Frontier – Guillaume Singelin – Ed. Rue de Sèvres

Depuis le 12 avril – Copyright G. Singelin (scénario & dessin) / Rue de Sèvres – 202 p., 21,80 €

Oct. 2022 Télescope James Webb © Tous droits réservés

La surexploitation des matières premières sur notre bonne vieille planète Terre fait chaque jour davantage de ravages, et si l’on se projette dans le futur, la prochaine étape pourrait bien être la colonisation d’une autre planète, dans un ailleurs qui reste à déterminer.

Dans cet album qui associe un graphisme d’inspiration manga – pour ce qui est des personnages – et des images qui semblent tout droit sorties des données spectroscopiques fournies par un méga télescope, le pas a été franchi. La Terre suffoquait, l’humanité était à bout de souffle, Guillaume Singelin a imaginé un lieu où la vie serait possible, sans pour autant le situer.

Hélas, bis repetita, une minorité d’individus va prendre le pouvoir, faire main-basse et surexploiter à son seul profit les ressources de la planète colonisée, « le petit peuple » faisant quant à lui office de main-d’œuvre corvéable à merci.

Trois personnages vont cependant échapper à la déshumanisation qui guette les nouveaux arrivants : Ji-soo, une scientifique, Camina, une mercenaire, et Alex, un mineur. Un lien va se tisser entre eux et ils vont tout mettre en place pour fuir la violence sociale – et pas seulement – qui prévaut, et risque de mettre à mal la survie de la colonie dans cet espace où la mort rôde en permanence.

L’optimisme de l’auteur quant au sort qui attend ces nouveaux bâtisseurs d’Empire reste cependant mesuré. Il semble davantage être dans une démarche rationaliste que positiviste.

Mais l’anglais William Arthur Ward (1921- 1994) n’a-t-il pas écrit que « Les optimistes enrichissent le présent, améliorent l’avenir, contestent l’improbable et atteignent l’impossible » ?

À bon entendeur…

AnnaK

Une enfance de paille – Lika Nüssli – Ed. Atrabile

Sortie le 6 mai – Illustrations © Lika Nüssli (scénario & dessin) / Ed. Atrabile226 p., 26 €

© Kavita Kri correspondante à la BBC – Diffusion sur TV5 Monde, en mai 2015

Contexte historique – L’auteure aborde ici un fait de société occulté jusqu’aux années 1970 par les autorités suisses : celui des enfants arrachés à leurs parents, parce que jugés incapables de les élever ou trop pauvres pour subvenir à leurs besoins, maltraitants ou de « mauvaise vie », puis ensuite placés dans des exploitations agricoles où ils ont trimé comme des bêtes de somme pendant une partie de leur adolescence. La raison avancée ? Leur assurer une meilleure vie. C’est en réalité tout le contraire qui s’est produit dans nombre de cas : beaucoup ont été traités « comme du bétail » et en ont gardé un souvenir amer.

Dans les années 90, les archives helvétiques ont été ouvertes au public et des indemnités versées aux victimes. Le 11 avril 2013, la Présidente de la Confédération helvétique demandait même publiquement pardon et présentait les excuses de la Nation.

La BD – Ce fut le cas du père de l’auteure de cet album, qui a reçu le Prix de la Meilleure bande dessinée suisse au festival de Delémont en 2022 (dans sa version allemande). Ici, le jeune Ernst fut placé par ses parents, trop pauvres pour subvenir à ses besoins, et non soustrait arbitrairement à leur autorité. Il n’empêche que l’enfant va servir de valet de ferme pendant plusieurs années : nourrir les bêtes, traire les vaches, nettoyer l’étable, faire les courses, etc, sans jamais trouver la moindre place au sein du foyer de ses « employeurs ».

Nüssli Lika décrit le quotidien âpre et dénué de confort que fut celui de son père, quelque part dans les montagnes suisses, il n’y a pas loin de 80 ans. Le petit Ernst accepte cette nouvelle vie avec fatalisme, trimant du matin ou soir, le ventre toujours un peu vide – une vie précaire où quelques carrés de chocolat dérobés à la sauvette représentent un plaisir rare et intense.

Derrière tout ça, c’est aussi la grande Histoire qui se dessine et apparait par flashes, comme lorsque le ciel s’illumine d’un étrange feu d’artifice créé par le bombardement des alliés sur le sud de l’Allemagne.

Le trait à la fois rond et brut de Nüssli Lika raconte avec force et acuité l’innocence qui entoure cette période de la vie d’Ernst, comme la dureté de ce qu’il traverse.

Les vies de Charlie – Kid Toussaint (sc.) – Aurélie Guarini (dessin, couleurs) – Ed. Dupuis

À partir du 28 avril. 128 p., 29 € – Visuels © K. Toussaint – A. Guarini / Dupuis

Le scénario – Dans une grande ville grouillante, Charlie, un jeune homme plein de bonne volonté, travaille pour Recycle & Ternel, une société dont le slogan est « Vous mourez, nous recyclons ». Charlie passe donc son temps à répondre au téléphone à des familles qui veulent savoir en quoi pourrait être transformé leur cher défunt. Un jour, un gamin l’appelle pour lui demander ce qu’est devenue l’âme de sa maman. Incapable de répondre, Charlie va se lancer dans une enquête au cœur de la mort et de l’amour…

L’Éditeur – Kid Toussaint et Aurélie Guarino nous livrent une fable tout en sensibilité sur la mort, la vie après la mort et l’amour à travers le temps.

