Les Beaux étés (tome 4)

En librairie le 1er juin

de Zidrou (scénario) et Jordi Lafebre (dessin) – Ed. Dargaud

Zidrou reste au sommaire d’Arts pluriels, avec ce quatrième volet des Beaux étés. Une saga familiale successivement sous-titrée Cap au sud (T.1, avril 2015), La Calanque (T.2, juin 2016), Mam’zelle Estérel, (T.3, juin 2017) et Le Repos du guerrier (T.4, juin 2018).

Le grand talent de Zidrou est d’avoir écrit une histoire au long cours, dans laquelle la quasi absence de rebondissements maintient paradoxalement une forme de suspense quant aux tribulations de cette famille belge qui, été après été, choisit de venir passer ses vacances dans le sud de la France. Le charme de la série tient beaucoup au parfum d’époque révolue qu’elle dégage.

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On se souvient que dans le tome 1, les relations entre Mado et son époux, Pierre – dessinateur de bandes dessinées en permanence « charrette » – n’étaient pas au beau fixe. Bien que leurs trois enfants n’en aient pas conscience, ces vacances en famille avaient toutes les chances d’être les dernières. Les épisodes suivants démontrèrent une fois de plus que le pire n’est pas toujours sûr.

Pas d’événements extraordinaires cependant dans ce premier tome, dont l’action se situe en 1973 ; juste une histoire en demi-teinte particulièrement bien troussée, avec des personnages attachants et, côté auteurs, un art consommé de nous renvoyer à nos propres souvenirs.

Plus nostalgique que le précédent, le second tome revisite contre toute attente l’année 1969. C’est un peu comme si l’on  feuilletait une pile d’albums photos sans se soucier de leur chronologie.

Même scénario, les Faldérault s’apprêtent à partir en vacances dans une bicoque rikiki mais mimi située dans la Calanque marseillaise. Pierre met une avant-avant-dernière touche à l’album qu’il devrait avoir bouclé, mais cette année-là, Mado, enceinte de son quatrième rejeton, se contente de jeter sur son époux un regard indulgent. La joie règne au sein du clan, les vacances se présentent sous les meilleurs auspices.

Le tome 3 nous propulse cette fois en 1992. Les époux Faldérault sont désormais à la retraite, leurs enfants ont grandi et la 4L familiale – personnage à part entière de la série, rebaptisée Mam’zelle Estérel dans sa prime jeunesse, est à vendre. C’est l’occasion pour les protagonistes de se remémorer l’année de leurs toutes premières vacances en compagnie… des beaux-parents.

Dans ce quatrième épisode, même canevas, nous retrouvons les Faldérault au grand complet : Pierre, Madeleine et leur progéniture, auxquels s’est joint Jean-Manu, le petit ami de Nicole. Cet été 1980 a ceci de particulier que Pierre est devenu copropriétaire d’une villa « clé sur la porte », qu’il a baptisée « Le Repos du guerrier ». Il a cette fois inscrit le mot FIN sur sa BD, cap sur la Dordogne pour la tribu. Mais une obligation professionnelle de dernière minute bouleverse le timing : Pierre doit différer son départ, il rejoindra plus tard sa famille en train-couchettes.

Dans ce nouvel épisode, l’aventure va plus que jamais être au rendez-vous, aussi est-ce comme un seul homme que tous vont se serrer les coudes lorsqu’il leur faudra faire face à la « légère déconvenue » qui les attend à leur arrivée. Les vacances d’été chez les Faldérault, c’est sacré, donc pas question de baisser les bras. Et l’aînée de conclure : « Le Guerrier qui refuse le combat, moi j’appelle ça un déserteur « …

Rafraîchissant comme un sorbet à la fraise liégeoise.

Anne Calmat

56 p., 13,99 € (ch. album)

 

l’obsolescence programmée de nos sentiments

En librairie le 1er juin 2018

Scénario Zidrou – Dessins Aimée de Jongh. Ed. Dargaud

Lui, c’est Ulysse. Mais il n’a rien voir avec celui de L’Odyssée. C’est un déménageur, veuf, qui approche de la soixantaine et se trouve brutalement mis au chômage. Ecrasé de solitude, il a recours à toutes les ruses pour l’alléger, sans y parvenir vraiment. Son fils médecin est trop occupé pour soulager son malheur, le souvenir de sa fille décédée à l’âge de seize ans y ajoute encore. Reste cette adresse à laquelle il se rend une fois par semaine, en échange de quelques minutes d’oubli et de jouissance.

Elle, c’est Méditerranée, prénommée ainsi par un père corse amoureux de sa mer. Elle fut mannequin, posa au faîte de sa gloire pour une couverture de Lui, mais la quarantaine venue, se reconvertit dans la fromagerie, héritée de sa mère. Célibataire par conviction, le mal d’enfant à soixante-deux ans lui pèse encore.

Ils font connaissance dans la salle d’attente du fils.

Et, comme aucun d’eux ne s’y attendait, la vie se décide à leur faire un grand clin d’œil.

Ils se découvrent, se plaisent, s’aiment et s’accordent.

Au point que…

Mais cela, c’est la fin du récit, et elle ne peut se découvrir qu’en lisant le livre.

S’en tenir à cette présentation risquerait de faire passer cette romance touchante pour une histoire banale, n’était… la manière de la raconter, de figurer ces deux êtres, de les faire parler, de les montrer. C’est ce regard posé et porté sur les personnes et les sentiments qui vaut et va transformer cette rencontre en aventure poétique.

Le dessin des personnages, plus très jeunes, est sans concession. iIs ne sont ni beaux, ni canons, mais sans jamais verser dans la caricature. Ils sont comme ils sont.

Les dialogues empruntent au langage parlé des expressions savoureuses et imagées, Ulysse est déménageur. C’est le parler concret et drolatique de gens simples.

