Le conflit Israélo-palestinien – Deux peuples condamnés à cohabiter

Coll. « La petite bédéthèque des savoirs » T. 18

de Vladimir Grigorieff (scénario) et Abdel de Bruxelles (dessin)) – Ed. Le Lombard

Alors même qu’une petite lueur se fait jour dans l’interminable conflit israélo-palestinien, l’impression majeure qui s’en dégage est celle d’un gâchis dont les enjeux sont à ce point intriqués que l’on en vient à douter qu’un fil rouge puisse être tiré pour déboucher sur un compromis raisonnable et une paix qui préserve aux deux parties leur dignité.

Pourtant, deux jeunes gens, dont l’objectif est de réaliser une BD, vont trouver Vladimir Grigorieff, un philosophe, auteur d’ouvrages de vulgarisation sur les religions du Moyen-Orient. Ils lui demandent l’impossible: résumer brièvement, de manière digeste et non partisane le conflit israélo-palestinien, de manière à inviter le lecteur à la réflexion.

Celui-ci relève le défi et brosse à grands traits une longue histoire qui commence en Palestine sous l’empire Ottoman. Là, dans les villes saintes d’Hébron, Jérusalem, Safed et Tibériade, vivaient de petites communautés juives, sans projet politique, espérant que le peuple élu retrouve sa terre d’Israel. 

Un autre petit groupe de juifs tsaristes, athées, anticapitalistes, opposés à la dispersion du peuple juif, font eux le projet du sionisme politique, le retour au pays dans une colonie de re-peuplement.

Un rêve religieux peut-il devenir un rêve politique ? Et quel prix pour la morale ?

Vladimir Grigorieff nous propose une longue démonstration didactique mettant en évidence la complexité des causes, la diversité des acteurs, éclairant tour à tour chacun des points de vue, citant les grands noms de chaque camp, pointant les moments clefs. Cela ne se fait pas sans marquer les traces mythiques que tissent autour Jérusalem les trois grandes religions. Et bien sûr, nous voyons émerger les responsabilités d’un empire colonialiste, la Grande-Bretagne, et les conséquences d’un édit, celui de Balfour, et de l’invraisemblable génocide de la seconde guerre mondiale.

Les guerres succèdent aux guerres, les résolutions de l’ONU sont aussi nombreuses qu’impuissantes, l’implication des « grands », URSS, USA, et les moyens de pression (entre autre le pétrole) font alterner espoirs et déceptions. Et toujours en filigrane est posée la question: qu’en est-il du bien, qu’en est-il du mal, le bien peut-il devenir le mal et le mal se muer en bien ?

L’intérêt de cette fresque dépasse son sujet. Ce qui nous est donné à voir, c’est la complexité d’un processus qui se met progressivement en place et dans lequel on croit retrouver cette maxime d’Engels : Ce que veulent les uns est contrarié par ce que veulent les autres, et ce qui arrive est ce que personne n’a voulu.

Evidemment notre attention est sollicitée, mais pour alléger la démonstration rigoureuse du philosophe, la représentation graphique prend une grande liberté avec les dessins, les couleurs, la narration. L’espoir mis dans la dernière planche est peut-être utopique, il n’empêche, c’est un beau point de conclusion.

Nicole Cortesi-Grou

104 p., 10€