La Ride – Simon Boileau (sc.) – Florent Pierre (dessin) – Ed. Dargaud


Depuis le 21 avril / 108 pages / 18 euros

Visuels © Ed. Dargaud

Où l’on fait la connaissance d’un livreur à vélo de plats préparés, considéré comme efficace par sa boîte et ses clients. Quand Simon apprend que, mine de rien, il a déjà parcouru 7 231 kilomètres, soit la distance Paris-Katmandou, rien qu’en pédalant à longueur de journées dans les rues de Paris, il a un déclic : la vie a sûrement mieux à lui offrir. En tout cas, cela vaut la peine de le vérifier. Son ami de toujours, à qui il propose une échappée – forcément belle – vers de nouveaux horizons, décline son offre de l’accompagner. « Tu tombes mal, je viens de dégoter un taf de rêve » répond-il. Florent vient en effet tout juste d’être embauché chez Bullshift Business, une entreprise façon Silicon Valley. Mais le jeune homme en perçoit d’emblée le côté « Youpla boum tagada tsouin tsoiun ! » à tout crin et il prétexte une obligation familiale impérative pour se donner le temps de réfléchir avant de signer son contrat. Oh, juste une petite semaine !

Ainsi démarre La Ride...

Ainsi démarre La Ride

Les deux amis optent pour la Bourgogne natale de Flo. Ils vont croiser des cyclistes « pro », qui les prennent pour des bleus, des chasseurs éméchés, mais aussi des bonnes âmes qui leur prêteront main-forte en cas de panique. ils vont suer sang et eau sur les chemins escarpés qui conduisent aux massifs du Morvan, redécouvrir un bon nombre d’images oubliées, comme par exemple celle de ces hameaux en panne d’habitants…

Un album d’une belle simplicité, un hymne à la liberté, comme une évidence, qui se lit le sourire aux lèvres et avec des étoiles plein les yeux.

Ce qu’en dit l’éditeur. « Attention, cet album est dangereux ! Vous risquez fort, une fois sa lecture achevée, de tout plaquer pour partir sur les routes à votre tour, en quête de grand air et de retour aux sources. Car La Ride propose de faire un pas de côté pour réfléchir et s’interroger sur les limites de notre vie quotidienne, son stress et sa vacuité. Vivre le nez dans le guidon, au sens figuré, ça finit par lasser. Vivre avec les mains sur le guidon et la tête dans les nuages, c’est tout de même autre chose !« 

AnnaK

Deux Variations sur le Silence, en avril aux éditions Actes Sud


Histoire naturelle du silence
Jérôme Sueur

En biologiste épris de littérature et de poésie, Jérôme Sueur nous emmène écouter les mille et un sons de la nature. Paysages enneigés, volcans, tempêtes marines, jungles tropicales, grenouilles et cigales, chants d’amour et de défis, laboratoires et chambres anéchoïques, l’auteur nous guide partout à travers le monde, au gré de ses expériences de terrain, pour nous révéler les secrets des sons de la nature, la relativité du silence et ses significations, la mécanique et la physiologie de l’audition, la pollution sonore anthropique. Avec un sens accompli du récit, Jérôme Sueur nous invite à méditer sur notre place dans le monde, sur la pollution sonore que nous produisons désormais à chaque instant, sur notre capacité d’écoute, notre aptitude à être à l’écoute des autres et du monde.

Depuis le 5 avril 2023 – 22 €

Histoire de ma vie
Marcel Marceau (1923-2007), né Mangel, a profondément marqué l’art du mime. Sa marche contre le vent ira jusqu’à inspirer le moonwalk de Michael Jackson et sa conception du corps influencera, entre autres, les chorégraphies de David Bowie. Mais qui connaît vraiment l’homme derrière le mime ? Histoire de ma vie contribue à comprendre sa vision de l’art du mime et l’ancrage artistique acquis dès son enfance. Toutes ses pantomimes seront des cris silencieux contre l’absurdité de la guerre et des hommes et lui permettront de rester debout et de continuer à croire en un monde meilleur. Le mime Marcel Marceau a parcouru les scènes du monde entier avec son célèbre personnage Bip, alter ego silencieux. Au seuil de la mort, il confie à ses enfants son manuscrit “Histoire de ma vie”, un récit de jeunesse où il évoque sa naissance à Strasbourg en 1923, son enfance de “petite âme verte”, la montée de l’antisémitisme en France, la résistance avec son frère pendant la Seconde Guerre mondiale, la Maison de Sèvres auprès des enfants cachés ou encore sa formation d’acteur chez Charles Dullin et Étienne Decroux à Paris. Il y déploie sa vision de l’art du silence et nous entraîne au coeur de sa pensée d’artiste et de poète pour mieux saisir l’essence de ses créations, cris contre l’absurdité de la guerre et des hommes.
Pour étoffer ce récit : plus de cent-cinquante documents, de nombreux extraits de ses écrits, une chronologie biographique exhaustive ainsi qu’une bibliographie, une filmographie et la liste de ses spectacles et pantomimes.
Le témoignage puissant et vivant d’un artiste majeur qui réinventa l’art du mime et se hissa au rang de mythe dans la grande histoire du théâtre.

Depuis le 5 avril 2023 – 39 €




Gone with the wind – T. 1/2 – Pierre Alary – Ed. Rue de Sèvres

Visuels Copyright P. Alary (scénario et dessin) / Ed. Rue de Sèvres – 150 p., 25 € – Depuis le 5 avril 2023

Les cinéphiles éclairés se souviennent du personnage de Scarlett O’Hara (Vivien Leigh) dans la superproduction aux 10 Oscars mise en scène en 1939 par Victor Fleming, Autant en emporte le ventGone with the Wind. Ils n’ont pas oublié non plus le très ambigu Rhett Butler (Clark Gable) et la nounou noire au caractère bien trempé, que Scarlett appelait Mammy (Hattie McDaniel) (ci-dessous).

Dans le roman de Margaret Mitchell, Scarlett O’Hara est une jeune et riche héritière sudiste de 16 ans, aux yeux de qui rien ni personne ne doit résister.

Lorsque la Guerre de Sécession éclate en 1861, ses repères s’écroulent et de lourdes responsabilités s’imposent à elle. L’arrivée de Rhett Butler, un homme sans foi ni loi, aussi immoral que séduisant, rebattra de nouveau les cartes dont la jeune fille dispose pour atteindre le bonheur. Mais elle va passer à côté, en aimant à contre-temps, d’abord son cousin, Ashley Wilkes, pourtant promis à sa sœur, puis Rhett.

