À la rencontre du petit prince – Musée des Arts décoratifs (Paris) –

Le Musée des Arts Décoratifs présente la première grande exposition en France consacrée au Petit Prince, chef-d’œuvre intemporel de la littérature. Plus de 600 pièces célèbrent les multiples facettes d’Antoine de Saint-Exupéry : écrivain, poète, aviateur, explorateur, journaliste, inventeur, philosophe, porté toute sa vie par un idéal humaniste, véritable moteur de son œuvre. 

À l’occasion de cet hommage exceptionnel, le manuscrit original, conservé à la Morgan Library & Museum à New York et jusqu’alors jamais présenté au public français *, est mis en regard d’aquarelles, esquisses et dessins – pour la plupart inédits – mais également des photographies, poèmes, coupures de journaux, carnets de route, aquarelles, photos de famille, correspondances épistolaires,… correspondances. Le Petit Prince, dernier ouvrage édité du vivant de Saint-Exupéry, écrit et publié aux États-Unis en 1943 mais paru en France en 1946, est depuis lors un succès qui traverse les frontières et les époques, porteur d’un message universel.

Si le manuscrit du « Petit Prince » s’est retrouvé aux États-Unis, c’est parce que Saint-Exupéry y est parti en 1940. « Ses éditeurs américains lui ont proposé d’écrire un conte pour Noël 1942. Il est finalement publié, avec du retard, en avril 1943 », explique Alban Cerisier, historien de l’édition, commissaire de l’exposition. « Ce livre a été écrit aux États-Unis, entre New York et Long Island. Quand il est reparti en Afrique du Nord, pour rejoindre ses camarades militaires, il a confié le manuscrit à une ‘tendre amie’, qui l’a gardé pendant plusieurs années, et elle a finit par le vendre à la Morgan Library, une grande institution de conservation. »

Le Petit Prince est écrit durant son exil aux États-Unis et y est publié, en français et en anglais, en 1943. Ce n’est qu’en 1946 qu’il paraît, à titre posthume, dans la patrie de Saint-Exupéry. Une plongée dans l’enfance d’Antoine de Saint-Exupéry ouvre le parcours, retraçant la vie de l’auteur depuis sa naissance, le 29 juin 1900 à Lyon, jusqu’à son adolescence. Son éducation au sein d’une famille aristocrate, ses talents de poète et sa fascination pour les avions sont autant d’expériences qui irriguent son œuvre. Cette introduction aborde également l’idée même de l’enfance, au cœur du récit.

L’histoire intemporelle et l’écriture parsemée d’illustrations poétiques ont fait la renommée de ce livre, incontournable de la littérature jeunesse dont la portée philosophique est considérable. À travers certains indices disséminés dans les textes, les dessins et la vie de l’auteur, l’exposition vise à dévoiler les aspects parfois méconnus d’Antoine de Saint-Exupéry ainsi qu’à donner des clés de compréhension pour ce conte aussi universel qu’énigmatique. Héraut des pionniers de l’aviation, Antoine de Saint-Exupéry devient rapidement un écrivain de renom, de son premier roman Courrier Sud en 1929 à Vol de Nuit, couronné du prix Femina en 1931. Il s’engage ensuite dans des raids aériens et des tournées de promotion avec Air France et réalise des reportages engagés, en Espagne ou en URSS. L’exposition revient sur l’accident, en décembre 1935, d’Antoine de Saint-Exupéry et de son mécanicien André Prévot, à l’occasion d’un raid aérien entre Paris et Saigon. Cet épisode constitue le chapitre central de Terre des Hommes, mais marque surtout le point de départ du Petit Prince. La quatrième partie explore la place fondamentale qu’occupe le dessin dans la vie de l’auteur, pour qui dessiner représente une manière d’être en lien avec son enfance. C’est autour du dessin que l’aviateur et le petit prince se rencontrent : « S’il vous plaît… dessine-moi un mouton ! ». L’ensemble de dessins d’Antoine de Saint-Exupéry, ici rassemblés, constitue un important témoignage du talent protéiforme de l’auteur et montre qu’il a toujours dessiné, souvent sur ses lettres ou ses brouillons, parfois dans des carnets ou en pleine page, au milieu de ses manuscrits. À la rencontre du petit prince explore le couple formé par l’aviation et l’écriture qui anime pleinement l’œuvre de Saint-Exupéry. À l’occasion de son service militaire, Antoine de Saint-Exupéry entre dans l’aviation en 1921, avant de rejoindre l’Aéropostale. Ses aventures sur la ligne Casablanca-Dakar en 1926, comme chef d’escale à Cap Juby dans le Sahara entre 1927 et 1928, ou directeur de l’Aeroposta Argentina en 1929 sont à l’origine de ses récits inédits et palpitants. Ces vols inspirent ses deux premiers romans, Courrier sud (1929) et Vol de nuit (1931)

