
de Patrick Rotman (scénario) et Benoît Blary – Ed. Seuil-Delcourt
Janvier 1905, le peuple russe manifeste massivement son mécontent sur la place du Palais d’Hiver de Saint-Petersbourg. S’en suit alors une répression sanglante qui, ajoutée à celle qui accompagnera quelques mois plus tard le soulèvement des marins du cuirassé Potemkine, signe le début de la Révolution russe. » Une répétition générale « (sous-entendu de ce qui se produira douze ans plus tard), écrit Patrick Rotman.
Mars 1917, le tzar Nicolas II est contraint d’abdiquer. Un gouvernement provisoire composé de partis modérés est créé. il s’oppose au soviet des ouvriers et des soldats qui vient de se constituer.

Mais en douze ans, la situation économique n’a fait qu’empirer : le pays, en guerre contre l’Allemagne, est totalement exsangue et son peuple est mûr pour une seconde révolution.

Lenine et Trotski, deux leaders que leurs ambitions opposent, vont alors se saisir de cette opportunité historique pour poser les bases de ce qui deviendra l’Empire soviétique.

Les journées d’Octobre 1917 vont alors changer radicalement le destin de la Russie. L’Union des Républiques Socialistes Soviétiques (1917-1991) est sur le point de voir le jour.
Les soulèvements contre-révolutionnaires, l’offensive des armées blanches et les interventions extérieures vont cependant mettre en péril ce qui est en train d’émerger.

Ce sont ces fameux « Jours qui ébranlèrent le monde » que le documentariste Patrick Rotman et le dessinateur Benoît Blary décrivent par le menu dans ce roman graphique d’une haute tenue.*
Après une introduction sur plusieurs planches, destinée à exposer les faits qui se sont déroulés à partir de 1905, on entre dans le vif du sujet.
1917. Lenine et Staline, bientôt rejoints par Trotski, tiennent maintenant la place. Mais les dissensions entre eux ne vont pas tarder à apparaître
Un gouvernement provisoire a été constitué, la révolution dite « bourgeoise » va s’opposer à la révolution socialiste, les mencheviks (marxistes partisans d’une révolution par étapes) aux bolchéviques, avec en toile de fond la guerre contre l’Allemagne et un peuple à bout de souffle.
Le lendemain de son retour en Russie, Lenine présente ses « Thèses d’avril » aux bolcheviks et dénonce le gouvernement mis en place comme l’expression de la bourgeoise impérialiste, les mencheviks et les socialistes-révolutionnaires comme les instruments de cette bourgeoisie. Il entreprend alors la conquête des masses avec un programme que l’on peut résumer à « TOUT, tout de suite ». Ses opposants crient au délire.Tout, effectivement, ne fait que commencer.
Patrick Rotman décrit avec force détails les intérêts convergents – ou divergents – des uns et des autres, les alliances de fortune, les trahisons, les espoirs fous que le peuple a mis entre les mains de ceux qu’il a appelés de tous ses vœux. Le lecteur découvre aussi, ou redécouvre, le rôle qu’ont joué plusieurs « ténors » de la révolution, à commencer par le camarade Kamenev, qui sera plus tard condamné par Staline comme opposant au régime, puis, comme tant d’autres, exécuté.
Il pourra ainsi mettre en regard l’histoire de cet empire devenu et resté soviétique jusqu’en 1991, avec celle d’aujourd’hui.
Clair dans l’expression graphique, dense et précis dans la relation historique, passionnant.
A.C.
112 p., 19,99 €
- L’album inaugure un partenariat entre les éditions du Seuil et Delcourt autour des grands événements qui ont marqué notre histoire contemporaine. Prochaine parution, Mai 68.