Celles et ceux qui ont côtoyé l’œuvre n’auront sans doute pas oublié non plus l’état de déréliction qui est celui de Scarlett lorsqu’elle se jure de reconquérir son époux, qui vient de claquer la porte de la majestueuse propriété des Douze chênes que le couple occupait.

« Scarlett releva le menton. Elle ramènerait Rhett à elle. Nul homme ne lui avait jamais résisté lorsqu’elle s’était mise en tête de faire sa conquête. Je penserai à cela demain, à Tara. Pour le moment, je n’ai pas le courage. Demain, je chercherai le moyen de ramener Rhett. »

Une fin ouverte, et qui le restera.

Mais ceci est une autre histoire…

Le premier opus du diptyque conçu par Pierre Alary s’organise précisément autour de Tara, point de départ et d’arrivée de l’intrigue. Il permet de faciliter une immersion dans cette œuvre-fleuve*, tout en induisant chez ses lectrices et lecteurs le désir d’en savoir plus sur le destin de ses protagonistes.

  • 735 pages pour sa 1ère édition en 1938 chez Gallimard – 3h 58’ pour le film.

Avec cette adaptation BD « dépoussiérée » du roman paru aux USA en 1936, et la très belle mise en images de ses personnages cultes, dont Pierre Alary s’approprie aisément les figures principales, l’auteur signe une œuvre captivante qui passe outre la polémique qui s’est instaurée autour du roman de Margaret Mitchell, jugé raciste par une Amérique toujours marquée par une guerre, celle de Sécession, qui dans les années 1860 opposa le Nord abolitionniste et le Sud ségrégationniste, et sensible aujourd’hui au mouvement Black lives matter.

AnnaK

La Truie, le Juge et l’Avocat – Laurent Galandon – Damien Vidal – Ed. Delcourt

Depuis le 19 avril – 112 p., 17,50 € – Visuels & entretien © Ed. Delcourt

Sortes d’exutoires pour une population frappée par le destin, des jugements d’animaux étaient pratiqués au Moyen Âge qui poussaient à la barre, porcs, truie, vaches, lesquels finissaient le plus souvent au bûcher.

Les auteurs de la BD se saisissent du phénomène pour nous offrir une fable plus proche de nos préoccupations contemporaines qu’il n’y paraît. Ici, les protagonistes sont une brave truie, un sinistre juge et un avocat miséreux. Accusée d’avoir provoqué la mort d’un cavalier, une truie est conduite devant le tribunal : elle encourt la peine capitale. Le juge, un homme puissant qui n’a que mépris pour les êtres qu’il juge inférieurs, animaux, porchers ou même seulement femmes, fût-ce sa propre épouse, se trouve confronté contre toute attente à un avocat de talent qui défend avec ferveur la cause du malheureux animal…

Entretien avec Laurent Galandon et Damien Vidal.

Grégoire Seguin (délégué éditorial Delcourt)Pourquoi nous raconter aujourd’hui le procès d’un animal au Moyen-Âge ?

Laurent GalandonÀ cette époque les animaux peuvent être traduits devant un tribunal parce qu’ils sont considérés comme responsable de leurs actes, dans la mesure où, comme tous les êtres vivants, ils possèdent une âme. S’ils paraissent bien étranges aujourd’hui, ces procès étaient alors courants et conduisaient souvent à l’exécution de l’accusé. Appartenir à l’espèce animale n’était pas un critère pertinent pour décider de la manière dont on doit le traiter. Aussi ces procès étaient-il l’avant-garde de l’antispécisme, une notion somme toute très contemporaine ! Bien évidemment, derrière l’expression-même de la bonne justice, ils avaient alors surtout une valeur d’exemple pour les autres bêtes domestiques – croyait-on – mais surtout pour les hommes. En effet, ces tribunaux ne faisaient que renvoyer à une dichotomie universelle du fort contre le faible ; du dominant et du dominé. Aujourd’hui encore, le petit délinquant n’a pas les mêmes atouts que le voyou en col blanc pour se défendre. L’animal – domestique – reste un éternel dominé comme le sont le pauvre, le démuni ou les « minorités », sujets aux décisions arbitraires et à la maltraitance des hommes de pouvoir et de religion.

Damien Vidal On imagine que les jugements d’animaux constituent une pratique tirée d’un Moyen Âge obscur et reculé. Pourtant, les exemples de condamnations d’animaux ne sont pas toujours aussi lointains. On connaît l’histoire de l’éléphant pendu, à Erwin, en 1916. Plus récemment (2008), le tribunal de Bitola (Macédoine) a condamné un ours pour avoir volé du miel dans les ruches d’un apiculteur. Ces exemples sont certes anecdotiques et il ne s’agit pas de considérer les procès d’animaux comme faisant partie de notre temps. Ce qui reste très actuel, c’est la maltraitance animale. Des abattoirs aux laboratoires, l’actualité ne manque pas de faits qui rappellent de quelles manières les animaux sont martyrisés. Le récit que nous proposons constitue un miroir certes déformant, mais nous pouvons malgré tout nous reconnaître. Au-delà des procès d’animaux, le vrai sujet de ce livre est celui de la bêtise humaine : c’est un sujet inépuisable et bien contemporain.

G.S. Votre album offre une galerie de personnages plus truculents les uns que les autres. À qui va votre préférence ?

Laurent GalandonSi l’Avocat semble être le personnage principal, le développement dialogué de l’album a porté ma préférence vers le Porcher (aucun des principaux protagonistes n’a de prénom au profit de sa fonction ou de sa nature). En effet le Porcher est profondément naïf (à ne pas confondre avec son apparente bêtise ; l’une de ses dernières répliques nous prouve le contraire). Cette naïveté le rapproche de son animal, la Truie. Comme elle, il est dépassé par une situation ubuesque. Son affection pour son ongulé force l’admiration et le respect tant elle est inconditionnelle et dénuée d’à priori. Finalement il est l’homme le plus animal de cette histoire. Et mon cœur va toujours vers les plus faibles.

