Théâtre : Hedda Gabler

d’Henrik Ibsen – Théâtre du Nord-Ouest jusqu’au 25 mars 2018. Mise en scène : Edith Garraud

Avec Lisa Sans (Hedda), Benoît Dugas (Jörgen Tessman), Vincent Gauthier (le juge Brack), Murie Adam (Julie Tessman, la tante), Damien Boisseau (Ejlert Lövborg), Marie Hasse (Madame  Elvsted), Maryvonne Pellay ou Diane de Segonzac (Berthe)

Hedda Gabler, représentée en alternance dans le cadre d’une intégrale Ibsen, à l’affiche du Théâtre du Nord-Ouest jusqu’au 3 juin, est remarquablement servie par la mise en scène sobre et sombre d’Edith Garraud.

Dès que s’allument les lumières, tout est posé. Dans un décor noir, quelques tâches blanches : une table, un piano, un sofa, avec en leur centre, un tapis écarlate et sur le côté droit, le rougeoiement d’un feu de bois. C’est bien dans l’inexorable mouvement de l’innocence vers la passion et le deuil que seront jetés les protagonistes du drame.

L’impeccable direction d’acteurs transforme chaque personnage en un type saisissant de la petite bourgeoisie : la « bonne tante » corsetée dans ses préjugés ; le mari falot que ses longs séjours dans la salle des archives rendent aveugle à ce qui se joue chez lui ; le juge, ambigu à souhait mais soucieux des convenances.

Trois « héros » poussent le conflit relationnel à l’extrême. Ejlert, brillant, noceur et séducteur oscille entre la rédemption et la chute ; Théa, la mal mariée naïve, brûle de passion pour lui, et enfin Hedda, Hedda Gabler. Longue, mince, noire, héroïne malfaisante à l’ennui agressif, pleine de braises et de violence rentrée, elle arpente la scène tel un fauve en cage. La contradiction entre l’étroitesse des conventions et des carcans contrarient ses désirs profonds jusqu’à produire cette force explosive destructrice qui fait d’elle une victime/ bourreau. Nous ne pouvons lui en vouloir tant la ronde des personnages sur le devant de la scène révèle jusqu’au dégoût la vacuité intérieure petite-bourgeoise.

Seul le halo orangé de trois lampes apporte quelque douceur. Celle-ci, semble renvoyer à l’œuvre de réparation qui se joue près de la fin, dans un petit salon qui domine la scène, côté jardin, où, Tessman, le mari, et Théa, reprennent les notes du carnet brûlé d’Ejlert.

Les quatre actes s’enchaînent dans une implacable progression vers l’abîme. Taillée comme un diamant cette pièce est forte, tragique, magnifique.

Nicole Cortesi-Grou

Quelques mots à propos du théâtre du Nord Ouest.

Ce lieu original a une histoire. Il fut d’abord un cabaret, le Club des Cinq, ouvert à la Libération par cinq anciens de la 2è Division blindée. Edith Piaf y donna de nombreux récitals, Yves Montand y fit ses débuts, Marcel Cerdan y entendit « la môme » pour la première fois. Passé de mode, le cabaret se reconvertit en cinéma de quartier, Le club, puis connut un épisode musical avec l’organisation de concerts de jazz et de rock. Il fut nommé alors Le passage du Nord-Ouest, en référence à la route maritime qui relie parfois les océans Atlantique et Pacifique.

Jean-Luc Jeener, le directeur actuel y installa sa compagnie de l’Elan. Un temps théâtre d’art de d’essai, il bénéficia de subventions. Désormais, théâtre de boulevard, sa situation financière est tendue, bien qu’il soit un espace de créations contemporaines, le lieu de rencontre de nombreux comédiens et un tremplin pour des spectacles qui ne peuvent bénéficier d’une production. Le soutenir dans son projet est un véritable geste culturel.

Pour les 20 ans du théâtre, Armelle Héliot  a signé un joli article dans le Figaro (v. ci-dessous).

Théâtre du Nord-Ouest 11, rue du Faubourg Montmartre Paris 9è – M° Grands Boulevards

01 47 70 32 75 – 23/13 €

http://www.lefigaro.fr/theatre/2017/12/21/03003-20171221ARTFIG00207-jean-luc-jeener-la-revolution-du-nord-ouest.php