Pages manuscrites du Petit prince. Copyright Artcurial
Photographie de Consuelo de Saint-Exupéry dédicacée à Antoine : « 
Pour mon Tonnio. Son poussin qui l’aime à l’infini. Consuelo. », 1935

Tirage argentique d’époque
© Succession Consuelo de Saint Exupéry

L’exposition met en avant deux des figures capitales de la vie de Saint-Exupéry pendant la Seconde Guerre mondiale, qu’il passe aux États-Unis (il y arrive à la fin de 1940, afin de convaincre le gouvernement d’entrer en guerre) : son épouse Consuelo, qui aurait inspiré le personnage de la rose, et Léon Werth. Ami proche, ce dernier est un véritable maître à penser et soutien spirituel, également antimilitariste et anticolonialiste. C’est à lui que Le Petit Prince est dédié. Une salle entière est consacrée au point d’orgue de l’exposition : le manuscrit original du Petit Prince, conservé à New York, à la Morgan Library & Museum, présenté à Paris pour la première fois. Ce prêt exceptionnel est complété par des originaux inédits provenant d’une collection n’ayant encore jamais été rendue accessible au public.

Enfin, c’est la vie posthume du petit prince qui est explorée, comme le double littéraire qui survit à Saint-Exupéry, bien après sa mort. La disparition de l’auteur, héros mort pour la France en 1944, contribue en effet à sacraliser l’ouvrage. Pour conclure le parcours, 120 éditions étrangères parmi les presque 500 langues et dialectes dans lesquels le livre a été traduit sont réunies sous la forme d’une « bibliothèque universelle ». Avec l’exposition À la rencontre du petit prince, le Musée des Arts Décoratifs poursuit son cycle d’expositions sur la littérature jeunesse initié avec « Une histoire, encore ! 50 ans de création à l’école des loisirs » en 2016, et « Les Drôles de Petites Bêtes d’Antoon Krings » en 2019. Enfants, adultes, mais surtout enfants cachés au cœur des grandes personnes, tous sont invités à partager le message d’espoir humaniste d’Antoine de Saint-Exupéry, et de son ami, l’enfant venu d’ailleurs.

Exposition conçue en partenariat avec la Fondation Antoine de Saint Exupéry, le soutien du Comité international, des Friends of the Musée des Arts Décoratifs, des Éditions Gallimard, d’Eden Livres et de la Fondation Jan Michalski.
Et le soutien exceptionnel, par ses prêts, de la Morgan Library & Museum.

Musée des Arts Décoratifs
107, rue de Rivoli
75001 Paris

Tél. : +33 (0)1 44 55 57 50
Métro : Palais-Royal, Pyramides ou Tuileries
Autobus : 21, 27, 39, 48, 68, 69, 72, 81, 95

Entre mes branches – Nicolas Michel – Ed. La Joie de lire

Dès le 17 février 2022 – Copyright N. Michel / La Joie de lire – 64 p., 16,90 € – À partir de 8 ans.
(p. 62)

 » C’est une histoire qui commence mal. Elle a duré 457 ans, ce qui peut paraître bien long, mais dans ma famille, les plus anciens dépassent aisément les mille saisons… »

Après que la morsure de la hache a mis fin à ses jours et qu’il est devenu la quille et l’étrave d’un navire, un arbre – qui ne manque pas d’humour – se penche sur sa vie et se raconte (On frémit à la pensée qu’il y a un peu plus de quatre décennies, il aurait pu servir à la construction d’un échafaud !) « Je ne vais pas me plaindre, j’ai bien vécu », prévient-il.

Qu’a-t-il vécu ?