Damien Vidal En tant que dessinateur, je me suis surpris à aimer représenter les animaux. Ils font partie de ces personnages que j’ai eu le plaisir de retrouver sous mon pinceau (la corneille, le rat, la truie). Si la question concerne les humains, ma préférence va aussi au Porcher C’est également une affaire de dessin. Dans ce livre, je me suis amusé à varier les registres graphiques : plutôt réalistes pour certains personnages, franchement « gros nez » pour d’autres. Le Porcher fait partie de ceux-là et je trouvais assez drôle de le dessiner. C’est aussi le candide de l’histoire. Il ne comprend pas toujours le monde imbécile dans lequel il vit. En ce sens, il est plutôt attachant.

G.S. Quel message souhaitez-vous communiquer au lecteur à travers ce récit ?

Laurent Galandon – La Truie, le Juge et L’avocat est construit autour d’un procès atypique. Or, durant une telle instance, il est nécessairement question de justice et son pendant d’injustice (ou inversement). Ce sont-là finalement les deux faces de toute histoire, voire de toutes mes histoires : un personnage confronté à une situation qui le contraint à agir pour se dédouaner de l’une ou pour obtenir l’autre. Donc ici, dans ce conte sombre et drôle, je continue à suivre un même fil : dans tout combat, même quand on le perd, il y a une petite victoire cachée ou un retournement possible.

Damien VidalIl y a une morale de l’histoire et c’est la corneille qui l’énonce à la fin du récit. Je ne dis rien de plus pour ne pas spoiler.

Il était une fois en Jamaïque – Récit de Loulou Dedola. Dessin de Luca Ferrara. Couleurs de Luca Ferrara et Gloria Martinelli – Ed. Futuropolis

112 p., 20 € – Depuis le 05/04/2023Visuels © Ed. Futuropolis


L’histoire de la Jamaïque et du reggae racontée à travers le mythique One Love Peace concert, donné par Bob Marley à Kingston le 22 avril 1978. Il symbolise son retour après deux ans d’exil, grâce à deux chefs de gangs décidés à mettre fin à la guerre civile qui déchire la Jamaïque.
Près de 50 ans plus tard, Loulou Dedola est allé à la rencontre des derniers témoins pour raconter les coulisses du concert de Bob Marley en Jamaïque. C’est toute l’histoire de la Jamaïque et du reggae qui prend vie sous la plume de Luca Ferrara.
Que s’est-il passé réellement avant pendant et après le concert reggae donné au stade de Kingston ? Deux partis politiques se livrent une lutte sans merci pour le pouvoir. L’électorat du ghetto est crucial pour départager le très conservateur JLP (Jamaica Labour Party) du socialiste et non-aligné PNP (People’s national Party). Les deux partis ont recours aux gangs pour prendre le contrôle électoral des « slums » (taudis) et des « shanty towns » (bidonville) de Trenchtown, Tivoli Garden, Kingstown Twelve… La guerre civile fait rage. On assassine, on pille, on viole sous toutes les bannières.
Pourtant, de deux camps opposés, deux hommes vont tenter d’inverser le cours des événements : Claudius Massop et Bucky Marshall. Ils appartiennent à des gangs rivaux mais leurs routes vont se croiser au fond d’une cellule de la prison de Kingston. Ces hommes forts des gangs de Tivoli Garden et Trenchtown savent que le reggae est le ciment du peuple jamaïcain. L’idée d’un concert pour la paix germe dans leurs esprits. Pour cela ils ont besoin d’un homme, le roi du reggae, leur ami d’enfance, parti en exil deux ans auparavant après un attentat manqué contre lui : Bob Marley !

Il est où Diouke ? – Émilie Boré – Vincent / Ed. La Joie de lire

En librairie le 22 mars 2022 – Copyright E. Boré, Vincent / La Joie de lire – 56 p., 15 € – Tout lectorat à partir de 5 ans.

Où il est de nouveau démontré que les enfants accueillent mieux la vérité que ne le pensent les adultes.

Archives, avril 2022

Dans leur album précédent, les auteurs donnaient la parole à Jean-Blaise, un chat qui se prenait pour un oiseau (voir lien ci-après), dans celui-ci, Diouke le super-chat de la famille est omniprésent dans les conversations mais il vient de mourir, et son jeune maître ne le sait pas encore…

Pour l’annoncer à son fils bien-aimé, sa maman – qui évoque une « nana » tout droit sortie d’une bande dessinée de Claire Bretécher- décide d’avoir recours au traditionnel « Il est parti au ciel ». Ce qui ne veut pas dire grand chose pour lui. « Il s’est envolé ? »

Et de décrire avec force détails le pseudo envol, afin de rendre crédible sa version des faits. « Il a vu une échelle descendre des nuages… Il s’est élancé sur le premier barreau, là il a levé sa patte et sorti ses griffes en signe de victoire (…) avant de disparaître derrière un cumulonimbus blanc comme de la crème Chantilly ».

?!?!? Mine éberluée du fiston… qui on s’en doute trouvera un heureux dénouement au drame qui vient de le frapper en plein cœur.

Et vice-versa…

Le garçonnet est le narrateur, ce qui donne encore plus de force et d’amplitude au récit qu’il fait de cette journée si particulière. Tout est éloquent dans cet album empreint d’amour filial et de poésie saupoudrée de loufoquerie, à commencer par la couverture, qui résume parfaitement le lien qui unissait Dioude à son jeune maître. À mettre entre toutes les mains.

Anne Calmat

Émilie Boré©

Née en 1984 en France, Émilie Boré est diplômée de l’École du Louvre et titulaire d’un Master en lettres et histoire de l’art. Active dans la rédaction et la communication culturelle, elle a notamment publié deux livres pour enfants (Contes saugrenus pour endormir les parents, Stentor, Montreux, 2014 et Serge le loup blanc, Clochette, Paris, 2015).

