La Chute – Jared Muralt – Ed. Futuropolis

© Jared Mulralt/Futuropolis, depuis mars 2020

Liam vient de perdre son épouse emportée par le virus de la grippe et va devoir affronter seul avec ses deux enfants, Sophia et Max, un monde en chute libre secoué par une crise économique, sociale, politique, sanitaire puis sécuritaire sans précédent.

Les records de chaleur et la pénurie d’eau posant de graves problèmes, il faut s’attendre à de mauvaises récoltes. La récession persistante et la crise économique mondiale qui l’accompagne ont pris une ampleur catastrophique. Plusieurs des pays sont en train de sombrer dans le chaos ; aussi pour garantir la sécurité intérieure, le gouvernement maintient-il sa décision de mobiliser une partie des forces armées. Pour finir, une bonne nouvelle : la grippe estivale semble désormais en phase de décroissance…

Dans cette BD conçue bien avant la crise qui sévit aujourd’hui dans le monde, Jared Muralt s’interroge aussi sur les raisons qui ont amenés les hommes à cette apocalypse…

« il y a quatre ans », confie le dessinateur au quotidien Le Monde  « je voulais faire une bande dessinée post-apocalyptique, un genre dont je suis un grand fan. Mes recherches, afin de savoir quelle serait la menace la plus importante et la plus probable pour notre société, m’ont amené à conclure qu’il s’agirait d’une pandémie. » Jared Muralt explique avoir collecté « des tonnes d’informations, jusqu’à ce que le scénario devienne, dans [satête, presque réel ». Voire « un peu trop réel à mon goût aujourd’hui », ajoute-t-il. © Le Monde

L’auteur

Jared Muralt est né en 1982 à Berne en Suisse. Il suit des cours dans une école d’art mais développe surtout des qualités de dessin anatomique de manière autodidacte au travers des livres. Il est aussi le co fondateur des studios Backyard, une agence de design graphique qui à reçu un prix de la ville de Berne. La chute est sa seconde BD. © Paquet

72 p., 15 €

Ce qui nous sépare – Hélène Aldeguer – Ed. Futuropolis

Sortie le 8 avril 2020 – © Futuropolis, H. Aldegueur
COMMUNIQUÉ

Janvier 2016. Bilal, jeune Tunisien, est arrivé à Paris grâce à une bourse au mérite pour poursuivre son master d’histoire contemporaine. Il s’est lié d’amitié avec Ahmed, un autre Tunisien, et avec Yann, un Antillais arrivé aussi en métropole pour des études supérieures.

Il rencontre Léa, une jeune parisienne, avec laquelle il se met en couple. Il découvre une nouvelle vie pleine de possibilités : une réussite universitaire, des projections professionnelles, une liberté personnelle et intime, une ville-musée… Mais son statut d’homme arabe le rattrape dans une société française en crise identitaire.
Ses fantasmes d’une « Europe de tous les possibles » se heurtent rapidement au racisme et aux préjugés. Lorsque le corps noyé de son cousin, resté en Tunisie, est identifié, il est rappelé à sa condition « d’immigré » qui brise la jeunesse « du sud ».
Face à de jeunes européens libres de parcourir le monde, il regarde de loin sa jeune sœur, restée en Tunisie, qui manifeste et survit entre désillusion et enfermement.
Sa rancœur atteint ses relations avec ses amis : accusant d’un côté Ahmed d’être un bourgeois incapable de comprendre les Tunisiens qui galèrent, il déverse sur Léa sa colère et sa solitude en la chargeant des travers racistes de la société française. Lorsque sa tristesse éclate, il lui livre ce qu’elle n’avait pu voir ni comprendre.

« Un récit très actuel et nécessaire sur notre société et sur le déracinement intérieur de ces jeunes venus en France et qui sont accueillis bien différemment selon leurs origines… » © Futuropolis

104 p., 18 €

L’auteure

Hélène Aldeguer étudie à l’École Estienne en section illustration, dont elle sort diplômée en 2015. Elle exerce comme illustratrice dans des médias en ligne spécialistes du Moyen-Orient.

Elle participe en 2016 au concours jeunes talents à Angoulême avec Souvenir de la révolution, entre fiction et reportage, qui est retenu dans la sélection. 

En 2017, elle remporte le concours du prix Raymond Leblanc de la jeune création avec son projet Saïf, qui deux ans plus tard est publié sous le titre Après le Printemps : une jeunesse tunisienne ; l’ouvrage reçoit le Prix étudiant de la BD politique.

Entretemps, en 2017, elle créé avec Alain Gresh, ancien rédacteur en chef du Monde diplomatique, une bande dessinée intitulée Un chant d’amour : Israël-Palestine, une histoire française. 

Terra Migra – Pef, Marc-Olivier Dupin et la Maîtrise de Radio France – Ed. Gallimard Jeunesse

Depuis mars 2020 – Copyright Radio France, Gallimard Jeunesse, Pef. M-O Dupin – COMMUNIQUÉ

Je suis Terra Migra, mes sourires sont faits de fleurs, des chants d’oiseaux. Mes sont de sel dans les rives lointaines »

Ainsi s’adresse notre planète à deux personnages que le hasard a fait se rencontrer. L’un, Cétainsy, est fataliste, l’autre, Folespoir, est ouvert au monde. Le monde de Terra Migra est celui des migrants, vivants ou en grand danger d’oubli. De quelle histoire présente ou disparue viennent-ils ?

Le texte, illustré par Pef, et la musique composée par Marc-Olivier Dupin – une superbe partition symphonique aux multiples influences – sont sublimés par trois chanteurs, un chœur d’enfants et huit violoncelles. Ils évoquent de manière extrêmement sensible et juste la peur de l’autre, le racisme, les guerres, les migration, la Terre-Mère.

