Hercule à la plage – Fabrice Melquiot – Ed. La Joie de lire, coll. La Joie d’agir

Sortie en novembre 2019 – Mise en page Jeanne Roualet ©

Le livre se lit tête-bêche. D’un côté, il y a la pièce de Fabrice Melquiot, et de l’autre « l’Avant », c’est à dire tout ce qui a précédé – et précède en général – la présentation au public d’un spectacle vivant. Commençons donc par « l’Avant », ce sera très bientôt d’actualité.

«  On peut considérer qu’une pièce de théâtre connaît plusieurs états : la pièce que l’auteur a conçue, celle qu’il a écrite (ce n’est pas forcément la même), la pièce que jouent les comédiens et celle qu’entendent les spectateurs. Les arts plastiques apportent à leur tour toutes les ressourses dont ils disposent et la musique peut créer le mystère, l’inconnu divin. », Gaston Baty, 1923

Cette partie de l’album met un coup de projecteur sur celles et ceux qui participent à une telle aventure, et qu’on ne cite pas toujours le moment venu : assistant(e) à la mise en scène, scénographe, costumière, maquilleuse, technicien/technicienne (son, lumière…). Chaque spécialité est ici détaillée, puis commentée. La pièce a été créée en 2019 au festival d’Avignon dans une mise en scène de Mariama Sylla.

Ce que raconte Hercule à la plage

Angelo, Charles et Melvil cherchent India dans ce que l’auteur décrit comme un labyrinthe, en ruine. Un espace hors du temps qui évoque celui où Thésée, guidé par le fil d’Ariane, parvint à retrouver le Minotaure. Tous se sont connus sur les bancs de l’école primaire, puis ils se sont perdus de vue.

Ce labyrinthe contient leurs souvenirs, réels ou non. Ils traversent les âges, ils ont neuf, quinze, quarante ans. Ils se racontent, apparaissent puis disparaissent. Il y a longtemps, India, qui n’était encore qu’une enfant, a lancé un défi à ses trois soupirants : « Si vous voulez m’aimer, soyez Hercule, sinon rien. » (…) « Je ne veux pas d’une vie normale avec des amis moyens. » Pourquoi Hercule ? Parce que lorsqu’elle était enfant, sa maman lui racontait les douze travaux. Les gamins l’ont prise au mot, ils ont accompli des exploits qui, à hauteur d’enfant, étaient dans la lignée de ceux du héros de la mythologie gréco-romaine.

Quelques années plus tard, le père d’India les a tous emmenés voir la mer, ensemble pour la dernière fois. « Elle va déménager, le verbe le plus dégoûtant de la langue française » résume Melvil.

India sur le sable, India sous le soleil, India les mettant à l’épreuve… Puis India désertant, emportant avec elle leur certitude d’être toujours unis et ne leur laissant que le souvenir d’amours platoniques.

Angelo : « La vie était pleine de promesses. Et on était si jeunes et si pleins de rêves. On allait se revoir, un jour ou l’autre, c’était sûr et certain ! »

Le texte – un voyage initiatique au terme duquel l’héroïne apparaît sous un tout autre jour – comporte plusieurs niveaux de lecture selon l’âge auquel on le découvre. Les temporalités s’enchevêtrent, le présent des personnages se mêle à leur passé, la narration s’interrompt pour faire place au dialogue, la mythologie grecque côtoie celle des héros de Marvel : Superman et toute la flopée de ceux dont le nom se termine en « man« . Est-ce que tout cela est vrai ? Angelo, Charles et Melvil étaient-ils si « moyens » et India tellement hors du commun ? Troublant.

A.C.

Tout lectorat à partir de 12 ans. 128 p., 23 €

Soon – Thomas Cadène – Benjamin Adam – Ed. Dargaud

Depuis le 25 octobre 2019 © T. Cadène, B. Adam / Dargaud

Il n’y a plus une seconde à perdre….

