


Le sous-titre de l’album annonce la couleur. Qui est ce curieux personnage qui semble avoir vécu plusieurs vies ?
Eric Arthur Blair, de son nom de plume George Orwell, nait à Motihari en 1903 durant la période du Raj anglais. Ses origines promettent l’aventure : un arrière-grand-père propriétaire d’esclaves en Jamaïque, mort ruiné ; un grand-père devenu pasteur en Tasmanie ; une mère française et un père travaillant au département Opium pour le gouvernement anglais du Bengale.
Eric Arthur annonce au monde sa vocation littéraire en dictant à l’âge de 5 ans ses premiers poèmes à sa mère. La suite de sa vie ne sera qu’une série d’épisodes qui formeront le terreau de son œuvre.
Il connaît une courte période heureuse en Angleterre où sa mère est rentrée vivre seule. Il découvre la nature anglaise, le jardinage, les animaux de ferme, auxquels il restera attaché sa vie entière.

Après une prep’ school anglaise où la discipline est de fer et le fouet fréquent, le jeune homme intègre la prestigieuse école d’Eton, où il gagnera un accent dont il ne pourra jamais se défaire. À sa sortie, plutôt que rejoindre la célèbre université d’Oxford, il fait le choix d’un engagement dans la police birmane. L’expérience tourne court, il donne sa démission pour laisser derrière lui « cinq années d’ennui au son du clairon ». Un premier roman, Une histoire birmane, raconte comment il a pris conscience de ce qu’on appelle l’impérialisme. Aucun éditeur n’en voudra.

À son retour en Angleterre, désargenté, Blair-Orwell cumule une série d’expériences qui formeront sa conscience politique et nourriront son inspiration : fréquentation des bas-fonds et des asiles, garçon-plongeur dans les arrières-cuisines de restaurants parisiens, cohabitation avec vagabonds et clochards, découverte du prolétariat dans les régions minières. Il en voit assez pour se convertir au socialisme et entame une carrière de journaliste.
Un petit job dans une librairie lui donne l’occasion de rencontrer Eileen O’Shaughnessy, qu’il épouse.

Tous deux s’engagent en 1936 aux côtés des Républicains durant la guerre d’Espagne.



L’intérêt passionné des auteurs pour cet homme excentrique et attachant se transmet au lecteur à travers les épisodes marquants de sa vie. Il meurt prématurément de la tuberculose en 1950.

Nous l’accompagnons jusqu’à son dernier ouvrage, 1984, dont le personnage de Big Brother symbolise la figure des régimes autoritaires. Se doute-t-il ce démocrate anti-stalinien qu’il apparaîtra soixante-dix ans plus tard comme l’annonciateur de la création de l’Internet, du Big Data et des possibilités de contrôle et de manipulation des données personnelles ?

La suite de planches en noir et blanc, très fouillées, très réalistes, déroule l’histoire comme un film dans lequel s’insèrent des séquences colorées, illustrant des extraits de textes ou de romans. Quelques photos nous dévoilent le vrai personnage, très grand, très maigre et moustachu. À travers cet ouvrage, nous avons rencontré Gorge Orwell.

Nicole Cortesi-Grou
160 p., 19,99 €