Ama – Le souffle des femmes – Franck Manguin – Cécile Beck – Ed. Sarbacane

Copyright F. Manguin – C. Becq / Sarbacane – En librairie le 27 mai 2020

Ama n’est pas le prénom de celle que l’on voit évoluer torse nu dans les fonds sous-marins, mais bien le nom que l’on donne à celles, de moins en moins nombreuses, qui plongent à plusieurs centaines de mètres de profondeur, en apnée, pour en récolter les fruits : crustacés, mollusques… Une simple corde nouée autour de la taille les relie à celui qui attend dans une barque, prêt à les remonter au moindre signal. Ces stakhanovistes de la pêche sont bien souvent des femmes d’âge mûr, fortes en gueule, qui, à la criée, savent, le cas échéant, défendre le fruit de leurs efforts face à celui qui veut les exploiter ou les gruger.

Dans cette société qui navigue à part égale entre traditions et modernité, la coutume veut que chacune ait son « tomoé », un époux, un frère, un ami, qui veille sur elles. Gageons que c’est plutôt l’inverse qui se produit. C’est aussi la condition de la femme japonaise qui est ici montrée.

Côté traditions précisément, le Japon est loin d’en être dépourvu. Il n’est que de découvrir toutes celles qui – bien souvent en hommage aux ancêtres – émaillent cette histoire.

Ces maîtresses-femmes ne sont pas à l’abri de chagrins intimes ou d’une histoire familiale douloureuse, à commencer par Isoé, la cheffe de la communauté des Ama qui figure sur la couverture de l’album. Elle a une cinquantaine d’années et elle aime son métier. Sa nièce doit arriver de Tokyo. Nagisa est, semble-t-il, désireuse de revenir aux sources des traditions ancestrales de l’île qui a vu naître sa mère. Ella y restera11 ans. Nous sommes en 1962.

Ce roman graphique, qui rime à la perfection avec magnifique, s’achève au début des années 2000.

Cette jeune fille, prude, respectueuse et timorée cache un lourd secret. Elle va devoir s’intégrer à cette société traditionaliste et faire face aux réticences de ces « guerrières des océans » qui n’oublient pas que jadis, l’une des leurs, la meilleure sans doute, a déserté la communauté des Ama sans plus jamais donner aucun signe de vie.

Nagisa parviendra-t-elle à leur prouver qu’elle peut être une plus grande Ama que ne l’était sa propre mère ? Et comment va-t-elle réagir lorsqu’il sera question de lui attribuer un tomoé ?

Quand émouvant rime avec captivant.

Anne Calmat

112 p., 21,50 €

Franck Manguin est né en 1986 à Ajaccio. Après une enfance entre la Méditerranée et les Alpes. Il entreprend des études de Japonais après avoir lu «pays de neige» de Yasunari Kawabata. Diplôme de langues, littérature et civilisations Japonaises en poche, il s’exile durant trois ans au pays du soleil levant. Il y écrit un mémoire sur l’art traditionnel d’Okinawa, fabrique des animations pour machines «pachinko» et enseigne l’anglais. Franck est actuellement bibliothécaire et traducteur/interprète de japonais dans le milieu culturel.

Cécile Becq est née dans le sud de la France, près de la mer, en 1979. Après une licence d’arts plastiques, elle sort diplômée de l’école Emile Cohl à Lyon. Installée à Grenoble depuis 2005, elle commence à travailler comme illustratrice dans divers domaines, principalement pour l’édition. Son univers est tendre, sensible, poétique et coloré. Dans son travail, elle aime aussi bien réaliser des illustrations numériques que des illustrations peintes à la gouache ou à l’acrylique.