
Scénario Olivier Bocquet et Jean-Marc Rochette, illustrations Jean-Marc Rochette – Postface Bernard Amy – Ed. Casterman, 2018
Il n’y a pas deux vies d’alpiniste semblables, parce qu’il n’y a pas deux listes de sommets, de réussites et d’échecs semblables. En revanche, toutes les histoires d’alpiniste ont un point commun : leur commencement. Les débuts en alpinisme de Jean-Marc et Sempé, tels que racontés par Jean-Marc, pourraient sembler anecdotiques. Il n’en est rien. Ils sont remarquablement exemplaires. Ce que vivent aujourd’hui les jeunes gens qui découvrent l’univers de la haute montagne diffère peu de ce que nous montre le récit de Jean-Marc. Et il suffit de lire les nombreuses biographies publiées par les alpinistes depuis que l’ascension des montagnes est devenue un fait social, pour réaliser que tous ont vécu de la même façon leur « entrée en alpinisme ». B.A.
Le peintre-sculpteur Jean-Marc Rochette, co-auteur de la série post-apocalyptique des Transperceneige (Intégrale parue chez Casterman en 2013), signe ici un roman autobiographie d’une incroyable richesse, tant sur le plan graphique qu’émotionnel.
Enfant, à Grenoble, sa double passion pour les arts et les hauteurs lui a été transmise par sa mère, qui l’entraînait dans les musées, mais aussi dans de multiples randonnées pédestres en direction des sommets environnants du Massif des Écrins.

On le découvre tout d’abord en arrêt devant une toile de Chaïm Soutine intitulée Le bœuf écorché, émerveillé par la force de l’œuvre. Quelques planches plus loin, le jeune Rochette a accompagné sa mère dans l’une de ces randonnées en moyenne montagne qu’elle affectionne tant. « C’est ce jour-là que je suis tombé amoureux de la montagne. C’était d’une beauté absolue et je n’avais qu’une idée en tête : monter, monter tout en haut. »

À l’école, il s’ennuie ferme. Son inclinaison pour le dessin, balayée d’un revers de main par son professeur, est pour lui une source de réconfort. Son second échappatoire va être la varappe le long des parois rocheuses que l’on trouve à l’extérieur de la ville, en compagnie de l’un de ses futurs compagnons de cordée, Philippe Sempé.
Rapidement, leur objectif sera l’escalade de la face nord d’Ailefroide. Mais auparavant, il leur faut faire leurs classes.
Dès lors, chaque expérience va être plus exigeante que la précédente…

Le jeune Rochette a maintenant pris de l’assurance, il tente même l’ascension d’un glacier en solo, pour les beaux yeux de deux filles. Alors qu’il s’attend à être félicité par les alpinistes qu’il a dépassés au pas de charge, il se fait remonter les bretelles pour avoir pris des risques inconsidérés. Il retiendra la leçon et se souviendra de ceux que la montagne a dévorés, sans jamais rendre leurs corps.
Nous partageons avec lui les nuits à la belle étoile, les bivouacs, les avalanches, les chutes de pierres qui exposent au pire – et dont Rochette fera les frais, les crevasses qui happent les corps, les escalades à corde tendue, les rappels à l’épaule…
Que la montagne est belle et vibrante sous les pinceaux de Jean-Marc Rochette !

Le récit s’articule autour des différentes ascensions effectuées. Il permet aussi de mettre en lumière les grands noms de l’alpinisme : Edward Whymper, Gaston Rébuffat, Lionel Terray… Et plus près de nous, Bruno Chardin ou Jean-Claude Zartarian. Mais aussi, d’appréhender une époque révolue et une façon, plus romanesque et peut-être moins pragmatique, d’aborder chaque expédition.
Bien qu’ayant dû renoncer à être guide de haute montagne, suite à un grave accident survenu lors d’une course en solo, Jean-Marie Rochette considère qu’être alpiniste, c’est pour la vie. Au retour d’une escalade difficile dans le Massif des Écrins en 2016, il a déclaré à Bernard Amy : Tu te rends compte, je n’avais pas grimpé depuis quarante ans ! Et ce qui est formidable, c’est que tout m’est revenu, comme si ça datait d’hier.
Anne Calmat
290 p., 28 €