Tournons donc le cœur léger les pages de ce bel album destiné aux enfants, en prenant soin de leur dire que les arbres sont des organismes vivants, qu’ils se déplacent (eh oui !) et communiquent entre-eux par leurs racines, qu’ils peuvent à l’occasion trembler, pleurer, qu’ils souffrent lorsque l’on s’attaque à leur écorce, qu’ils peuvent mourir de soif, mais aussi protéger bêtes et gens contre les rayons du soleil et qu’ils gardent toute leur vie la marque des amours humaines…

Dans son livre, La Vie secrète des arbres, l’ingénieur forestier allemand Peter Wohlleben explique que pour sauver les forêts de notre planète, nous devons d’abord reconnaître que les arbres sont « des êtres extraordinaires ». https://www.youtube.com/watch?v=Eu4mpUDKdTA

 » Entre mes branches, j’ai abrité de somptueux oiseaux de nuit… »

« Certains de mes hôtes se montrèrent parfois un peu envahissants… »

Nous verrons aussi dans ce délicieux album aux vingt-cinq dessins et commentaires, qu’en regard de la planche ci-dessus, l’arbre semble pester contre ceux qui « se montrèrent carrément sans-gêne« . Et pourtant, qui n’a jamais rêvé de se construire une cabane dans un arbre !

A.C.

Tonton schlingueur – Pedro Mañas – Ed. La joie de lire

Parution le 17 février 2022 / Ed. La Joie de lire – Traduit de l’espagnol par Anne Calmels – 168 p., 10,90 € – À partir de 9 ans

La traductrice de cette jolie fable initiatique intitulée Apestoso tío Muffin (en VO), dans laquelle odeur rime avec peur, a malicieusement amalgamé ou détourné une expression argotique, schlinguer (puer), le titre d’un film culte des années 1960, Les Tontons flingueurs, et le nom de figurines à la mode « qui puent vraiment », pour traduire celui du roman du dramaturge et acteur de théâtre Pedro Mañas, dans lequel humour et mélancolie vont de pair.

L’histoire ? Montgomery Muffin a tout essayé pour se défaire de l’odeur pestilentielle qui lui colle en permanence à la peau et rend impossible toute relation amicale, et encore moins amoureuse. Ses bains biquotidiens dans une eau bouillante, suivis de l’immersion de sa pauvre tête en vrac dans un seau de parfum additionné de quelques gouttes d’eau de Javel n’empêchent pas qu’on le sente venir de très loin et qu’on le fuie comme la peste. Aussi étrange que cela puisse paraître, Montgomery Muffin est en fait la personne la plus propre et la plus soignée qui soit. Quel est ce mystère ? Ironie du sort, il travaille dans une entreprise spécialisée en produits de nettoyage et de beauté.

Le pauvre Muffin connaît donc une vie monotone et solitaire dans une maisonnette qui sent la sardine pourrie (et bien d’autres bestioles moins ragoûtantes encore), héritée de sa grand-mère, laquelle a peut-être à voir avec son état actuel. « Tio Muffin » semble avoir a perdu à jamais le goût de vivre, si tant est qu’il ait connu cet état un seul jour dans son existence .

Mais un beau soir, la jeune Emma vient frapper à sa porte. Elle prétend être sa nièce et veut l’aider à se débarrasser de son odeur nauséabonde… et de sa peur pathologique de vivre.

A.C.

Transitions – Journal d’Anne Marbot – Elodie Durand – Ed. Delcourt / Mirages

© E. Durand / Delcourt – Depuis 2021 176 p., 22,95 €

Transitions est l’histoire d’un changement de genre, thématique autour de laquelle les langues se délient et qui a fait l’objet de plusieurs œuvres documentaires ou de fiction ces dernières années (v. ci-dessous), montrant souvent le décrochage familial qui se produit lors de ces « coming out ».

POLLY BdBD/Arts + (août 2022)

La vie d’Anne Marlot vacille le jour où sa fille Lucie,19 ans, lui confie qu’elle est un garçon. Anne n’a pas su voir que Lucie se questionnait sur son identité sexuelle. Maintenant il faut qu’elle « encaisse » ce qui est devenu une évidence pour celle qu’il lui faudra bientôt l’appeler Alex.

« J’étais sans modèle. Je n’étais pas préparée. J’ignorais tout de la  transidentité. »

Anne va batailler pendant plusieurs mois, se déconstruire, s’ajuster à son enfant pour se fabriquer un autre regard, un nouveau paradigme. Se défaire du sentiment de culpabilité qui l’avait tout d’abord envahie, l’empêchant ainsi de voir la situation sous un angle apaisé et lui permettant de comprendre que le choix d’Alex n’est pas un échec.

« Vous savez, les genres féminin et masculin sont les deux extrêmes d’un état. Chacun est libre de mettre le curseur où il veut, où il peut. » lui avait dit d’entrée de jeu la psychologue…

Une réflexion intelligente qui démontre une fois encore que tout ce qui nous est inconnu crée instinctivement de la défiance et que seul le temps aide à comprendre et à mesurer chaque événement pour accepter les choix de ceux qui nous entourent… À accepter l’Autre, tout simplement.

A.C.