Vincent

Né en 1979 à Genève, Vincent Di Silvestro, dit Vincent, est diplômé de l’école Emile Cohl de Lyon. En 2010, il devient dessinateur de presse pour le journal satirique romand, Vigousse. Il travaille également pour le quotidien genevois Le Courrier depuis 2014. Il est aussi auteur de bandes dessinées dont Rodger, l’enfance de l’art (co-écrite avec Gérald Herrmann, Éditions Hermine, 2018).

Blood of the virgin – Sammy Harkham – Ed. Cornélius

Quelques lignes empruntées à l’éditeur…
Depuis le 2 février 2023 – Visuels Copyright S. Harkham / Cornélius – 304 p., 35 €

Années 1970. Monteur dans un studio de cinéma hollywoodien, Seymour, jeune papa d’origine juive-irakienne, se rêve cinéaste. Il évolue dans un système qui broie les individus, les rend fous ou désabusés, mais il n’en a pas encore pris conscience.

Seymour a pratiquement achevé l’écriture du scénario de Bloody of the virgin, qui est accepté. Lorsqu’on lui propose de le produire, le budget alloué est dérisoire et on lui en refuse la direction. Il s’en retrouve très vite complètement dépossédé. Seymour traverse en même temps une crise dans son couple, fragilisé depuis la naissance de son fils. Dès lors, tout semble lui échapper. Il n’a pas d’autres choix que de partir en quête de lui-même et à la reconquête de la femme qui partage sa vie…

Une histoire captivante et profonde sur le désenchantement du rêve hollywoodien, qui s’enrichit de digressions géographiques et temporelles, de changements de points de vue et d’un découpage nerveux et cinématographique. Rien n’est laissé au hasard dans ce récit qui témoigne d’un pays et d’une industrie en pleine mutation, et qui aborde avec justesse des thématiques telles que la parentalité, le déracinement ou l’Holocauste.

S. H.

Auteur et éditeur reconnu, Sammy Harkham naît à Los Angeles en 1980. À 14 ans, il suit ses parents en Australie où la famille s’installe pendant plusieurs année. La lecture de Rubber Blanket et Tank Girl, de Little Orphan Annie et Gazoline Alley, lui donne la passion du dessin. Revenu aux États-Unis, il suit des études au prestigieux California Institute of Arts et crée l’anthologie de bandes dessinées alternatives Kramers Ergot, équivalent de RAW du XXIe siècle. Cette revue expérimentale et éclectique dédié à la bande dessinée alternative connaît une renommée internationale.

Fragments – Rassembler les cœurs brisés – Anaïs Schenké – Ed. Hachette

Quelques planches lignes empruntées à l’éditeur…
Depuis janvier 2023 – Copyright A. Schenké (scénario et dessin) / Ed. Hachette. 256 p., 28 €

Parce que la rupture amoureuse est un moment de vie charnière d’une rare violence où l’on se retrouve face à soi-même, au bord du vide abyssal que laisse la perte de l’amour de l’être aimé, cet roman graphique miroir saura résonner en chacun-e de nous.

Détail planche

Entre tristesse, colère, amertume, auto-flagellation, amour et désamour, les ruptures que l’on traverse nous forcent souvent à renoncer pour accepter. Renoncer à l’autre, à une partie de soi. C’est aussi dans ces moments que l’on puise dans ses dernières ressources pour rassembler les morceaux qui ont volé en éclat et dépoussiérer notre vision de l’amour pour valoriser celle que l’on a de nous-mêmes.

Un voyage universel au cœur de l’intime, où se mêlent la douleur, le beau, les souvenirs, la violence, les moments de joie et d’espoir. Explorant nos sentiments et ressentiments les plus profonds, il porte la voix de tous les cœurs brisés et de leurs blessures les plus personnelles.

A. S.

C’est sur son compte Instagram @anaislesfleurs que l’auteure interroge quasi quotidiennement les répercussions des dysfonctionnements sociaux sur ce que nous éprouvons dans nos vies intimes. Un espace politique et militant plus que nécessaire et sans male gaze.


Carnet de prison – Galien – Ed. Steinkis

À partir du 16 mars 2023 – Visuels© Galien / Ed. Steinkis – 160 p., 22 €
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Lorsqu’en 2014 Galien accepte l’offre qui lui est faite d’animer un atelier de dessin dans la maison d’arrêt de Caen, il ne sait pas encore s’il parviendra à y trouver sa place. « Qu’est-ce que vous venez faire ici ? » lui a demandé quasiment d’entrée de jeu un détenu. Bonne question.

Le premier groupe vient d’arriver ; il sera par la suite remplacé par d’autres participants, au gré des libérations ou d’autres propositions d’ateliers. Ils sont avant tout venus pour « s’aérer », fuir la monotonie du quotidien, les images qui les hantent ou dont ils ont la nostalgie, oublier l’exiguïté de leurs cellules et se soustraire pendant un moment au boucan permanent qui n’autorise aucune évasion mentale. Quant à « se faire la malle » pour de bon, cela reste un fantasme pour beaucoup. « Une cavale, ça coûte cher » dit l’un d’entre-eux

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En dehors de quelques bruits de couloirs et autres vantardises de la part de deux ou trois durs à cuire, à qui on ne la fait pas, Galien ne sait rien sur ses futurs « élèves ». De toute façon, il n’est pas là pour les juger, mais pour les amener à explorer « L’Homme du futur ». Sous son crayon à mine graphite, le sien évoque celui qu’a décrit Vitruve, puis dessiné Léonard de Vinci. Pour l’heure il lui faut apprendre à anticiper les demandes et les réactions de ses élèves, en comprendre les enjeux. Galien sait qu’il va être testé en permanence, qu’il doit savoir dire non ou au contraire lâcher du lest à bon escient. Apprendre aussi à fermer les yeux sur les petites combines inhérentes à la vie carcérale… Si le dessin parvient à les réunir, il deviendra un langage universel.

