
de Paule Constant et Barroux – Roman graphique publié aux éditions Gallimard BD, adapté du roman éponyme de Paul Constant.
Cela commence comme un beau conte africain, avec des dessins aux lignes enfantines, des couleurs vives tracées à grands traits et un début d’histoire auquel on a envie d’ajouter il était une fois… dans un minuscule village africain du Nord Congo, au bord du fleuve Ebola… Olympe, la seule petite fille, traîne, remplie de tristesse, en l’absence des garçons et de ses frères. Elle ne peut les accompagner à la chasse car l’odeur féminine ferait fuir le gibier. Elle se distrait en adoptant un adorable un bébé chauve-souris qu’elle nourrit d’un peu de salive. Mais les garçons tardent à rentrer et le village s’inquiète…
Pas très loin de là, à l’aéroport, un avion dépose Agrippine, jeune médecin de l’équipe Médecins sans Frontières, venue rejoindre son dispensaire pour commencer une campagne de vaccination. Elle partage un bout du voyage en pirogue avec « docteur Désir », un marchand ambulant européen qui propose aux dames africaines de quoi satisfaire leurs désirs de frivolités.
Virgile, qui étudie le rapport entre les plantations d’hévéas et le réveil des maladies endémiques du fait du bouleversement de l’éco-système, fait étape à la Mission, où il croise Agrippine.
Thomas, l’interprète, rejoint l’équipe médicale pour lui permettre de toucher toutes les populations.
Le décor est planté, les personnages posés. Comment la catastrophe va-t-elle prendre corps ? Par un simple jeu de circonstances suivi d’une séries de rencontres hasardeuses.
Finalement, les garçons sont rentrés bien tard de la chasse, traînant derrière eux un énorme gibier, un grand singe. Le village qui n’a pas vu autant de viande de brousse depuis longtemps, s’empresse de l’accommoder en ragoût, et tous, adultes, enfants, chiens de s’en repaître à plaisir. Sauf que les enfants ont caché que le singe avait été trouvé mort et qu’ils ont omis de pratiquer la cérémonie pour déshumaniser leur trouvaille. Alors pourquoi s’étonner quand au matin, quatre d’entre-eux sont trouvés sans vie, la gorge inondée de sang. Et toute la sorcellerie de la reine Mab, consultée bien loin, dans son île, ne pourra rien contre des forces plus redoutables encore.
Puis, comme dans un ballet, les différents personnages se croisent : docteur Désir, passant par le village, décide, dans l’idée de rivaliser avec la reine Mab, d’emporter la peau de singe pour lui servir de tente de désenvoûtement. Faisant un détour dans le coin pour raccompagner une patiente, Agrippine aperçoit Olympe, qui, accusée de sorcellerie se meurt sur une plage isolée. Elle décide sur-le-champ de l’adopter tandis que Thomas se charge d’en avertir le village. Epouvanté par ce qu’il y trouve, il s’enfuira dans la brousse. À la mission, Virgile passe saluer tout le monde avant d’embarquer pour l’Europe. Il voyage à bord d’un 747, et à son arrivée, sa mère venue l’attendre, lui propose de regagner leur domicile en RER…
Le contraste est saisissant entre la douceur des couleurs vives, réalisées au pastel et la noirceur de la tragédie mortifère qui se déroule. On a utilisé, pour qualifier l’ouvrage le terme de « poésie déchirante », on ne saurait dire mieux.
Nicole Cortesi-Grou
80 p., 18 € – Visuels © Gallimard BD
V. également : Alpha Abidjan-Gare du Nord de Barroux – Ed. Gallimard
