de Fred Vargas (texte) et Baudoin (dessin) – Ed. Viviane Hamy (Prix du Scénario, Angoulême 2001) –
Quand Baudoin met son talent au service de l’imagination féconde de la romancière, avec son sens exquis de la formule et de la digression, cela donne un mariage réussi et une bd-polar en tous points originale.
Le scénario ? Grégoire Braban et son pote, Vincent Ogier, s’adonnent une fois de plus à leur sport favori : le vol à la tire. Ce jour-là, à Saint-Michel, ils arrachent la sacoche d’un vieil homme. Butin : trente mille balles. Mais ce n’est pas tout, ils tombent aussi sur un ensemble d’objets du type rituels esotérico-sataniques, et il y a fort à parier que la victime va tout faire pour récupérer son bien et faire payer à ses agresseurs le prix de leur impudence. « Le sac du vieux, c’est la boîte de Pandore. Il y a tous les péchés du monde là-dedans. J’ai l’impression d’être comme un gars qui a fourré le bras dans un terrier pour en sortir une pépite, et qui se le fait bouffer par une chauve-souris », déclare Vincent.
Le soir-même, le jeune homme est assassiné. Commence alors pour Grégoire le jeu du chat et de la souris avec la police et avec celui qui se dit être l’Envoyé du Grand Principe.C’est à ce moment que le fantasque commissaire Jean-Baptiste Adamsberg et son adjoint, Adrien Danglard, entrent en scène. L’étrange dessin que forme la plaie que Vincent a sur la cuisse évoque au premier la signature d’un dangereux criminel : le Bélier.
Grégoire et les siens sont en danger.
Comme à l’accoutumé, Fred Vargas place les personnages secondaires de son histoire dans un cadre baroque et elle leur mitonne des dialogues savoureux. Les familiers de ses « rompols » retrouveront, dans les épisodes consacrés à la famille du jeune Grégoire, une atmosphère comparable à celle qui règne dans « la baraque pourrie de la rue de Chasles »*. Ici, nous sommes à Stains, le maître des lieux s’est mis en tête de reproduire, à l’aide de quantité de canettes de bière, la Fontaine des Quatre Fleuves (Rome). Ses fils (au nombre de quatre), dont il n’est le père que d’un seul, sans que personne – pas même lui – sache duquel il s’agit, sont aussi différents les uns des autres que ne le sont les membres du clan Vandoosler*. Ils sauront faire bloc le moment venu.
Quant au commissaire Adamsberg, que dans les romans de l’auteure ses collègues qualifient volontiers de « pelleteur de nuages », il est tel qu’en lui-même : nonchalant, intuitif, insaisissable, bordélique… et hyper attachant. « Le genre qui a l’air de pas grand-chose et qui empoigne en douceur », dit de lui l’un des personnages de l’album.
L’intrigue, à la fois glauque et poétique, est passionnante. La forme esthétique et graphique de la BD, atypique, quasi-expressionniste. Sur certaines planches, le dessinateur s’est contenté d’illustrer le texte de l’auteure, sur d’autres, c’est son dessin puissant à l’encre de Chine, parfois proche de la calligraphie, qui prend largement le pas sur les mots.
À (re)découvrir et à partager.
Anne Calmat
224 p., 22, 75 €
- Debout les morts (roman) – Ed. Viviane Hamy (2000)