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L’auteur nous entraîne sans difficulté dans ce qui a rapidement pris les allures d’une enquête sur la privation de liberté et ses incidences – ressentis et témoignages. Au fil du temps, un point d’équilibre s’établit entre celui qui, selon ses propres paroles « reste un intrus », et ceux qui subissent de plein fouet un quotidien souvent désespérant. Détenus comme encadrants. Nous faisons ainsi la connaissance de prisonniers aux itinéraires tortueux, dont on ne doute pas un instant que le dessinateur les a côtoyés, tant leurs portraits physiques, qu’il prend manifestement plaisir à caricaturer, et leurs parcours de vie, sonnent juste.

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Un témoignage sensible, dénué de tout sensationnalisme, à classer parmi les très bonnes études sur le sujet.

Anne Calmat

© Galien

Galien est un dessinateur et illustrateur basé à Caen. Pour lui le dessin de presse, c’est avant tout « gueuler ». « Je le fais pour évacuer un peu de colère », précise-t-il. Galien collabore régulièrement avec le trimestriel Fakir, ce journal « fâché avec tout le monde » qui a fait de l’enquête sociale sa ligne directrice.

État des lieux en France – Chiffres de septembre 2022 (Ministère de la Justice).

• 187 établissements pénitentiaires, dont 47 ont une densité carcérale supérieure à 100 %.

• Un peu plus de 60 000 places opérationnelles.

• Plus de 71 000 écroués détenus (19 000 prévenus et 52 000 condamnés).

• 1 830 matelas au sol.

• 647 mineurs détenus. Chiffres de septembre 2022 (Ministère de la Justice).

• Taux d’incarcération en France en 2020 : 105,3 personnes détenues pour 100 000 habitants.

Notons que le plan de construction de places de prison ne devrait pas changer la donne. Plus de 7 000 places nouvelles annoncées pour 2022 (finalement livrées en 2023, voire 2024), plus de la moitié compensera la fermeture programmée d’établissements vétustes. Les trente dernières années ont confirmé l’adage selon lequel plus on construit, plus on remplit

(source : Le Monde)

Album – Fichez-nous la paix ! – Cartooning for peace – Ed. Gallimard

COMMUNIQUÉ

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En partenariat avec Amnesty international et France Médias Monde – À partir du 2 mars 2023. 144 pages, 22 euros.

« Payons-nous, trente ans plus tard, les erreurs, faux pas ou mauvais calculs qui, au moment de la chute du mur, semblaient alors négligeables ? C’est possible, l’histoire est pleine de petits événements qui se traduisent bien plus tard par de grandes tragédies. Premier malentendu, qui figure en bonne place dans la tête de Poutine : qui a ‘gagné’ la guerre froide ? Gorbatchev, sur ses vieux jours, avant son décès à l’âge de 91 ans en 2022, s’est ainsi plaint publiquement que les Occidentaux s’étaient comportés vis-à-vis de la Russie en ‘vainqueurs’ alors que la guerre froide aurait pris fin parce que des dirigeants soviétiques comme lui avaient décidé d’inverser le cours de l’histoire. » Pierre Haski, chroniqueur sur France inter

Copyright Ed. Gallimard

Le 24 février 2022, la Russie envahissait l’Ukraine. Cette guerre sur le sol européen a fait des milliers de victimes et nous ramène aux heures les plus sombres de l’Histoire. Si ce conflit rappelle à bien des égards les guerres du siècle passé, il fait aussi surgir d’autres problématiques et de nouvelles menaces : nucléaires, économiques, énergétiques, guerre de l’information… Titré Fichez-nous la paix!, l’album contient une sélection de 120 dessins de presse internationaux qui reviennent sur la guerre en Ukraine, ses enjeux et ses conséquences.

Copyright Ed. Gallimard

Provenant du monde entier, ils permettent de saisir les enjeux de cette guerre aux lourdes conséquences, qu’elles soient humaines, politiques ou économiques.

Copyright Ed. Gallimard

Celle qu’il n’attendait pas – Makyo & Luc Casalanguida / Ed. Delcourt

Depuis le 1er février – Copyright Makyo & L; Casalanguida (scénario) / Delcourt – 72 p., 16,95 €

Celle qu’il n’attendait pas…
Elle, c’est Camille, une jeune fille tourmentée de 19 ans, serveuse le soir dans un bar. Camille passe beaucoup de temps à scruter les grilles d’un bâtiment, que l’on croit tout d’abord être une prison.
Lui, c’est Roland Mars, un écrivain connu internationalement, dont on ne sait pas grand chose si ce n’est qu’il vit comme un ermite, retranché dans une demeure que Camille a su débusquer. Mars vient tout juste de sortir un nouveau bouquin qui parle de « supranationalité et d’internationalité de l’esprit ».


Son titre, La tête dans les étoiles, l’intrigue et la revoie à son propre état.

Le lieu où vit Roland Mars semble exercer sur elle un pouvoir magnétique. Un jour il l’aborde. Elle lui fait part de son questionnement à propos du titre et du contenu de son livre. Il lui propose alors de prendre soin pendant un mois de ses plantes, tout en lui laissant entendre que ce pourrait n’être qu’une première étape vers « autre chose », à condition qu’elle s’acquitte consciencieusement de cette première mission. Il vous suffira de les regarder, ce qu’apparemment vous n’avez jamais fait, le reste viendra tout naturellement (…) Écoutez, soyez attentive, si vous avez besoin de conseils, les plantes sont là. (p.18).

Tel semble être le postulat des auteurs de cette fascinante bande dessinée qui, par l’intermédiaire du personnage de Roland Mars rappelle à celles et ceux qui seront prêts à l’entendre qu’il faut admettre une interaction entre les humains et les végétaux, entre les humains et les animaux, et qu’il faut être conscient qu’il n’y a pas de limites à notre ascendance, dont la mémoire est inscrite à jamais dans notre ADN.

Reste à détenir la clé qui permet de s’ouvrir à toutes ces perceptions, Makyo et Luca Casalanguida semblent l’avoir en leur possession. Et nous aussi, par définition.

