones , peindre la nature, et ce qu’elle appelle, « renouveler sa banque d’images ». *
La nature est ici magnifiquement retranscrite par l’auteure de cette œuvre forte et belle, dont l’apparente simplicité cache une réflexion profonde sur la place de l’Homme dans la nature et sur son recours à l’art pour lutter contre l’évanescence des êtres et des choses.

Celui qui vient vers elle réside également à la villa Kujoyama. il est à la fois peintre et poète. Il recherche cet état d’impassibilité qui permet de s’attacher à l’essentiel, comme le fait celui qui compose un haïku. En effet, pour bien des artistes japonais, la création, en tant que processus, prime sur la création en tant qu’œuvre achevée.

Qui est Nami, la jeune inconnue dont le peintre-poète souhaite faire le portrait ? Une Sentinelle ? Un de ces personnages qui appartiennent à la littérature universelle ? Ou tout simplement, le fruit de ses propres chimères dans lesquels il a entraîné la dessinatrice de la villa Kujoyama (à moins que ce ne soit l’inverse).




Nami n’est en tout cas pas un modèle facile à saisir ; elle semble être en communication avec les éléments naturels et capable de détecter les signes précurseurs d’un typhon dans les plis d’une vague. Elle envoie ensuite l’un de ses nombreux époux au secours de ce qui a été ou va être dévasté. Nous pensons bien sûr à La Vague géante d’Hokusai (1830) qui engloutit barques et pêcheurs. Nous sommes plus proches encore de l’univers de l’écrivain Natsume Sôseki (Oreiller d’herbe ou le Voyage poétique), qui a inspiré à Catherine Meurisse l’écriture de ce livre, ou encore, de celui du grand Hayao Miyazaki ou d’Isao Takahata, qui dans Pompoko (1994) remet à l’honneur les divinités que sont les Tanuki, dont l’auteure va croiser l’un des représentants peu après son arrivée.

Superbe !
Anne Calmat
En 2019, Catherine Meurisse séjournait pour la seconde fois au Japon, au moment où le typhon Hagibis a dévasté la région de Kantō, près de Tokyo.

Catherine Meurisse est née en 1980.
Après un cursus de lettres modernes, elle poursuit ses études à Paris, à l’École nationale supérieure des arts graphiques (école Estienne), puis à l’École nationale supérieure des arts décoratifs.
En 2005, elle rejoint l’équipe de Charlie Hebdo‘. Elle dessine également pour des magazines et des quotidiens, comme Libération, Marianne, Les Échos, Causette, Télérama, L’Obs… et illustre des livres jeunesse chez divers éditeurs (Bayard, Gallimard, Nathan, Sarbacane…).
Elle signe plusieurs bandes dessinées, parmi lesquelles « Mes hommes de lettres » (Ed. Sarbacane, préfacé par Cavanna) : ou comment faire entrer avec humour toute la littérature française dans un seul album, « Savoir-vivre ou mourir » (Ed. Les Échappées, préfacé par Claire Bretécher) : guide hilarant des bonnes manières enseignées par la baronne Nadine de Rothschild, « Le Pont des arts » (Sarbacane) : récit d’amitiés tumultueuses entre peintres et écrivains, ou « Moderne Olympia » (Ed. Futuropolis), une relecture jubilatoire du mythe de Roméo et Juliette, au musée d’Orsay, sur fond de comédie musicale.
Aux Ed. Dargaud, elle publie « Drôles de femmes« , en collaboration avec Julie Birmant, un recueil de portraits de femmes du spectacle, telles que Yolande Moreau ou Anémone, ainsi que « La Légèreté« , récit de son retour à la vie, au dessin et à la mémoire, après l’attentat contre ‘Charlie Hebdo‘.
En 2016, elle sort également, toujours chez le même éditeur, « Scènes de la vie hormonale« , et en 2018 « Les Grands Espaces« . En 2019, avec « Delacroix« , Catherine Meurisse s’invite dans les souvenirs d’Alexandre Dumas et de l’amitié qu’il a tissé avec Eugène Delacroix et en offre une adaptation toute personnelle.
En janvier 2020, elle devient la première dessinatrice élue à l’Académie des Beaux-Arts, section Peinture.