Nous sommes en 2141, une classe d’adolescents parcourt les allées d’une expo, au cours de laquelle ils vont être invités à visionner un diorama du début du 21è siècle. Après avoir remonté le temps et retracé l’histoire de l’humanité, le prof résume ainsi la situation d’hier et aujourd’hui : ”D’avoir trop abimé la planète, nous nous sommes effondrés les uns après les autres, la population mondiale a été divisée par dix, et sans le Contrat, vous ne seriez jamais venus au monde”.

Les habitants des sept villes restantes – en permanence « secondés » par des robots – ont en effet été tenus de s’engager par contrat à ne jamais reproduire les comportements aberrants des générations précédentes, à être autosuffisants à 90% et à laisser la nature croître et/ou se régénérer à son rythme. On apprend un peu plus loin que dans certaines zones, elle a été irradiée.

D’abord séduits par le mode de vie de ceux qui semblent tous avoir « une tête lumineuse », les élèves trouvent finalement que ”tout ça, c’est un peu bidon”. Il est vrai que leur quotidien est aux antipodes de celui de cette foule compacte qui se déplace avec un smartphone collé à l’oreille…

Nous faisons ensuite connaissance de Youri et de sa mère, Simone Jones. Leurs relations sont difficiles : elle est astronaute, son travail la passionne tout autant que l’avenir de la planète. Lui a toujours eu le sentiment de n’avoir pas suffisamment de place dans sa vie. Simone se prépare justement à piloter le programme spatial Soon 2. Trente ans de voyage pour rejoindre Proxima B et avoir une chance de venir en aide aux huit-cents millions d’individus qui restent sur la Terre. Tous deux savent qu’il s’agit d’un aller simple. Avant son départ, Simone a voulu passer du temps avec son fils et lui faire découvrir la face cachée de cette Terre aux 7 villes. 

Des rappels de ce que fût la planète avant sa quasi extinction, de ses heures de gloire à ses abominations, courent tout au long du récit qu’a composé Thomas Cadène. Il y est beaucoup question de conquète de l’espace. Mais qui, en 2141, se souvient des noms de ses pionniers ? Qui peut imaginer les inégalités sociales qui prévalaient autrefois, les épidémies, les pollutions meurtrières, la multiplication des conflits au sein de celle qu’on avait longtemps désignée sous le terme de « notre bonne vieille Terre » ?

La première étape de leur périple va les mener dans la Zone 4, là où se trouve le Mémorial des derniers vestiges d’un monde révolu. Les autres étapes seront à découvrir par celles et ceux qui auront la bonne idée de se pencher sur cette fiction à la fois sombre et teintée d’espoir.

L’album est extrêmement touffu, mais très fluide grâce à un découpage astucieux et des couleurs différenciées pour chaque thématique abordée.

La sonnette d’alarme est une nouvelle fois tirée. À bon entendeur…

Anne Calmat

240 p., 27 €

Dédales – Charles Burns – Ed. Cornélius

Depuis octobre 2019 – © C. Burns / Cornélius – 62 pages, 22,50 €
Détail planche p. 5 – © C. Burns / Cornélius 

Cette sortie est accompagnée de la réédition de Love Nest, un livre de Charles Burns épuisé depuis 2 ans. (Cornélius, 2016).

idem

Un jeune dessinateur, Brian – que l’on suppose être l’alter ego de l’auteur, comme lui imprégné d’images inquiétantes depuis sa prime jeunesse – est en train de réaliser un autoportrait. D’abord surpris par l’image déformée que lui renvoie le grille-pain posé sur sa table de travail, il est ensuite interloqué par la tête en forme de méduse qu’il a lui-même créée. À moins qu’il ne s’agisse de celle d’un extraterrestre…

© C. Burns / Cornélius 

Laurie, une jeune fille aux cheveux flamboyants, s’approche et lui propose de se joindre à leur groupe de copains venus fêter l’anniversaire de l’un d’entre-eux, Jimmy. D’abord réticent, Brian finit par s’y résoudre, mais son esprit est déjà ailleurs.

