Copyright F. Menor / La Joie de lire – En librairie le 22 oct. 104 p., 17€90

Que peut donc penser cette enfant au visage impénétrable que l’on découvre sur la couverture de l’album ? Qui guette-t-elle, les bras sagement croisés ? On s’attarde un instant sur cette image, redoutant qu’à la noirceur du dessin s’ajoute celle du quotidien de la petite fille. Élise.


L’héroïne de cette histoire, qui n’est autre que la grand-mère de l’auteur, aurait cependant tout pour être heureuse, sans cette sorcière d’institutrice qui lui donne des cauchemars : une famille aimante, un chien attentif et fidèle.
On la voit le matin qui se rend à l’école avec son petit frère et sa sœur. Une classe unique pour les différents niveaux, comme il y en avait dans les villages au début des années 1950. Elle est tenue par l’incontournable madame Jousseau qui mène son petit monde à la baguette. Ses élèves l’ont surnommée « la pionne ». Aucun gant de velours ne vient atténuer la vigueur de ses gifles (souvent accompagnées d’humiliations), qu’elle sème à tout vent. Sa perversité est sans limites, quant à ses compétences professionnelles, elles laissent à désirer…
Élise est sa cible privilégiée. Elle subit sans broncher. Pas question d’aller se plaindre. « Ce qui se passe à l’école, reste à l’école » a prévenu la Jousseau.

On est à une époque où la protection de l’enfant n’a pas encore été imposée dans les écoles.

Jusqu’au jour où une gifle administrée avec vigueur laisse une trace sur le visage d’Elise. Son père s’en émeut, vient demander des comptes. Outrée, la virago nie, prend à témoin ses élèves qui, terrorisés, se défilent. Le père repart en s’excusant. « Je ne sais pas ce qui est pire : le regard de mon père ou la lâcheté de mes camarades » s’est ensuite dit Elise.
Que vaut sa parole face à celle d’un adulte ? À qui faire confiance désormais ?
Qui Élise attend-t-elle, les bras sagement croisés ? Peut-être celle ou celui par qui tout pourrait rentrer dans l’ordre.

Un roman graphique éloquent, illustré avec sobriété au travers du dessin à l’encre de Chine et au lavis de Fabian Menor. Un album troublant également si l’on songe à la violence qui règne aujourd’hui dans certaines cours de récréation (bagarres, harcèlement…),
Anne Calmat
