
Giselle Comte, Sandrine Moeschler, Laurence Schmidlin, Déborah Strebel – Illustrations Fausto Gilberti
Le visage d’une femme ou d’un homme, les lieux, les événements qui ont marqué l’Histoire ont de tout temps inspiré les peintres et les sculpteurs. Leurs œuvres s’étalent sur les murs ou dans les salles d’exposition du monde entier. S’il arrive que certaines ne nous « parlent » décidément pas, c’est peut-être que nous n’avons pas suffisemment tendu l’oreille…
Vous êtes-vous jamais demandé ce que pensaient celles et ceux qui étaient obligés de rester immobiles des heures durant, dans une position parfois inconfortable, avec interdiction absolue de bouger et, le cas échéant, d’échanger quelques mots avec le ou les autres modèles qui se trouvaient à leurs côtés dans l’atelier de l’artiste ?
Vu sous cet angle, on compatit rétrospectivement au torticolis probable de La Jeune fille à la perle de Vemeer ou aux douleurs endurées par la Porteuse d’eau de Goya.
C’est ce que raconte ce livre.


Prenons ici l’exemple de la petite Rosa, dix ans, contrainte de jouer les statues, son panier en osier contenant deux gros pots en grès remplis de fraises accroché au bras. Que peut-elle se dire d’autre que « Dépêchez-vous, je vous en supplie Albert (…) j’ai le bras en compote. Et ce foulard [dont on m’a affublée], qu’est-ce qu’il me gratte ! Je n’en porte jamais d’habitude. »

Ou bien le choix qu’a fait Félix Vallotton de placer au premier plan de sa toile deux terrassiers en train de paver le quai du port de Rouen, et de reléguer à l’arrière-plan la célèbre cathédrale, rendue presque invisible par la pollution ambiante. Les deux hommes se félicitent qu’un artiste ait ainsi honoré des modestes travailleurs. « Enfin un peintre qui reconnaît notre boulot ! »


Et plus loin, au chapitre 6, ces quinze globes terrestres faits de différentes matières, tenus par un fil. Un seizième a échappé à la vigilance du plasticien, il l’observe depuis sa cachette, décrit le processus de création de l’artiste et invite à réfléchir sur le message à caractère écologique que sous-tend son installation.

Il y a aussi ce cercle noir qui donne le tournis. Il a été reproduit à l’identique des dizaines de fois par Olivier Mosset, quel que soit le format de la toile carrée qui l’a accueilli. « Je ne représente rien d’autre que moi-même : un cercle noir sur une surface blanche » explique ledit cercle. (…) Mais pourquoi s’obstiner à reproduire sans cesse une même forme alors qu’il existe tant de sujets à peindre ? Parce que l’artiste était paresseux ? Réponse au chapitre 3 de ce livre original qui en comporte 15. Gageons que les enfants, dont l’imagination est fertile, sauront donner vie à cette œuvre, destinée, selon son auteur, « à ne provoquer ni peur, ni rire, ni dégoût, ni plaisir« .
Quinze œuvres donc (*), revues sous l’angle de l’humour et de la légèreté – les animaux et les végétaux ont aussi leur mot à dire – à (re)découvrir dans un premier temps, avant d’aller au devant de toutes celles qui nous attendent dans les musées.
Anne Calmat
92 p., 14,90 €
(*) Albert Anker – Félix Vallotton – Olivier Mosset – Alice Bailly – Kader Attia – Julian Charrière – Giuseppe Penone – Louis Soutter – Françoise Dubois – Marcel Broudthaers – Daniel Spoerri – Auguste Rodin – Emilienne Farny – François Bocion – Oskar Kokoschka