

Copyright L. Seksik (scénario), D. François (dessin)/ Rue de Sèvres
Ceux albums aux illustrations chaloupées retracent la période américaine de Chaplin et décrivent comment un homme qui, au départ, avait reçu d’aussi mauvaises cartes dans son jeu va devenir un créateur visionnaire et un acteur d’exception doublé d’une légende vivante.
Le premier tome débute en octobre 1912, lorsque Charles Spencer Chaplin, artiste de music hall, lui même fils d’artistes tombés dans l’oubli, quitte l’Angleterre pour une tournée de trois mois aux USA en compagnie de son demi-frère, artiste également et soutien indéfectible de son cadet. Chaplin ne doute de rien, il arrive en conquérant. Pour lui, il est inenvisageable qu’il en soit autrement, n’a-t-il pas une revanche à prendre sur la vie et sur la misère qui a accompagné son enfance et détruit ses parents ?

« Salut, l’Amérique ! Je suis venu te conquérir! Il n’est pas un homme, une femme, un enfant qui n’aura pas mon nom aux lèvres ! »
Mais les critiques sont catastrophiques.
Peu de temps après, les cartes vont s’aligner dans le bon ordre : le metteur en scène-producteur, Mack Sennett, qui avait trouvé « le spectacle nul, mais Chaplin prometteur » demande à le rencontrer, puis semble l’avoir zappé. Chaplin demeure cependant dans son sillage, au cas où. C’est à la faveur d’un coup de chance phénoménal qu’il va créer son personnage : Sennett a besoin d’un comédien pour remplacer celui qu’il dirige dans L’Etrange aventure de Mabel ; il lui demande d’aller se chercher un costume dans la réserve aux accessoires… et c’est Charlot qui réapparaît.

C’est ainsi que Charles Spencer Chaplin va tourner dans la foulée une trentaine de films (en courts-métrages) et devenir en peu de temps l’acteur, puis ensuite le réalisateur le plus célèbre du monde.


Celles et ceux qui ne connaissaient que les grands lignes de la vie de Charlie Chaplin vont découvrir chez lui un mélange de pragmatisme (il a toujours privilégié ses intérêts, quitte à se montrer ingrat et cynique envers de ceux qui ont fait sonner pour lui « les trompettes de la renommée« ) et d’idéalisme (il n’a cessé de défendre le doit de l’Homme à la dignité et de pourfendre l’intolérance et le fascisme). Le troisième aspect de Chaplin – son goût immodéré pour les très jeunes filles – lui vaudra quelques déboires avec la justice et les ligues de vertu – ce ne seront pas les seules attaques auxquelles il devra faire face…


Puis au retour d’un voyage où il a côtoyé les dirigeants les plus influents de la planète, celui qui a atteint les plus hauts sommets du tragique dans certains de ses films muets, décide qu’il est temps pour le vagabond au grand cœur de laisser la place à des productions plus engagées.
Ce que j’ai vu du monde me commande de passer à autre chose (…) de faire un autre cinéma (…) de tendre un autre miroir au monde. À quoi servirait le cinéma sinon ?


En 1936, il envoie Charlot à l’usine. Ce sera le dernier film muet de celui qui ne voyait aucun avenir au cinéma parlant. Il y stigmatise le travail à la chaîne et dénonce le chômage qui sévit en Amérique depuis la crise de 1929. Puis viendra Le Dictateur (1939), son premier long-métrage parlant où, renonçant à toute métaphore, il caricature Hitler, qu’il qualifiait de clown inoffensif avant son voyage en Allemagne. Preuve que l’on ne peut pas être visionnaire en tout…
Anne Calmat