© C. Burns / Cornélius 

Tous ont décidé de visionner d’anciens films amateurs 8 mm, au premier rang desquels figure The Criping flesh, dont Jimmy était l’interprète. Nous le découvrons en train de dormir, cependant qu’un ver de terre sorti d’une soucoupe volante rampe vers sa maison (d’où le titre). Le garçon va malencontreusement porter l’alien à sa bouche et changer radicalement de comportement. Le thème de l’adolescence et de la métamorphose est ici omniprésent.

© C. Burns / Cornélius

« Effet waouh ! » garanti lors des différentes projections, le groupe étant fan de science fiction et de films gores. Excepté Laurie. « Vous étiez de sacrés psychopathes, et vous l’êtes encore. »

© C. Burns / Cornélius 
© C. Burns / Cornélius 

Une idylle semble cependant s’être nouée entre Brian et elle. Il lui propose de l’emmener voir « L’invasion des profanateurs de sépultures » (1956). L’intrigue est simple : des graines extra-terrestres se sont répandues dans une petite ville de Californie, elles produisent des répliques exactes d’humains, qui, s’ils s’endorment deviennent l’une de ces créatures. Les victimes sont alors séparées à jamais de ceux qu’elles aimaient.

Avant de retrouver Brian, Laurie s’est faite agresser verbalement par un SDF à qui elle n’avait pu donner quelques pièces de monnaie. Ils le retrouvent à la sortie… toujours aussi menaçant. Aurait-il été contaminé lui aussi par une quelconque entité ? Il serait hasardeux de se prononcer sur ce qu’il advient tout au long du premier épisode de Dédales, l’auteur prenant, comme toujours, un malin plaisir à brouiller les cartes et à désorienter ses lecteurs.

Quant à Laurie, elle est très très fatiguée, il ne faudrait surtout pas qu’elle s’endorme…

Enchevêtrant subtilement le cinéma et la vraie vie, Dédales est le premier tome d’une série qui construit sa narration autour du rapport entre l’inconscient et sa représentation. Ce thème est ici décliné à travers d’incroyables séquences où le rêve devient source d’inspiration de la fiction.

Anne Calmat

Ce premier tome d’une nouvelle série est inédit et publié en exclusivité mondiale. La version américaine ne sortira qu’en intégrale dans 5 ou 6 ans. Une exposition d’envergure consacrée à Charles Burns, en partenariat avec la galerie Martel (Paris), se tiendra au Pavillon Blanc, Centre d’art de Colomiers du 12 octobre 2019 au 4 décembre 2020, associée au programme du 33e festival BD de Colomiers.

Charles Burns

Charles Burns viendra en France à l’occasion de la sortie du livre. Plusieurs événements sont déjà prévus, dont une conférence et une projection de lm à Bordeaux en partenariat avec le Festival International du Film Indépendant de Bordeaux et du Musée d’Art contemporain. L’auteur reviendra en janvier 2020 pour le festival d’Angoulême, dont il réalisera une des affiches.

Vertiges : un art-book consacré à Jean-Marc Rochette – Ed. Daniel Maghen

En librairie le 21 novembre 2019 © JM Rochette / D. Maghen – 180 p., 39 €

Jean-Marc Rochette (ci-contre) est un artiste prolifique et vertigineux. Alpiniste chevronné, il a flirté avec les plus hauts sommets alpins, puis, épris d’art et de littérature, il a tenté la voie du roman graphique, qui pour lui s’est, au fil du temps, avérée royale.

Dessinateur virtuose, peintre, sculpteur, scénariste, l’homme surprend par la profondeur de sa pensée. Il étonne aussi par la singularité de son mode de vie, la plupart du temps pastorale, quelquefois citadine. « Dans l’Oisans, j’y suis depuis que j’ai dix ans, donc je connais tout comme ma poche : les sommets, leurs noms, la profondeur des vallées. Je sais même à peu près où sont les loups. C’est ma maison. »

Vertiges conjugue entretien avec la journaliste Rebecca Manzoni (une vingtaine de pages au total, réparties sur l’ensemble de l’album), aquarelles inédites et huiles sur toile qui représentent cette montagne, SA montagne « vivante comme un fleuve », dont il est follement épris. Et naturellement, nombre d’extraits de BD ou de romans graphiques, sur pleine ou double page, récents ou plus anciens.

