
de Claire Bretécher (textes et dessin) –© Ed. Dargaud
Depuis cinq décennies, Claire Bretécher porte un regard insolent et revigorant sur les bizarreries de ses contemporains. Elle les décline ici en huit chapitres, avec une prédilection pour certains petits travers qui manifestement n’ont cessé de l’interpeler. Comme par exemple notre rapport à la bouffe, aux fringues, à l’amour, notre relation aux vieux (pardon, aux séniors)…

Elle nous tend un miroir dans lequel il est parfois difficile de ne pas se reconnaître, avec souvent un sentiment de déjà-vu pour le lecteur (beaucoup de dessins ont auparavant été publiés dans la presse). Quoi qu’il en soit, son impertinence, son sens du dialogue et de l’à-propos restent sans cesse à redécouvrir.

Dans les années 50, la bande dessinée franco-belge est considérée comme un divertissement réservé aux enfants. Quelques parutions font cependant tache (Le Journal de Spirou, Le Journal de Tintin…). C’est à la faveur de leur succès naissant que le premier numéro de Pilote, destiné aux adolescents, sort en octobre 1959. L’hebdo surprend par son contenu et la diversité de ses signataires : Uderzo, Goscinny, Hébrard, Tabary, Charlier…
En 1969, c’est au tour de Cellulite de se pointer, avec Claire Bretécher dans le rôle de la bonne fée. Elle va « transformer ce qui aurait pu être doux et fade en quelque chose d’appétissant et d’incroyablement farfelu », écrit alors René Goscinny. Cellulite a effectivement peu d’atouts dans son jeu : « La petite princesse ne fut pas baptisée Céleste, Blanchemine ou Claire, mais Cellulite. Le bon roi ne s’intéressa qu’au pognon et à courir le guilledou. Les princes devinrent des coureurs de dote, et Cellulite elle-même, une virago au visage approximatif ».
Des parutions qui ancrent un peu plus la BD dans le monde des adultes. Avec en point d’orgue, la création de l’Echo des Savanes en mai 72.
Claire ne va pas se contenter de mettre en scène les états d’âme de la princesse Cellulite, les vapeurs de Camomille, les problèmes existentiels de Guiguite ou d’Agripine, elle va également faire un sort aux « pseudos » de tous poils. Dans les Frustrés (Obs, 1973), elle décrit avec une ironie mordante les mœurs du microcosme post-soixante-huitard parisien, où féministes patentées et intellos fumeux refont le monde aux Deux-Magots.
Elle saura aussi anticiper sur les grands sujets qui agiteront la société plusieurs décennies plus tard (GPA, PMA, mariage pour tous, identité sexuelle).


A.C.
112 p., 19.99 €