Anne Calmat

Mademoiselle Else – Manuele Fior – Ed. Futuropolis

Depuis le 11 janv. 2023 – D’après la nouvelle de Arthur Schnitzler – Copyright M. Fior (adaptation et dessin) / Ed. Futuropolis – 96 p., 19€

Pour sauver son père de la ruine et du déshonneur, et sur injonction de sa mère, Else sollicite l’appui d’une vieille connaissance de sa famille, qu’il a auparavant déjà aidée. Ce dernier accepte à la condition qu’elle consente à se dévêtir devant lui. Le chantage du vieux libidineux fait écho à celui pseudo affectif de ses parents, qu’elle devine prêts à bien des compromis pour sortir de l’ornière. À la fois cueillie dans ses premières interrogations sexuelles, indignée par la pression qu’elle subit, mais ne voulant pas être responsable d’un possible suicide de son père, elle va accomplir sa mission, mais à ses conditions et d’une façon spectaculaire. Une décision à triple impact…

En novembre 2017, Manuele Fior illustrait La vie devant soi de Romain Gary alias Émile Ajar (v. Archives) ; sa mise en images de la nouvelle de Arthur Schnitzler, écrite en 1924 sous la forme d’un monologue épique qui témoigne de l’univers psychologique complexe et tourmenté de l’auteur, est cette fois encore un défi, que le dessinateur-scénariste relève haut la main.

Pour cela, il s’inspire du peintre tchécoslovaque Alfons Mucha et des artistes autrichiens Gustav Klimt et Egon Schiele, et restitue avec finesse l’atmosphère de volupté de la bourgeoisie viennoise de l’après-guerre.

A.C.

Manuele Fior

Né à Cesena. Après ses études d’architecture à Venise, il part à Berlin, Oslo puis Paris où il vit actuellement. Auteur de bande dessinées et illustrateur, il collabore régulièrement avec de nombreuses revues internationales (Feltrinelli, Einaudi, Sole 24 Ore, Edizioni EL, Fabbri, Internazionale, Il Manifesto, Rolling Stone Magazine, Les Inrocks, Nathan, Bayard, Far East Festival). Il a publié quatre romans graphiques : Cinq Mille Kilomètres Par Seconde (Atrabile 2010, Fauve d’Or – Meilleur Album – Festival International de Angoulême 2011, Premio Gran Guinigi – Autore Unico, Lucca 2010 ), Mademoiselle Else ( Delcourt 2009, Prix de la ville de Genève 2009), Icarus (Atrabile 2006, Prix A. Micheluzzi Meilleur Dessin 2006 ), Les Gens le Dimanche (Atrabile 2004).

Voir aussi dans les Archives: L’heure des mirages (janv. 2018) – L’entrevue (juin 2017) – Les Variations d’Orsay (octobre 2015)

Fille de lune – Greta Xella – Ed. Dargaud

À partir du 17 février – Visuels © G. Xella (scénario et dessin) / Dargaud – 256 p., 19, 99 €
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Tia a quatorze ans, sa mère souffre d’un trouble sévère de l’humeur qui semble aller crescendo, jusqu’à représenter un réel danger pour la fillette. Tia se sent d’autant plus responsable de l’état de sa mère que les crises surviennent de préférence en sa présence. Elle voudrait l’aider, mais en même temps elle en a peur. Un jour, le problème prend une tout autre dimension : à la suite d’une énième crise, ses parents se volatilisent. Tia n’a alors d’autre choix que de partir à leur recherche dans un ailleurs mystérieux et envoûtant, qui n’existe peut-être que pour elle. Rencontrera-t-elle le peuple des Guérisseurs dont son père lui a si souvent parlé ? Seront-ils détenteurs du remède qui jusque-là a tant fait défaut à sa mère ?

p. 69 (détail planche)
p. 81
p. 96
Introduction

Le voyage va, comme il se doit, être long et riche d’enseignement. Il faudra que Tia soit suffisamment au clair avec elle-même pour comprendre les réponses aux questions qu’elle a posées à ceux qu’elle a croisés. Il faudra aussi qu’elle parvienne à mettre à distance sa propre douleur pour alléger celle de cette mère nourricière devenue Gorgone, en l’aidant à accueillir ses émotions lorsque ses démons intérieurs la submergeront.

« Introspection » et « acceptation » semblent être les maîtres-mots de ce merveilleux – au sens premier du mot – conte à la fois initiatique et fantastique, dans lequel nous voyons peu à peu un monde de déréliction se métamorphoser en un monde d’espoir. Une belle leçon de vie qui nous rappelle que « la résilience c’est plus que résister, c’est apprendre à vivre avec ce que l’on a reçu« . *

  • Boris Cyrulnik

Anne Calmat

Greta Xella est une autrice italienne de bande dessinée. Après une enfance baignée dans les mangas et une adolescence largement influencée par le cinéma, elle obtient un diplôme de graphisme pour se spécialiser, ensuite, à l’École Bande Dessinée de Milan. Ses études terminées, elle commence à travailler grâce aux autoproductions italiennes et étrangères. Parmi ses collaborations les plus importantes, on retrouve celle avec Attaccapanni Press pour qui elle réalise quelques histoires courtes au sein du recueil « Unsistered, Lepidophylla e Theseus ». En 2015, elle illustre son premier roman graphique : Karmapolis scénarisé par Nebbioso et publié chez RenBooks. En 2017, elle fait la fulgurante rencontre des éditions Bao Publishing qui publient son premier roman graphique en tant qu’autrice complète : Figlia di Luna, Fille de Lune.

Serge Gainsbourg, « Le mot exact » au Centre Pompidou à partir du 25 janvier

Renouvelant son intérêt pour la création littéraire et les différentes formes d’écritures, la Bibliothèque publique d’information expose pour la première fois des manuscrits de Serge Gainsbourg provenant de son domicile, rue de Verneuil à Paris, ainsi que de nombreux ouvrages de sa bibliothèque.
Parolier, compositeur, interprète, réalisateur, photographe et romancier, Serge Gainsbourg fut profondément influencé par la littérature et la poésie, sources d’inspiration de nombreuses
chansons. Il était aussi collectionneur de petits papiers, autographes et paperolles, qui témoignent de son rapport quotidien, méticuleux et compulsif à l’écrit.