Son œuvre peint ou dessiné nous renvoie au rapport osmotique que ce grand sage entretient avec les hauts sommets – comme c’était le cas de ses illustres prédécesseurs : Edward Whymper, Gaston Rébuffat ou Lionel Terray – à qui il rend hommage dans Ailefroide Altitude 3954.

L’artiste et la journaliste ont d’emblée été sur la même longueur d’ondes. Un rapport tout en simplicité s’est instauré dès qu’ils se sont retrouvés dans le hall de la gare de Grenoble. « J’ai les cheveux blancs et je suis habillé tout en noir », lui avait-il précisé. Ils ont ensuite rejoint son chalet dans le parc des Ecrins, et c’était parti pour une longue séance de questions-réponses.

Cela donne une somme éblouissante d’images et de réflexions sur l’Art et le monde tel est et qu’il va.

Jean-Marc Rochette évoque avec elle la genèse et les raisons de chacune de ses créations, dans lesquelles la question environnementale est souvent omniprésente. « Si on ne change pas de paradigme social, on va crever. On ne va pas tenir comme les montagnes. Pour ça, il aurait fallu qu’on s’intègre à la nature, qu’on ne la tabasse pas comme on le fait  (…) »

Casterman 2019

Le Loup, par exemple, interroge sur la place de l’humain au sein du règne animal. L’action se déroule au cœur du massif des Écrins, où un grand loup blanc et un berger vont s’affronter jusqu’à leurs dernières limites, avant de pactiser et de trouver le moyen de cohabiter. Pour la composition de ce roman graphique, l’auteur s’est inspiré de l’histoire d’un berger qui vit près de chez lui. Il s’est ensuite dessiné sous les traits de cet homme au passé douloureux. Pourtant c’est à son grand-père paternel qu’il a pensé : « Gaspard a 60 ans et il est montagnard, comme moi. (…) Mais il a un caractère plus proche de celui de Jean-Désiré Rochette, mon grand-père, qui avait perdu un fils – mon père – en Algérie. »

Casterman 2018

Puis vient Ailefroide Altitude 3954, un livre d’une incroyable richesse, tant sur le plan graphique qu’émotionnel, dans lequel Rochette évoque l’absence de son père et sa propre entrée en alpinisme. On le découvre ici enfant, en arrêt devant une toile de Chaïm Soutine, intitulée Le bœuf écorché. Le jeune garçon est émerveillé par la force de l’œuvre. « Il peint parce que c’est plus fort que lui » dit-il à Rebecca Manzoni. Rochette se lancera quelques années plus tard à l’assaut des sommets, parce que ce sera plus fort que lui.

Sa passion pour l’escalade demeure intacte. Bien qu’il ait dû renoncer à être guide suite à un grave accident survenu lors d’une course en solo en 1976, il continue de grimper, considérant « qu’être alpiniste, c’est pour la vie ».* Nous partageons avec lui les nuits à la belle étoile, les bivouacs, les avalanches, les chutes de pierres qui exposent au pire, les crevasses qui happent les corps et ne les rendent pas, les escalades à corde tendue, les rappels à l’épaule… (* Ailefroide Altitude 3954)

Que la montagne est belle, vibrante et fière sous les pinceaux et les crayons de Jean-Marc Rochette ! Elle peut aussi être impitoyable : il l’a vécu dans sa chair, il sait l’engagement et l’humilité qu’il faut pour mesurer à elle.

