Tamba, l’enfant soldat

En librairie le 22 août 2018

de Marion Achard (scénario) et Yann Dégruel (dessin et couleur) – Postface Marion Achard et Laure Borgamano – Ed. Delcourt –

Visuels © Delcourt/Y. Dégruel

La question des enfants soldats est encore et plus que jamais au coeur des sociétés des pays en développement ravagés par les guerres. Aujourd’hui, on dénombre plus de 300 000 enfants soldats dans le monde, dont 200 000 en sur le continent africain. M.A.

UNICEF 2016

Dans un village d’Afrique qui n’est pas nommé – ici et partout ailleurs – beaucoup sont venus assister à une audience dirigée par la Commission Vérité et Réconciliation.

Dix années de guerre civile viennent de s’achever et le temps de la réconciliation est venu. « Si nous ne disons pas la vérité,  si nous n’apprenons pas à nous réconcilier, nous garderons notre haine tapie en nous et il est probable qu’un jour la tragédie se répète », affirme le modérateur chargé de recueillir les témoignages des acteurs et des victimes de ces affrontements dont nous apprendrons plus tard les enjeux réels. Au centre de la pièce, le jeune Tamba Cisso est invité à raconter les exactions auxquelles il a dû se livrer alors qu’il navait pas encore dix ans. Il en a maintenant seize. Il débute ainsi son récit : « J’avais huit ans lorsqu’on m’a kidnappé avec six autres enfants de notre village. (…) (…) J’ai été enrôlé  dans un conflit qui n’était pas le mien. J’ai combattu pour des idées qui n’étaient pas les miennes. J’ai été à la merci d’hommes qui possèdent quelque chose qu’aucun homme ne devrait posséder : le pouvoir de disposer de l’autre. »

Face à lui, le modérateur et trois assesseurs. Notre but est de « tenter de guérir et non pas de juger », déclare-t-il. Derrière Tamba, la cohorte de ceux qui sont venus chercher des responsables de ce qu’ils ont vécu.

Pour l’heure, l’adolescent décrit le camp d’entrainement, les ruses que le groupe utilisait pour obliger l’armée régulière à s’arrêter, puis les exécutions qui s’en suivaient. Tuer pour ne pas être tué. 

Il raconte les distributions de pilules et les injections de Bubble, qui donnent de la force et du courage. « Quand les effets s’arrêtent et qu’on comprend ce qu’on a fait, c’est insupportable. » Il parle des mauvais traitements, de l’addiction à la dope qui fait que jour après on ré-enclanche la machine à éliminer l’ennemi, il parle de la peur des représailles sur sa propre famille si on ne donne pas le meilleur de soi-même. Puis il en vient à sa fuite en compagnie d’Aceyta et d’Awa, sa camarade de jeu, aux temps bénis où…

Awa, l’enfant soldate-fille à tout faire, victime des appétits sexuels des rebelles.

Tamba et Awa

Tamba décrit aussi de son arrivée dans un camp de réfugiés, bientôt rejoint par Awa. Par respect pour elle, il passe sous silence les viols dont elle a été victime, se souvient de leur pacte sacré à la naissance du petit être innocent qu’elle devra aimer malgré tout.

En six ans, l’enfant qu’il était est devenu un homme ; Tamba espère qu’avec le temps, « les blessures deviennent cicatrices et qu’un jour elles pâlissent. »

Superbe BD, grande qualité d’écriture. À mettre entre toutes les mains à partir de 12 ans.

Anne Calmat

112 p., 18,95 €