La fille de Mendel

de Martin Lemelman – Préface Serge Klarsfeld, traduction et postface Isabelle Rosenbaumas – Ed. Ça et Là.

Le décès en 1996 de la mère de l’auteur, Gusta Lemelman, fille de Menahem Mendel, précédé du récit qu’elle lui fit quelques années auparavant de l’histoire de sa famille, avant et pendant la Seconde Guerre mondiale, marque le point de départ de ce roman graphique, publié une première fois en 2007, puis réédité dix ans plus tard.

C’est Gusta qui s’exprime tout au long de ce récit tout en sobriété, sublimé par les dessins de Martin Limelman et rehaussé de documents d’époque – photographies, textes hébraïques…

Son histoire débute dans les années 1930 à Germakivka, une petite ville polonaise, aujourd’hui ukrainienne, qui compte une importante communauté juive. C’est aussi celle de nombre de familles juives, en partie ou totalement anéanties pendant la Shoah.

Le couple Mendel a sept enfants: quatre filles et trois garçons, dont deux nés d’une première union. Tous vivent confortablement grâce au revenu que procure le magasin de confection et de fourrures du père. Les enfants sont élevés dans le strict respect de la religion judaïque, avec son lot de traditions, que Gusta trouve contraignantes et frustrantes.

Chrétiens et Juifs vivent en bonne harmonie, jusqu’à ce que les terribles événements qui vont se dérouler à partir de l’été 1939 ne viennent fracasser toute perspective d’une vie paisible. En l’espace d’un mois, la Pologne est envahie par les troupes allemandes, sans déclaration de guerre préalable, et elle est en partie annexée par l’armée soviétique puis partagée entre l’Allemagne et l’URRS.
Le second volet de l’album – le plus dense – couvre la période 1940-1945. Martin Lemelman l’a intitulé  » Qui vivra et qui périra ? « . Gusta y décrit la descente aux enfers des Juifs, désormais qualifiés de « capitalistes riches », rançonnés, expulsés de leurs habitations, proscrits.
Riches ou non, ils donnent tout ce qu’il possèdent pour leur survie, mais ce n’est pas suffisant.

Gusta se souvient de la cupidité des uns, elle n’oublie pas non plus les mains qui se sont tendues. Elle raconte à son fils comment sa sœur aînée et elle sont parvenues à fuir et à rejoindre leurs deux frères, Isia et Simon, partis travailler dans une forêt où ils se sont cachés durant dix-huit mois, ravitaillés par un  » Subotnik « , un chrétien adventiste. Elle raconte aussi dans quelles circonstances une grande partie de sa famille a été assassinée par les nazis.

 

L’épilogue montre le passage de Gusta et de sa soeur, Yetale, dans un camp de déplacés, puis l’émigration aux États-Unis des quatre survivants Mendel, après avoir vainement tenté de récupérer la maison parentale.

 » Je prends la coupe de vin du shabès de papa, je prends quelques travaux d’aiguille de maman, je prends les photographies de notre famille…

 

Anne Calmat
244 p., 22 €