Casterman 1994 à 2000. Une intégrale a été publiée en 2014

Nous remontons ensuite le temps, pour cette fois nous immerger dans une histoire au long cours qui, en ce début de 21e siècle, résonne avec une force particulière : celle du Transperceneige, à bord duquel se trouve le dernier bastion de l’espèce humaine, après que la bombe a fini par éclater. Ses passagers seront par la suite contraints de quitter ce train devenu infernal, à la recherche d’un nouvel abri. Malgré les risques encourus, ce sera pour chacun l’espoir d’une vie meilleure, car, pensent-ils, rien ne pourrait être pire que l’existence qui est devenue la leur…

Les dessins originaux de ce livre seront exposés à la Galerie Daniel Maghen du 10 décembre au 11 janvier 2020. Galerie DM, 36 rue du Louvre Paris 1er

Anne Calmat

Écolila – François Olislaeger – Ed. Actes sud BD

Depuis le 6 novembre 2019 Copyright F.O . / Actes Sud

Nous sommes ici témoins d’une discussion sur la nature et l’écologie entre une petite fille de cinq ans et son papa. Tous deux déambulent dans le zoo de Chapultepec (Mexico). Lui, est préoccupé et ne sait que lui répondre, bien qu’en réalité, les deux visiteurs se posent les mêmes questions.

Ensemble, ils interrogent les grands enjeux et les dangers du changement climatique, un peu partout sur les cinq continents. En suivant les quatre éléments et les quatre saisons, ils ébauchent des solutions, tout en rendant hommage à l’intelligence de la vie et à l’architecture de la biodiversité. En s’appuyant sur des concepts, tels que la permaculture comme philosophie applicable à de nouvelles organisations sociales, en abordant le biomimétisme pour imaginer un futur, en retrouvant le lien entre l’homme et la nature, ils tentent de trouver la meilleure façon de résister à leur destruction mutuelle.

Les jeux et les dessins qu’ils vont alors inventer au gré de leurs rencontres (Yakari, l’enfant sioux ; l’essayiste Jeremy Rifkin ; Charles Darwin ; Lenz de Buchner ; le chef amérédien Seattle ; le peintre Pierre Bonnard ; le compositeur Camille Saint-Saëns) sont autant de propositions, de prises de conscience ou d’idées nouvelles pour préparer demain.

L’auteur – Né le 17 mai 1978 à Liège, François Olislaeger est diplômé de l’École Émile-Cohl de Lyon. Depuis 2003, il travaille pour la presse (Le Monde, Beaux-Arts Magazine, America, Le 1…). Après des années de reportage au Festival d’Avignon, il publie ses Carnets d’Avignon (Actes Sud/Arte éditions, 2013). Cette expérience lui permet de rencontrer Mathilde Monnier, avec qui il entame un travail scénique et biographique dans le livre Mathilde, danser après tout (Denoël Graphic, 2013). Il écrit ensuite Marcel Duchamp, un petit jeu entre moi et je , puis il participe au projet René Magritte vu par… (Actes Sud BD/Centre Pompidou, 2014).

En juin 2019, le ministère de la Culture a arrêté la liste de la promotion 2019-2020 des pensionnaires admis à l’Académie de France à Rome, parmi lesquels figure celui de François Olislaeger. Il est entré en résidence de création à la Villa Médicis pour une durée d’un an en septembre 2019.

240 p., 26 €

Déguisé – Albertine – Ed. La Joie de lire, collection « À vos crayons » (Album interacatif)

Depuis oct. 2019 copyright Albertine/La Joie de lire –
86 p., 29,90€

Cet album de coloriage est avant tout un beau livre. Il comporte une quarantaine d’illustrations originales d’Albertine, et au dos de chaque illustration, autant de silhouettes à colorier, peindre, décorer. Mais l’enfant en dessinant ne voit pas l’œuvre d’Albertine qui est toujours derrière la silhouette, ainsi il n’est pas influencé et peut laisser libre cours à son talent. 
Le papier épais permet à l’enfant d’utiliser de la peinture s’il le souhaite et chaque page est détachable et peut ensuite être affichée… Les chambres d’enfant (ou d’adulte !) vont devenir de vraies galeries d’art !
Personnages loufoques, monstres de toutes sortes, masques bizarres, costumes improbables… Tout l’univers d’Albertine est ici concentré : amour du vêtement et de la mode, humour, goût des couleurs… Albertine s’amuse et nous amuse par la même occasion avec force couleurs et détails rigolos !

