Animabilis

En librairie le 2 nov. Planches © T. Murat/Futuropolis, 2018

texte et dessin Thierry Murat – Ed. Futuropolis

ANIMABILIS : vivifiant, stimulant, exaltant, qui peut rendre vivant… Du mot latin anima (âme, vie, air….), suivi du suffixe bilis, qui lui donne une fonction d’adjectif.

                      Cicéron, 1er siècle av. J.C.

Il neige fort ce jour de décembre 1872. Un jeune homme cherche sa route en direction de Hauwton Brigde, un village perdu du nord Yorkshire. Il est Français, journaliste et vient enquêter sur des choses bizarres qui ressurgissent ici depuis quelques temps.

Sa première rencontre se fait avec une corneille qui lui abandonne un peu de son sang incarnat.

Une simple corneille ?

Dans l’auberge Old farmer’s Inn, où il est froidement accueilli, Victor de Nelville collecte les angoisses des villageois isolés, assorties de légendes aussi vivaces que leurs vieilles rivalités.

Les brebis sont décimées par une maladie mystérieuse attribuée au retour de Padfoot, le chien noir aux yeux rouges, annonciateur de la mort.

En quelle considération un esprit rationnel peut-il tenir ces « balivernes » issues d’un ésotérisme anglo-saxon ? Mais que sait-on de la tradition druidique et du haut enseignement celtique ?

La découverte, un matin brumeux, du corps pendu d’un chien noir, coïncidant avec la disparition du berger magnétiseur, fait se délier les langues, qui évoquent la lycanthropie, métamorphose de l’homme en animal. Est-on enfin débarrassé à tout jamais de Padfoot ?

Or, le corps du berger est retrouvé mort par strangulation, ainsi qu’une boîte au couvercle orné d’un pentacle contenant le cœur d’une brebis, qu’il lègue à Victor.

Dès lors, celui-ci fait des rêves dans lesquels il rencontre une femme mystérieuse, Mëy, en même temps qu’une inspiration poétique lui dicte des vers. Au matin, il découvre à son chevet la corneille, qui couvre son carnet de perles de sang.

Entre rêve et imaginaire, entre veille et sommeil, Victor va basculer du côté de la nuit et du monde poétique, associé à Satan par l’église et moqué par le commun des mortels. Monde troublant, exigeant, qui conduit aux limites de la folie, mais qui, seul, peut révéler aux hommes une autre vérité que celle, commune, colportée par livres et journaux.

Et puis, cet univers l’autorise à retrouver Mëy, et avec elle, le féminin sacré qui s’est tissé au fil des siècles.

Commencé dans la neige, ce récit se terminera tragiquement dans la neige, non sans qu’un cycle de saisons se soit écoulé.

Le prologue et l’épilogue offrent des scènes d’enfance au Moyen Âge, période connue pour avoir été traversée par le destin de ces femmes si inquiétantes et savantes que l’on nommait sorcières.

Ce récit étrange prend forme au cours d’une succession de planches au graphisme magnifique. Paysages et personnages apparaissent en noir, blanc et brun clair. Quelques bleus évoquent la nuit, le rouge orangé, les scènes d’incendie et le rouge sombre, la violence. Le trait est noir, précis, net, impressionnant d’évocation et de justesse dans les détails. Le texte apparait au bas des planches, les échanges, rares, s’inscrivent directement sur l’image. L’effet de silence est saisissant, d’autant que la première partie se déroule sous une neige épaisse qui tombe sans fin.

Un exercice d’admiration rendue à la femme, à la poésie, poétique lui-même, qui a sur nous un profond retentissement. Nicole Cortesi-Grou

160 p., 22 €

v. Archives juin 2016

Thierry Murat est auteur de bandes dessinées et illustrateur de livres pour enfants. Dans les mêmes éditions Futuropolis, il a publié « EtunwAn Celui Qui Regarde », « Au vent mauvais », « Les larmes de l’assassin ». Il s’est vu décerner de nombreux prix et récompenses.