La Dame de Damas (Quand la route de la dame de Damas croisait celle de dame Espoir)

La Dame de Damas de Jean-Pierre Filiu (récit) et Cyrille Pomès (dessin, couleurs) – Ed. Futuropolis ©

La bande dessinée date de 2015, elle fait allusion à des événements antérieurs. Ce qu’elle raconte est d’autant plus tragique que ce qui s’est passé par la suite aurait pu être évité.

(…) La dame de Damas s’est levée ce matin / Liberté dans les cœurs, aube à portée de main.

Ce ne sont pas des bons / Ce ne sont que des chiens / Aboyeurs enragés/ Ivres de leur venin / La Syrie leur est due / Et nous sommes leurs serfs / Un pays aux Assad / Et pour nous la misère. (…) Cette dame que je chante, c’est la révolution / Sur les murs de Syrie, j’écris partout ton nom.

Extrait de la préface en vers libres de Jean-Pierre Filiu*

Le 16 novembre 2010 à Daraya, dans la banlieue sud-ouest de Damas, on célèbre le 40e anniversaire de la prise du pouvoir par Hafez al-Assad, auquel a succédé en juin 2000 son fils, Bachar. La foule, étroitement surveillée par ses sbires, manifeste sa désapprobation face aux affirmations d’un orateur. « Quarante ans de fierté et de prospérité ».

« Est-ce qu’on a déjà vu un peuple fêter quarante ans de servitude », s’indigne Karim.Zoom sur une famille de Daraya. Mona et Karim contestent la légitimité du pouvoir en place, leur frère Abdallah en est l’ardent défenseur. Il y a aussi Fatima, aimée de Karim, bien plus radicale que lui, et Bassel, hâbleur, arriviste, bras armé d’Assad.

2011. Les révolutions arabes ont continué d’essaimer, le mur de la peur qui oppressait les Syriens est en train de céder sous le poids des violences dont sont victimes les opposants au régime.

« Faisons de Daraya une tribune de contestation non-violente » propose Karim.

Des comités de quartiers clandestins se constituent et le même mot de passe – la dame de Damas – court sur les lèvres des résistants. Chacun espère que la diplomatie et la raison l’emporteront, mais face aux exactions dont les habitants de Damas, Homs et Daraya font l’objet, face à la passivité des USA et à la pusillanimité de l’ONU, c’est la violence qui va s’imposer dans les différentes strates de la société multiculturelle et multi-confessionnelle syrienne.

L’album se referme sur ce jour d’août 2013 où, aux premières heures, une attaque chimique a fondu sur la capitale syrienne. 

Le texte, dense et ultra documenté de Jean-Pierre Filiu et les dessins réalistes de Cyrille Pomès sont autant de piqures de rappel d’événements qui se sont déroulés en Syrie, aux temps où tout semblait encore possible, avec aujourd’hui, en ce mois de septembre 2018, leurs conséquences dramatiques sous la forme d’une probable offensive totale de Damas et de Moscou qui, ajoutée aux 360 000 morts passés, signerait une véritable catastrophe humanitaire. 

A.C.

104 p., 18 €

  • Jean-Pierre Filiu est professeur des universités en histoire du Moyen-Orient contemporain à Sciences Po (Paris), après avoir enseigné à Columbia (New York) et Georgetown (Washington). Ses travaux sur le monde arabo-musulman ont été publiés dans une douzaine de langues.
  • Il est également l’auteur du Printemps des Arabes (2013).