Rue de Verneuil

Maître dans l’usage de la langue française, Serge Gainsbourg laisse derrière lui un impressionnant corpus de plus de 500 titres, écrits pour lui-même et pour ses interprètes, qui explique son influence dans la chanson française contemporaine.


Cette exposition entend plonger les visiteurs dans le paysage littéraire de Serge Gainsbourg en les accueillant par une vaste sélection des ouvrages tirés de son hétéroclite bibliothèque.

Autoportrait

Elle viendra aussi mettre en lumière la création de son « double » médiatique – Gainsbarre – personnage sorti tout droit de ses chansons, dans la lignée des doubles littéraires du XIXe siècle, du Portrait de Dorian Gray d’Oscar Wilde au Horla de Guy de Maupassant.
Enfin, elle donnera à voir la formidable productivité de l’auteur et sa capacité à faire mouche, en proposant un riche ensemble de manuscrits et tapuscrits annotés. Ces précieux documents, associés au film inédit d’Yves Lefebvre, permettront au public de comprendre le processus d’écriture et de composition de l’artiste.

Toutes ces facettes, qui font de Serge Gainsbourg une figure littéraire et musicale unique aujourd’hui encore, seront à découvrir du 25 janvier au 8 mai 2023 à la Bibliothèque publique d’information du Centre Pompidou. Toutes ces facettes, qui font de Serge Gainsbourg une figure littéraire et musicale unique aujourd’hui encore, sont à découvrir du 25 janvier au 8 mai 2023 à la Bibliothèque publique d’information du Centre Pompidou.

ENTRÉE LIBRE – Entrée Bibliothèque par la place Georges- Pompidou – Métro Rambuteau

Lundi, mercredi, jeudi, vendredi 12h – 22h
Samedi, dimanche, jours fériés 10h – 22h

Trois Fleurs Sauvages – Liniers – Ed. La joie de lire

Sortie le 17 février 2023 – Copyright Liniers (scénario et dessin) / La joie de lire – 40 p., 12,90 € – À partir de 6 ans

Tout le monde sait qu’au jeu du « On dirait que… », les enfants sont imbattables. Et comme ils aiment se faire peur, il n’est pas rare que la situation de départ soit pour le moins périlleuse.

Dans la BD, trois sœurs viennent d’atterrir « inopinément » sur une île déserte. Ça n’a pas l’air de les perturber plus que ça.

« Bonjour, tu es sans doute la fleur la plus sauvage que j’aie jamais vue ». (p. 12)

Les fillettes s’enfoncent dans la jungle, des fleurs leur souhaitent la bienvenue – comme dans Alice au pays des merveilles. Plus loin, un écriteau planté au milieu du chemin leur enseigne que « Seule la réalité peut tuer un dragon« . Mais pour nos trois fleurs sauvages, la réalité n’est pas à l’ordre du jour. Chemin faisant elles découvrent un gorille si petit qu’il peut tenir dans la poche de la cadette, puis elles se trouvent nez-à-nez avec un crocodile tellement énorme qu’il occupe pratiquement une double-page dans l’album. Elles décident ensuite d’explorer une curieuse construction nichée au cœur de la jungle, et qui ressemble à un temple maya. Serait-ce la tanière du dragon ?

« Le jardin le plus fertile au monde est un cerveau d’enfant. Il suffit d’y semer un mot pour y voir verdoyer une forêt de songes » a écrit l’auteure franco-sénégalaise Fatou Diome. Cela semble en tout point correspondre à ce qu’a voulu exprimer Liniers avec cette célébration du monde secret des enfants, celui dans lequel ils deviennent créateurs d’univers… et revivifient notre mémoire.

Anne Calmat

Embrasse-moi – Lidia Mathez – Ed. La Joie de lire

Depuis le 20 janvier 2023 – Copyright L. Mathez (texte et dessin) / La Joie de Lire – 96 p. 19,90 € – À partir de 15 ans


Si nous avons choisi de dévoiler d’emblée l’objet cet album, alors qu’il n’apparaît clairement qu’à la 65ème page, c’est en raison de son caractère ESSENTIEL. Ne passez pas à côté !

L’attribut alt de cette image est vide, son nom de fichier est Unknown-1-200x151.jpg.

« Embrasse-moi », c’est ce que disait un adolescent, hébergé provisoirement chez les parents d’une petite fille âgée de 7 ans, lorsqu’il venait le soir dans sa chambre. L’enfant, en l’occurrence l’auteure de cet album, osait d’autant moins refuser qu’il la menaçait. Ça la dégoutait, mais elle s’exécutait. Avait-elle senti confusément l’anomalie de ce qu’elle subissait ? Toujours est-il qu’elle n’en a parlé à personne. Ensuite, Lidia a refoulé ce souvenir douloureux. « Je crois qu’inconsciemment mon esprit ne voulait pas que je m’en souvienne. »

Mais le corps, lui, se souvient, et les forces secrètes de l’inconscient agissent pour que l’innommable puisse un jour être nommé, puis surmonté.

p. 7
 » Encore ce cauchemar. Cette tristesse, cette douleur profonde qui refait surface (…) Si seulement je pouvais connaître l’origine de ce cauchemar  » (p. 35-35)

Quelques années plus tard…
Devenue adolescente, Lidia doit affronter des nuits parasitées par des cauchemars ; dans son quotidien, elle se sent facilement en danger et elle a du mal à gérer ses émotions. Jusqu’au jour où une phrase prononcée par une amie fait ressurgir le passé, et avec lui, l’image d’un visage détesté.

« Je me sens brisée par ce passé. J’ai envie que ces sensations disparaissent, qu’elles me laissent tranquille. » (p. 66-67)
p. 82

Anne Calmat

Aux Arts citoyens !