From Black to White

Depuis le 31 octobre 2018

de Stéphane Louis (scénario), Clément Baloup (dessin) et Joanna Cabanes (couleurs) – Steinkis Ed.

© Louis/Baloup/Cabanes/Steinkis

D’emblée, l’éditeur annonce la couleur, si on peut dire, affirmant sa volonté de mettre l’accent sur les ponts qui relient les gens et non les murs qui les séparent, et d’œuvrer à la connaissance de l’autre.

Quoi de plus louable en ces temps de repli identitaire ?

Nous allons suivre Curtis Ollis, né probablement à la fin des années 50 dans la communauté noire de Harlem, son père est pasteur et le petit garçon est fasciné par Michael Jackson qu’il découvre en 1964 dans la formation des Jackson 5.

La danse devient sa passion.

On traverse l’histoire des afro-américains, de l’apartheid à la guerre du Vietnam en passant par Cassius Clay qui devient Mohamed Ali, et l’émergence radicale des Black Panthers. On suit la trajectoire du courageux petit Curtis qui a commencé par imiter son idole puis a trouvé son propre style dans le hip-hop, et qui va connaître le succès en jouant dans la célèbre série Fame consacrée à la danse.

La folie mystique du père, la dépression de la mère, le grand frère qui arrache les sacs à main des vieilles dames pour faire vivre sa famille, rien ne nous sera épargné sur le quotidien d’une famille noire américaine. On frôle souvent le cliché.

Le récit est linéaire et sans surprise, et comme le titre l’indique, il questionne en filigrane la tentation de la blancheur chez le célèbrissime chanteur.

Rien à dire sur le graphisme ou le scénario, si ce n’est qu’il manque un soupçon de créativité.

Cet album, dont le projet didactique est par trop évident, améliorera sans aucun doute l’ordinaire des classes de collège ou de lycée, les auteurs ayant même fourni un récapitulatif historique à la fin de l’ouvrage.

Le lecteur reste cependant un peu sur sa faim.Le parti pris est édulcoré et édulcorant, la trajectoire de Michael Jackson passe sous silence ses zones d’ombre, et si on le voit blanchir de vignette en vignette, on ne saisit pas ce qui motive ces transformations. Un petit passage par Franz Fanon* pourrait éclairer notre lanterne, mais on reste dans le factuel.

Bien sûr on ne saurait demander à une bande dessinée de se transformer en ouvrage d’analyse sociologique ou politique, mais décidément, tout le monde ici est un peu trop lisse et trop gentil – même le grand frère délinquant, présenté comme une sorte de nouveau Robin des Bois – et on peine à vraiment s’intéresser au personnage de Curtis, tellement prévisible.

On le suit de Harlem en Californie, il fonde une famille, puis retourne à la case départ, après avoir connu le succès, il ouvre son école de danse pour donner leur chance aux gamins perdus.L’idée est intéressante : mettre en parallèle les deux destins si différents d’artistes noirs dans une Amérique qui est loin d’avoir réglé ses problèmes de racisme, pas plus que ses inégalités sociales ; il manque cependant une profondeur au personnage central, et un souffle épique à cette traversée de l’Amérique vue du côté des opprimés et de la variété où les artistes afro-américains servent trop souvent de caution à la mauvaise conscience de ceux qui sont du bon côté du manche.

Et malgré ces quelques réserves, il n’est pas mauvais de se remettre tout cela en mémoire.

Danielle Trotzky

104 p., 18 €

Peau noire, masques blancs de Franz Fanon aux éditions du Seuil, collection Points

En libraire depuis le 14 novembre 2918

À lire également :

Black in White America de Leonard Freed, traduction Claire Martinet  Steinkis Ed

 

 

 

On the wall au Grand Palais, Paris

du 23 novembre 2018 au 14 février 2019

Lundi, jeudi et dimanche de 10h à 20h
Mercredi, vendredi et samedi de 10h à 22h.

Fermeture hebdomadaire le mardi

Fermeture à 18h les 24 et 31 décembre 2018