Et maintenant, « l’envers du décor » imaginé par un jeune graphiste, Guillaume Philippe

VERSO
RECTO

La Joie de lire ou de créer sans cesse renouvelée…

VERSO
RECTO
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RECTO

Albertine est une illustratrice de grand talent. Elle a participé à de nombreuses expositions en tant qu’artiste en Suisse et à l’étranger. Elle a reçu de nombreux prix. Elle est ainsi la première artiste suisse à avoir obtenu la prestigieuse Pomme d’Or de Bratislava pour Marta et la bicyclette. Elle a reçu le Prix Jeunesse et Médias en 2009 pour La Rumeur de Venise. Elle est également lauréate du Prix Sorcières pourLes Oiseaux, paru en 2010. En 2012, le même titre a été sélectionné parmi les 10 meilleurs livres de l’année par la New York Times Book Review. Elle a également reçu en 2016 le 1er prix de la foire de Bologne pourMon tout petit.

http://www.albertine.ch/

Voir également Archives BdBD/Arts pluriels : Le Président du Monde (oct. 2016) et Roberto et Gélatine (juin 2019).


Socrate et son papa prennent leur temps – Einar Øverenget – Øyvind Torseter – Ed. La Joie de lire

En librairie depuis octobre 2019 – Dessins copyright Øyvind Torseter – Collection Philo et autres chemins

Nous l’avons souvent constaté, les enfants ont à la fois les pieds solidement ancrés dans le sol et le nez dans les étoiles. C’est comme s’ils étaient des intermédiares entre le ciel et la terre.

C’est le cas du petit Socrate qui, à l’instar de son illustre homonyme, pose des questions – dont la pertinence n’échappe pas à son papa – et n’hésite pas à s’engager dans une antithèse lorsque sa réponse lui semble un peu juste.

Paru en 2015

Dans le volume précédent, notre philosophe en herbe se demandait, par exemple, si les choses doivent forcément être visibles pour être réelles, ou bien, pourquoi les étoiles nous paraissent-elles aussi petites que des grains de sable alors qu’elles ne le sont pas ?

Dans ce nouvel opus, « Socrate le Jeune » s’interroge et interroge son père (qui, de maître peut à l’occasion devenir disciple) sur le temps : celui dont on dispose ou non, que l’on prend ou non, sur les voyages dans le temps, qui peuvent ne durer qu’un instant… Sur le secret aussi, que l’on partage ou non, sur l’envie que l’on a de faire savoir à son entourage qu’on en détient un, mais qu’on le gardera pour soi… Sur les voyages, au sens propre comme au fuguré… Sur la subjectivité et le sentiment que de tel ou tel objet nous inspire… Sur les rêves : que se passe-t-il lorsque nous rêvons ? Les rêves sont-ils une l’occasion de vivre des choses inédites ? Quelle réalité explorons-nous alors ?

Une initation tout en douceur à la philosophie, un délice à partager avec les tout-petits (à partir de 6 ans)… qui ont de bonnes chances de vous stupéfier et de vous amener à stimuler vos petites cellules grises.

Anne Calmat

56 p., 11 €

Actes Sud audio : Le Mur invisible de Marlen Haushofer, lu par Marie-Ève Dufresne

En librairie le 4 novembre 2019

Une femme, dont on ne connaîtra jamais le nom, part en week-end à la montagne chez un couple d’amis. Durant la nuit qui suit leur arrivée, une catastrophe, sans doute planétaire, se produit. Le lendemain matin, un mur transparent infranchissable a surgi, qui coupe l’invitée du reste du monde. Demeurée seule dans le chalet dont les occupants s’étaient absentés la veille au soir, la recluse va dès lors consigner sur un agenda les évéments de chaque journée, puis ensuite rassembler ses souvenirs pour en faire un récit non chronologique. Elle écrira jusqu’à l’épuisement du stock de papier dont elle dispose. La lira-t-on un jour ? Peu lui importe. « M’obliger à écrire me semble le seul moyen pour ne pas perdre la raison ».

