de Marie Desplechin (scénario) et Magali Le Huche (dessin) – Ed. Rue de Sèvres (depuis le 22 mars).
Plébiscité lors de sa parution en 1997 à l’Ecole des loisirs, le roman de Marie Desplechin est devenu une bande dessinée.
À onze ans, la petite Verte ne montre toujours aucun talent pour la sorcellerie. Pire que cela, elle dit qu’elle veut être quelqu’un de normal et se marier. Elle semble aussi s’intéresser aux garçons de sa classe, et en particulier à Soufi qui lui donne » des tournis dans le ventre « . Sa mère, Ursule, est consternée. C’est si important pour une sorcière de transmettre le métier à sa fille. En dernier ressort, elle décide de confier Verte une journée par semaine à sa grand-mère, Anastabotte. Chaque mercredi, Verte se rend chez elle pour s’initier aux subtilités des sortilèges et des incantations. D’emblée, les résultats semblent excellents, d’autant plus que la brave femme a eu la bonne idée de convier le garçon à un goûter…
Une BD réjouissante qui aborde en 72 pages des thèmes qui ont de bonnes chances de faire tilt chez les jeunes lecteurs : la relation mère-fille (!), l’amitié, les amours naissantes, l’identité… Le trait de Magali Le Huche, rehaussé de tons de pastel, apporte à l’ensemble une douceur… qui n’a rien de lénifiante.
Entretien © Rue de Sèvres
Quel effet cela fait-il d’entreprendre l’adaptation en bande dessinée d’un roman à succès de Marie Desplechin ?
Magali Le Huche : Quand Rue de Sèvres m’a proposé ce projet, je dois dire que j’ai ressenti une petite appréhension. J’avais déjà réalisé deux albums de bande dessinée chez Dargaud, sur des scénarios de Gwendoline Raisson, mais c’était la première fois qu’on me proposait de réaliser moi-même l’adaptation d’un roman. Je l’ai vécu comme un cadeau, une belle surprise… mais aussi comme un challenge. J’ai quand même mis un an avant d’oser me lancer !
Et maintenant que le projet est en cours ?
M. L. H. : J’adore ! Je me suis totalement accrochée à cette histoire, cet univers. Au-delà des portraits de sorcières modernes que sont Verte, sa mère et sa grand-mère, je suis très sensible à la question du rapport mère-fille et à celui de la transmission, forte et compliquée à la fois.
De quelle manière avez-vous mené cette adaptation ?
M. L. H. : C’est l’un des aspects passionnants de ce travail : définir, à partir de la matière qu’est le roman, ce qui est pertinent en images et ce qui l’est moins. Trouver des biais pour aménager le récit dans le format souhaité – 80 pages – sans le trahir. Dans le roman, l’histoire est successivement racontée par quatre narratrices et un narrateur différents ; cette structure n’avait plus lieu d’être en bande dessinée. J’ai également cherché à simplifier les dialogues, dans un registre voisin du théâtre, qui fasse passer l’humour du texte.
Il faut aussi donner un visage et un physique aux personnages…
M. L. H. : Ça, ce n’était pas le plus difficile. L’image m’est un langage naturel, et du coup je vois assez spontanément les personnages. Il suffit juste de leur faire passer un petit « casting »…
Quelle relation avez-vous nouée avec Marie Desplechin ?
M. L. H. : Elle m’a tout de suite mise à l’aise et nous avons vite sympathisé. Le plus encourageant pour moi a été de sentir qu’elle me faisait vraiment confiance. Elle est toujours restée disponible, mais sans beaucoup intervenir. Du coup, je me suis sentie très libre.
14 €
Chez le même éditeur (coup d’œil dans le rétro)
Tempête au Haras de Chris Donner (scénario) et Jérémie Moreau (dessin) – Ed. Rue de Sèvres 2015, adapté du roman éponyme de l’auteur.
Branle-bas de combat au haras de Saint-James que dirigent Philippe et Agnès Goasquin : Belle Intrigante est sur le point de mettre bas. Le couple l’assiste, mais voilà que la jeune femme, elle-même sur le point d’accoucher, ressent les premières contractions. Pas le temps d’appeler un médecin, Philippe va devoir gérer l’arrivée du bébé et celle du poulain. Si bien que le premier regard de l’un va se poser sur l’autre.
Le haras est financé par un homme d’affaires allemand, M. Schmidt (pourquoi avoir traduit de façon aussi caricaturale son accent germanique ?). Il craint que l’arrivée du petit Jean-Philippe ne soit une entrave à la bonne marche du domaine et aux objectifs qu’il s’est fixés.
C’est mal connaître la détermination des Goasquin, éleveurs et entraîneurs de chevaux depuis trois générations, à voir un jour l’un de leurs trotteurs franchir le premier la ligne d’arrivée d’une course prestigieuse. C’est aussi sans compter sur le patrimoine génétique de l’enfant et sur le rapport osmotique qu’il ne peut manquer d’entretenir avec les chevaux. Il sait à peine marcher qu’il a déjà l’étoffe d’un » crack-jockey « … au caractère extrêmement affirmé !
Mais un soir de tempête, dans l’affolement général des animaux, Jean-Philippe est piétiné par une pouliche qui vient de naître. Il ne peut se relever : il est condamné à vie au fauteuil roulant. Mais, il n’y a pas de fatalité, il n’y a que des hommes résignés, et celui qui rêvait de devenir joker et d’offrir à son père le plus beaux des trophées n’est pas du genre à baisser les bras.
Cela tombe bien, celle qui a bouleversé sa vie, et qu’on a appelée Tempête, a l’étoffe d’une championne…
Le récit, superbement illustré par les dessins et les aquarelles de Jérémie Moreau, nous permet d’entrer de plain-pied dans les disciplines équestres et le monde des courses sous toutes ses facettes. Il faut saluer en particulier son talent pour représenter les chevaux en action, dont les silhouettes déformées et aériennes évoquent la délicatesse des estampes japonaises. Les palettes des couleurs choisies, tantôt douces et lumineuses, tantôt sombres apportent un supplément d’émotion à ce récit initiatique, né en 2012 sous la plume de Chris Donner.
Anne Calmat
72 p., 14 €