Wake up America (intégrale) – John Lewis – Andrew Aydin – Nate Powel (dessins) – Ed. Rue de Sèvres

En librairie le 25 août 2021 – Copyright Ed. Rue de Sèvres – 560 p., 30 €

Wake Up America a reçu le National Book Award, l’une des distinctions littéraires les plus prestigieuses aux États-Unis.

On aurait aimé ne voir dans cet album que le reflet d’un passé révolu, mais l’Histoire a une fâcheuse tendance à bégayer et il est bon de se souvenir ceux qui se sont inlassablement battus pour que cesse la ségrégation raciale institutionnalisée aux USA.

Les trois volumes de cette série graphique et autobiographique paraissent en France entre 2014 et 2017. Ils retracent l’itinéraire de John Lewis (1940-2020), défenseur pendant des décennies des droits civiques des populations noires.

Moins connu en Europe que Martin Luther King, Lewis était le dernier des « Big six » encore en vie.

Dans la première partie, ses souvenirs d’enfance alternent avec l’évocation des événements survenus dans les années 50-60, et les luttes que lui et ses camarades ont menées en faveur de leurs frères de couleur : le refus de Rosa Parks de céder sa place à un passager blanc (déc. 1955), les sit-in non violents de Nashville pour en finir avec l’apartheid dont les Noirs étaient les victimes (déc. 1955-mai 1960, ), la répression brutale du Bloody Sunday (mars 1965).

La troisième partie de Wake up America couvre notamment la période durant laquelle John Lewis fut le président du Student Nonviolent Coodinating Commitee (1963-1966).

Rappel. À l’automne 1963, le mouvement pour les droits civiques semble s’être imposé aux Etats-Unis, mais Lewis reste vigilant : les arrêtés ségrégationnistes promulgués par Jim Crow sont toujours appliqués dans les Etats du sud. Son seul espoir est de faire valoir et appliquer le principe du vote pour tous, y compris pour les Noirs. « Un homme, une voix », le bulletin de vote étant cessé être l’instrument le plus puissant jamais inventé par l’homme pour combattre l’injustice et détruire les terribles murs qui emprisonnent les citoyens pour la seule raison qu’ils sont différents des autres…

Les dessins de Nate Powel, exécutés à l’encre de chine et au fusain, illustrent  avec la sobriété qui convient le combat pacifiste de ceux qui ont ouvert la voie au premier président afro-américain des Etats-Unis.

Avec cette nouvelle bataille, viendront de nouveaux alliés, mais aussi de redoutables  ennemis, comme George Wallace, gouverneur de l’Alabama jusqu’en 1967, et membre de l’American Indépendant Party d’extrême-droite jusqu’en 1970.

Cette nouvelle page s’ouvre sur un acte terroriste perpétré dans l’église baptiste d’une petite ville emblématique des luttes pour l’égalité des droits civiques : Birmingham en Alabama. « Vingt-et-un blessés et quatre enfants assassinés dans la maison du Seigneur (…) Nous comprenions tous ce que voulait dire le docteur King. Le gouverneur George Wallace avait débuté son mandat en disant « La ségrégation à jamais« , et deux semaines avant l’attentat, il disait dans un journal : « Ce dont ce pays a besoin, ce sont quelques funérailles de première classe.« 

Au-delà des faits qui sont décrits, c’est la pérennité de la question Noire aux Etats-Unis qui éclate tout au long de ces pages. Ce sont, près de soixante ans après la Marche historique pour les droits civique sur Washington (28 août 1963), les interpellations et les exécutions expéditives au vu et au su de tous – difficile de ne pas penser à celles qui sont passées sous silence – qui perdurent …

Anne Calmat