Les héros ne sont ni sublimes ni très originaux, mais ils possèdent une vérité, une vitalité, une humanité étonnantes, au point qu’on se croirait parfois au cinéma.

Quelques étreintes, dessinées avec des tons clairs et doux – beige orangé, gris et ocre sur blanc – figurent une sorte de chorégraphie tendre d’une grande beauté.

Et puis cette façon de bousculer l’ordre des choses est tout à fait sympathique.

Nicole Cortesi-Grou

144 p., 19,99 €

Aimée de Jongh, jeune auteure néerlandaise, a publié sa première bande dessinée, Aimée TV, à dix-huit ans. Son premier roman graphique, Le retour de la bondrée, dont elle signait également le scénario, a remporté le prestigieux Prix Saint-Michel du meilleur album 2014-2015. Il a été porté à l’écran en 2016. L’obsolescence programmée de nos sentiments est son deuxième roman graphique.

Zidrou est un maître d’école belge devenu scénariste de bandes dessinées. Lui et son camarade Falzar (L’instit Latouche et Léonie) écrivent de nombreux scénarios pour Spirou, sous le nom des « potaches ». Seul, c’est avec L’Élève Ducobu (Ed. Le Lombard) qu’il connait un vrai succès. Il a récemment ajouté des récits pour adultes à ses publications « Tout public/jeunesse et humour ».

Jour de match (suivi de) Hors-jeu

En librairie depuis le 14 avril 2018

Texte et illustrations Antoine Trouvé – Ed. La Joie de lire (à partir de 6 ans).

Bienvenue à toutes et à tous sur TV Gazon Ballon, nous sommes en direct du Super Stadium pour cette finale de la Méga Cup 2018, qui promet d’être palpitante !

Les équipes en présence ? Le Vandeleck F.C, favori incontesté, contre l’A.S Pédant-Montfort. Autrement dit, le pot de terre contre le pot de fer, ou plus près de nous, les Herbiers contre le PSG.

Double planche (p. 8 et 9), le coach donne ses consignes aux joueurs de l’A.C Pédant-Monfort. Trois planches plus loin, les arbitres des deux équipes se serrent la main. C‘est parti pour 90 minutes de jeu.

Deux journalistes sportifs, Assan et Alain, nous renseignent sur l’évolution du match, les dessins d’une incroyable précision d’Antoine Trouvé font le reste. Tout y est, les coups-francs, les corners, les blessures, sans oublier les sponsors et les engueulades. Et bien entendu les milliers de supporters, croqués avec force détails par l’auteur. 

 

0-0 à la mi-temps…

Viennent la pause publicitaire, les commentaires contrastés des journalistes et de ceux qui ont suivi le match au bistrot du coin ou en bien « en mode Coca-pop-corn-canapé ». On espère un meilleur spectacle en seconde période (…) Buyado (Vanderleck F.C) a été in-vi-si-ble, par contre le gardien de but a été un véritable mur…

Reprise. Il reste 45 minutes. Tant que le coup de sifflet final de l’arbitre n’a pas retenti, tous les espoirs sont permis.

Qui repartira avec la Coupe ? Réponse page 40.

A.C.

45 p., 10 €

Coup d’oeil dans le rétro…

Avril 2016

de Matthieu Chiara (scénario et dessin). Ed. L’Agrume 

Un match de football ne sollicite pas uniquement les forces et l’énergie de ses organisateurs, des équipes en présence et de leurs supporters, sa genèse remonte au premier shoot de l’histoire de l’humanité, et trouve son aboutissement dans la souffrance de tous ces brins d’herbe meurtris par les chaussures à crampons des joueurs.

HORSJEU-2On l’aura compris, l’auteur de la BD donne libre cours à son imagination et nous propose une variation humoristique et métaphysique sur le football.

Cela fonctionne parfaitement – même auprès des profanes – grâce à un scénario astucieux et des dessins fouillés. Ils mettent en scène deux équipes de foot et une dizaine d’adeptes du ballon rond, parfois pour des raisons diamétralement opposées : deux sans-abri, une prostituée, un père de famille, « ses meufs » et son fils, une épouse exceptionnellement accueillante qui adore les tirs au but

On n’échappe pas à l’ineffable tandem de chroniqueurs sportifs qui, planqués derrière leur écran, « commentent leurs commentaires  » et s’auto-congratulent, pas plus qu’on échappe aux « brèves de tribunes » au ras des pâquerettes. Mais le plus intéressant, ce sont les réflexions, souvent in petto, de ceux qui vivent au rythme de cette rencontre de foot. À commencer par celles de son joueur vedette au crâne rasé (un nouveau divin chauve ?), qui s’est plié peu de temps auparavant au jeu du « parler analphabète » face à une meute de journalistes

Il cherche maintenant une justification et sens profond à sa présence sur le terrain et réalise qu’il est passé à côté de son rêve de gosse: devenir archéologue.  Le pognon ? Hum ! (…) Les Supporters ? Ils sont tous formatés… Les différents protagonistes de cette BD aigre-douce, que l’on retrouve  alternativement ou simultanément à intervalles réguliers, ont eux aussi leur avis sur la question. Comme par exemple le jugement de la prostituée sur l’acte footballistique, proche selon elle du culte phallique. Ou celui de l’une des épouses, sur la passion-canapé-canette-de-bière pour le football de son conjoint. Je suis sûre qu’il regarde le foot pour faire comme les autres…

HORSJEU-14

C’est drôle, piquant, bien vu. Ajoutez à cela un coup de crayon particulièrement efficace et vous serez fin prêt-e-s pour aborder le sourire aux lèvres la toute prochaine Coupe du Monde.

Anne Calmat

160 p., 22,90 €