Grand prix 2022 de la BD d’Angoulême : Julie Doucet l’irrévérencieuse coupe l’herbe sous le pied à Catherine Meurisse et Pénélope Bagieu

Il n’est pas rare qu’un auteur ou une autrice de bandes dessinées, ayant officiellement cessé d’en faire vingt ans auparavant, continue d’exercer une réelle fascination sur les bédéistes. Cela devient plus rare lorsqu’il s’agit d’une autrice underground. C’est le cas de la reine de la provocation, Julie Doucet. Active entre 1987 et 1999, à une époque où les dessinatrices n’étaient pas légion, surtout à se situer sur le terrain de l’esthétique trash, avec elle tout y passe : cycle menstruel, masturbation, changement de sexe, serpent à pipe, etc.

La conception éditoriale et graphique de Maxiplotte a été réalisée par Jean-Christophe Menu, premier éditeur de Julie Doucet en France et co-fondateur de L’Association, en étroite collaboration avec l’autrice québécoise. Véritable panorama de l’évolution de son travail, Maxiplotte rassemble des travaux réalisés au cours de ses douze années d’activité d’autrice de bande dessinée. S’y déploie une œuvre à la fois subversive, féministe et fantaisiste. Julie Doucet évoque crûment et avec humour la vie du corps – des règles au désir sexuel en passant par les crottes de nez, les stéréotypes de genre, ses expériences de jeune femme, sans oublier sa vie onirique qu’elle relate abondamment. En noir et blanc, les récits s’épanouissent au fil de cases aux décors minutieusement élaborés, peuplées de personnages aussi insolites qu’attachants.

Julie Doucet

Julie Doucet est certainement l’auteure québécoise de BD la plus connue du monde. Ses bandes sont publiées en anglais, en français, en allemand, en finlandais et en espagnol. De plus, ses planches originales ont été exposées dans plusieurs villes tant au Canada qu’aux États-Unis, en France et au Portugal. Née à Saint-Lambert le 31 décembre 1965, Julie Doucet étudie en arts plastiques au cégep du Vieux-Montréal au début des années 1980. C’est dans cet établissement, à la faveur d’un cours sur la bande dessinée, qu’elle commence à s’intéresser à cette forme d’art. Doucet obtient son diplôme d’études collégiales, puis s’inscrit à l’Université du Québec à Montréal où elle étudie les arts d’impression et les arts plastiques. À cette époque, Yves Millet publie la revue Tchiize! (bis) (sept numéros de 1985 à 1988), une des seules revues à ne pas être exclusivement consacrée à la bande dessinée d’humour. Julie Doucet fait paraître une première histoire courte dans le deuxième numéro et récidive dans les numéros suivants. Entre 1988 et 1990, elle collabore aux deux numéros de L’Organe (qui devient Mac Tin Tac en 1990) ainsi qu’à Rectangle, revue de rock francophone et de BD. Ces deux revues marquent l’émergence d’une nouvelle génération d’artistes montréalais underground dont font partie Doucet, Henriette Valium, Al+Flag, Marc Tessier, Alexandre Lafleur, Simon Bossé, Luc Giard, Siris, Jean-Pierrre Chansigaud, R. Suicide, etc. En septembre 1988, Julie Doucet fait le grand saut et crée son propre fanzine, Dirty Plotte, de format variable (et au titre tout aussi variable : Dirty Plotte Diet, Mini Plotte, Dead Plotte) qui paraît jusqu’en juin 1990 (quatorze numéros). C’est dans ces pages que Doucet met au point son style personnel de narration. Elle y entretient les lecteurs de ses fantasmes (réels ou inventés) et de ses angoisses, mais aussi de ses rêves, qu’elle note dans un journal personnel.