Durée du CD 35′ – 35 p., 20 €

Voir également « Migrants »(BdBD 14 février 2020)

Centenaire de Boris Vian : L’Écume des jours d’hier et d’aujourd’hui – éditions Delcourt (2012), éditions Futuropolis (2020)…

10 mars 1920 – 21 juin 1959
Visuels © Delcourt, 2012, Morvan, Voulzy, Mousse

D’après le roman de Boris Vian, scénario  Jean-David Morvan, Frédérique Voulyzé, dessin Marion Mousse – Ed. Decourt, coll. Mirages.

https://centenaireborisvian.com/

Boris Vian qui, depuis les années 50, a inspiré plusieurs générations, garde au fil du temps ses admirateurs et s’en fait de nouveaux, ainsi qu’en témoignent les multiples rééditions de L’Écume des jours (1947) et ses adaptations pour le cinéma, le théâtre et la bande dessinée. Celle-ci fait revivre avec fidélité le texte pétillant et protéïforme de celui que d’aucuns considèrent comme l’une des personnalités artistiques et littéraires les plus remarquables de l’après-guerre.

Visuels copyright M. Mousse

(…) Colin reposa son peigne et, s’armant d’un coupe-ongles, tailla en biseau les coins de ses paupières mates, pour donner du mystère à son regard.

Le roman commence dans une atmosphère d’une incroyable légèreté. Colin, jeune homme fortuné (son coffre-fort contient la coquette somme de cent mille doublezons), vit dans son bel appartement équipé d’une machine à faire la cuisine et d’un « pianocktail ». À chaque note correspond un alcool, une liqueur ou un aromate. Et si l’on joue un peu trop « hot », en appuyant sur pédale forte, il tombe des morceaux d’omelette, et c’est dur à avaler… Son confort est assuré au quotidien par Nicolas, son cuisinier-maître d’hôtel au parler alambiqué, comme les plats qu’il élabore.

Colin court les patinoires, les conférences et les réceptions où s’agitent ses amis : Chick son double, jeune ingénieur sans le sou, Alise la nièce de Nicolas, et la honte de sa famille car elle a délaissé la philosophie pour l’art culinaire. Et déjà, on s’interroge : Alise-Sainte-Reine, Alésia, Isis Ponteauzane ?

Nous verrons que ce virtuose du travestissement verbal aime à multiplier les signaux et les pistes. Chez les parents d’Isis, Colin rencontre la jeune et ravissante Chloé. Subitement, le zazou décontracté aux vêtements trop larges se mue en amoureux transi. Chloé, c’est aussi le titre d’un enregistrement du prestigieux Duke Ellington, que Vian, lui-même trompettiste de talent, admirait tant et dont il est devenu l’ami.

Chick est quant à lui à la lisière entre deux mondes. Il a rencontré Alise à une conférence de Jean-Sol Partre – on reconnaît dans cette contrepétrie le nom du pape de l’existentialisme, Jean-Paul Sartre. Depuis, le jeune homme collectionne les éditions les plus saugrenues des œuvres du Maître, comme Le Vomi, imprimé sur un papier réservé généralement à un autre usage. On reconnaîtra là encore La Nausée, un titre de Sartre qui surnage dans les mémoires. Chick achète à prix d’or des « reliques » de Jean-Sol : pipes portant SES empreintes digitales, pantalons élimés, chaussures trouées. Il ne tarde pas à se retrouver sur la paille…

L’écrivain-musicien, qui semblait condamné à l’insuccès auprès du grand public, par le succès même de son double littéraire, Vernon Sullivan, s’était peu à peu intégré à l’entourage de Sartre, qui avait su discerner l’inspiration et le talent derrière la caricature. Le philosophe n’avait pas hésité à le soutenir pour le prix de la Pléiade, dont le jury avait finalement préféré un ouvrage moins original, Terres d’exil de Jean Grosjean.

Tout va bien jusqu’au mariage de Chloé et Colin mais, lorsqu’ils partent en voyage de noces, l’histoire s’ouvre sur un extérieur qui n’est plus aussi joli que leur petit aquarium parisien. La route, trop endommagée, est impraticable, il leur faut traverser des mines de cuivre et toutes leurs horreurs. Tout au long du voyage, la nature s’asphyxie lentement, Chloé est prise de douleurs à la poitrine de plus en plus violentes – Chloé est aussi une des épithètes de Déméter, la déesse de la végétation, de la nature.

Boris Vian n’y va pas de main morte. Peut-être vivait-il à l’époque charnière où tout a commencé à basculer. Il aura annoncé à sa manière la destruction de l’environnement plusieurs décennies avant la prise de conscience mondiale.

Retour précipité chez Colin. On appelle des médecins, tous plus farfelus les uns que les autres. Diaforus, le médicastre inventé par Molière, semble revenu d’entre les ombres du XVIIIe siècle. De même que Toinette, servante déguisée en médecin, diagnostiquant le poumon !

Un traitement par les fleurs a été suggéré, les amis de Chloé lui en apportent, Colin également, par brassées. Ses doublezons fondent comme neige au soleil…

La suite est à découvrir (ou à retrouver) dans l’album de Voulyzé, Morvan et Mousse. Tous trois ont parfaitement mis en valeur les trouvailles extravagantes et les nombreux effets comiques de ce conte cruel aux tonalités surréalistes, ce qui fait que le rire nous secoue au milieu du drame, dont les comparses ne sont, somme toute, que l’écume des jours.

Jeanne Marcuse

17, 95 €

Et maintenant, le texte original, illustré par Gaëtan et Paul Brizzi ©

Copyright G&P Brizzi
Copyright G&P Brizzi

En librairie le 4 mars 2020, 208 p., 29 €

Copyright Futuropolis