La couleur des choses – Martin Panchaud – Ed. çà et là

Depuis le 9 septembre – Copyright M. Panchaud (scènario et dessin) / Ed. çà et là. 225 p., 24 €

Les premières planches – Daisy Hope vient de terminer le gâteau qu’elle a confectionné pour l’anniversaire du petit Rupert Thomson. C’est son fils, Simon 14 ans, qui est chargé d’effectuer la livraison, en échange des 25 € demandés par sa mère. « Et interdiction de toucher au gâteau ! »

Simon ne détesterait pas l’idée d’y gouter, et surtout de garder l’argent pour se payer quelques friandises, mais cette somme est destinée à mettre du beurre dans les épinards, puisque, non content de tabasser sa mère, son vaurien de father claque une grande partie de sa paie sur les champs de courses. Simon ne détesterait pas non plus l’idée de se rendre sans encombres chez madame Thomson, puisqu’il fait régulièrement l’objet de moqueries et de harcèlements de la part des jeunes de son quartier, en raison de son « embonpoint » précoce. De là à entrer dans leurs magouilles, rien que avoir la paix, il n’y a qu’un pas…

p. 8

Un jour qu’il fait des courses pour madame McMurphy, « voyante » de son état, cette dernière lui révèle – moyennant abandon du prix de sa livraison – le nom de la prochaine gagnante de la prestigieuse Royal Ascot Race : Black Caviar. Tout un programme !

p. 24

Simon vient peut-être de perdre les 20 € de sa course, mais il ne va tarder à empocher plus de 16 millions de livres, après avoir misé sur la divine jument (grâce aussi aux économies de son père, qu’il lui a subtilisées au passage). Sauf que Simon est mineur et qu’il ne peut encaisser son gain.

Quand il revient chez lui, il trouve sa mère dans le coma et la police lui annonce que son père a disparu. Il doit absolument le retrouver.  C’est le début d’une singulière et fascinante aventure…

p. 25

Singulière on l’aura compris au vu des planches qui illustrent cette chronique.

p. 14

On est tout d’abord déconcerté par le graphisme de l’album, réalisé avec des logiciels d’infographie : les personnages sont des points de couleur et les décors sont tous dessinés en plongée. Au tout début, on s’y perd un peu, surtout quand il s’agit de repérer Qui est qui (*). Mais les dialogues sont là pour nous éclairer, d’autant que l’agencement de chaque case a été conçu de manière à ce que lecteur sache toujours où il en est.

(*) Un exemple ? Daisy Hope : point turquoise cerclé de bleu marine ; Simon Hope : point orange cerclé de marron clair ; Dan Hope : point vert bouteille cerclé de noir…

Et ainsi de suite jusqu’au dernier personnage, et ils sont nombreux. Très rapidement les visages des un(e)s et des autres se dessinent, on entre de plain-pied dans ce scénario un peu foldingue, un peu polar, plutôt noir, et en totale résonance avec l’actualité.

Car Martin Pinchaud ne se contente pas d’être un « pointilliste« * de talent, il met aussi l’accent sur les grands thèmes qui continuent de polluer nos sociétés, à commencer par les violences conjugales et celles qui sont faites aux enfants par d’autres enfants.

  • N.D.L.R. Avec l’admiration sans bornes que nous vouons aux véritables Pointillistes.

Anne Calmat

Martin Panchaud est né en 1982 à Genève, en Suisse, et vit depuis quelques années à Zurich. Auteur et illustrateur, il a réalisé plusieurs bandes dessinées, des récits graphiques grand format et de nombreuses infographies, dans un style visuel unique. Sa très forte dyslexie a été un frein à sa scolarité et l’a empêché de suivre des études supérieures. Il a néanmoins suivi une formation de bande dessinée à l’EPAC, à Saxon, puis a obtenu un Certificat Fédéral de Capacité de graphiste à Genève. Sa dyslexie lui a fait placer la lecture, ainsi que l’interprétation des formes et de leurs significations, au centre de ses recherches, et l’a incité à choisir un style très particulier pour exprimer sa créativité et raconter des histoires. Grâce à son travail, il a reçu plusieurs récompenses et a effectué de nombreuses résidences artistiques afin de développer ses projets de création. Exposé dans divers établissements culturels en Europe, comme le Barbican Centre de Londres et le Centre
culturel Onassis Stegi d’Athènes, il s’est notamment distingué par son impressionnante œuvre intitulée SWANH.NET, une adaptation dessinée de 123 mètres de long de l’épisode IV de Star Wars, mise en ligne en 2016 (v. ci-après).
La Couleur des choses, son premier roman graphique, a été initialement publié en allemand par Edition Moderne en 2020 et a remporté de nombreux prix en Suisse et en Allemagne.