Isadora

de Julie Birmant (scénario) et Clément Oubrerie (dessin) – Ed. Dargaud

Dans le Berlin des années 1920, les émigrés russes partagent leur temps entre lectures poétiques et bagarres entre factions politiques. Dans un grand hôtel, Maxime Gorki, exilé politique, rencontre son ami, le poète Serge Essenine, qu’il trouve bien mal accompagné par la femme qui se trouve à ses côtés. Il s’agit de son épouse, Isadora Duncan. 

Que sait-on de sa vie ?

Dans ce nouvel opus consacré à la danseuse*, les auteurs retracent la courte et lumineuse carrière de celle qui est entrée dans l’Histoire avec de courtes tuniques grecques, des pas de danse libres et virevoltants, et une fin tragique: son écharpe, prise dans l’essieu de la voiture de course qu’elle pilotait, s’est transformée en un nœud coulant meurtrier.

Au début du siècle dernier, après six mois de voyage en cargo à bestiaux, Isadora débarque à Londres avec sa mère, sa sœur et son frère. Ils viennent de Californie pour découvrir les splendeurs du vieux continent. A vingt ans, Isadora possède quelques rudiments de danse et un furieux appétit de réussite. Munie de l’indispensable guide Baedeker, cette famille excentrique et désargentée dort à la belle étoile, fait la sieste dans une bibliothèque et déjeune à la buvette du British Museum. C’est là que, dans le département des Antiquités grecques, la jeune femme entend  » l’appel d’Athéna « , qui se sentant injustement oubliée, la charge d’être, en son nom, l’expression de la simplicité grandiose, qui ose associer les extrêmes : la raison et la puissance, la mesure et la démesure, la chouette et l’olivier. Tout en gardant, bien sûr, les pieds sur terre.

Dès lors, Isadora se présente légère et court-vêtue sur les scènes européennes. Celle Londres d’abord, trop compassée à son goût, puis de Paris, qui lui ouvre les portes de la bonne société. La danseuse est alors la voisine d’Auguste Rodin, qui veut la croquer, dans les deux sens du terme. Elle y rencontre surtout Loïe Fuller, la reine des Folies-Bergère. Elle va lui ouvrir les portes de Berlin, où la danseuse deviendra une étoile.

La suite n’est qu’aventures: Isadora échappe à une tentative d’assassinat, rencontre l’amour, suscite l’engouement dans les grandes capitales…

Après un passage obligé par la Grèce, là voilà à Bayreuth, où Cosima Wagner lui suggère de porter un collant sous sa tunique pour diriger la bacchanale, que Richard Wagner a ajoutée au premier acte de Tannhäuser.

Les amours se succèdent, les époux aussi. Ses deux enfants, eux, mourront accidentellement, noyés dans la Seine à la suite d’une négligence tragique. Son mariage avec Serge Essenine sombrera également, après une tournée new-yorkaise désastreuse. Isadora avait oublié, pour ce retour aux sources, combien puritaine est l’Amérique.

En Russie, Essenine ne supporte plus d’être « monsieur Duncan », il boit jusqu’au délire et rend leur séparation inéluctable. Son décès par suicide interviendra en 1925.

Deux ans plus tard, Francis, un ami de Jean Cocteau, propose à la danseuse de faire un tour dans son Amiclar. 

A cette occasion, elle ajoute une belle et longue écharpe à son serre-tête…

Un destin hors-normes donc, et l’on regrette que les auteurs n’aient pas plus mis en valeur la formidable contribution de l’artiste au renouveau des codes du ballet traditionnel, et que sa représentation graphique soit en deçà de la beauté et de la grâce de cet astre à la fois solaire et lunaire.

Nicole Cortesi-Grou

140 p., 22,90 €

* Inspirés par le couple Essenine-Duncan, les auteurs ont déjà publié Il était une fois dans l’Est (Dargaud, nov. 2015).

http://boulevarddelabd.com/il-etait-une-fois-dans-lest/ Rubrique « Zoom des libraires »

1887 – 1927