Hugo, le propriétaire des lieux avait auparavant pris soin d’y engranger tout ce qui serait nécessaire à la survie en cas de nécessité absolue (le roman a été écrit en 1963, en pleine guerre froide). Ignorant la durée probable de son isolement, cette citadine élévée à la campagne va retrouver les gestes ancestraux et se faire cultivatrice, chasseuse, cueilleuse de baies, bucheronne ; tentant ainsi de pourvoir à sa survie et à celles et ceux qui se sont trouvés du bon côté du mur : le chien Lynx, « son sixième sens » ; la vache Bella, et plus tard son petit veau ; la vieille chatte et ses chattons.

Tous sont devenus ses enfants de substitution. Ses deux enfants, les vrais, sont restés en ville. Ils sont probablement morts. Comme le sont à coup sûr les deux vieillards qu’elle a aperçus de l’autre côté du mur, ainsi que tous les animaux qui gisent sur le sol, pétrifiés, comme ont dû l’être les habitants de Pompéi lors de l’éruption du Vésuve. Ses compagnons à quatre pattes ont autant besoin d’elle pour leur survie qu’elle a besoin d’eux. Pour combien de temps encore ? Elle ne se projette pas dans l’avenir, seul le présent compte. Cette nouvelle vie l’a révèlée à elle-même, elle s’est réinventée en échappant à l’étroitesse d’une existence qui auparavant lui pesait. ”Quand je me remémore la femme que j’ai été, la femme au léger double menton qui se donnait beaucoup de mal pour paraître plus jeune que son âge, j’éprouve pour elle peu de sympathie. Mais je ne voudrais pas la juger trop sévèrement. Il ne lui a jamais été donné de prendre sa vie en main.

Nous nous perdons avec elle dans les méandres de son récit – parfois on peine à situer dans le temps les épisodes auxquels elle fait allusion ; nous nous désolons quand l’un de ses animaux vient à mourir ; nous parcourons à sa suite les sentiers qui mènent à l’alpage, participons à la récolte des pommes de terre qu’elle a semées et aux fenaisons.

Combien d’années se sont-elles écoulées depuis que le mur a surgi entre cette partie de la vallée et le reste du monde ? Est-on toujours en été ou bien est-ce déjà l’automne ? Grâce aux provisions que Marco a laissées et surtout grâce à l’extraordinaire sens pratique de la narratrice, elle et ses animaux semblent être assurés de pouvoir vivre paisiblement.

Pour le moment…

8h30 d’écoute en 31 chapitres d’une durée variable pour ce vibrant éloge du courage et de la combativité d’une femme livrée à un monde où tout désormais est incertain. 21 €

Anne Calmat

L’auteure.

Après des études de philologie allemande à Vienne, Marlen Haushofer (1920-1970) se marie et élève deux enfants. Tiraillée entre ses devoirs de mère au foyer et ses ambitions littéraires, elle est obligée d’écrire tôt le matin ou pendant la nuit. C’est à partir de 1946 qu’elle publie ses premiers contes dans des journaux ; suivront ensuite des nouvelles et des romans. Son œuvre, dont la plupart des protagonistes sont des femmes, est marquée par l’intrusion de troublantes fantasmagories dans la banalité du quotidien. Avec Le Mur invisible, son talent est enfin reconnu dans son pays. Plus tard, ce sont les féministes qui ont révélé son travail au grand public. Désormais, Marlen Haushofer fait partie de ces écrivaines dont les héroïnes sont inoubliables.