
Maria est une jeune et jolie norvégienne qui vient d’intégrer une fac à Bergen pour y étudier les beaux-arts. Avec une amie de lycée retrouvée à la rentrée, elle partage un appartement et un petit boulot dans une boutique de linge de maison. Tout pour commencer une belle année universitaire !

Sauf que Maria est dépressive, de ces déprimes qui saisissent les adolescents sans que les causes en soient clairement identifiées, et qui laissent l’entourage perplexe et démuni.
Les premières planches nous la présentent chez sa psy. En réponse à son désespoir, elle lui suggère de mener une vie saine et de faire un peu de sport : « Un esprit sain dans un corps sain ».

Évidemment, le message passe mal pour Maria, qui tente de distraire son angoisse en acceptant des sorties en boîtes. L’étendue de sa détresse et pas mal d’alcool la poussent dans les bras de Petter, un garçon au cœur tendre qui croit avoir trouvé en elle la « femme de sa vie ».

Maria peine à se rendre à ses cours, à se présenter dans la boutique où elle travaille. L’énergie lui fait défaut pour rejoindre un petit groupe d’études. La vaisselle sale s’entasse dans son évier, le quotidien devient problématique.

Au fil du texte nous sommes entraînés dans la chute de Maria, qui se tend des pièges à elle-même, se retrouve dans des situations dégradantes, attente à sa santé, abîme sa réputation.
Dans cette descente aux enfers, son amie se trouve à ses côtés, constante et attentive, qui l’accompagne comme elle le peut, la conseille, la soutient.

Maria est touchante dans son abandon, sa difficulté à saisir ce qui lui arrive, ses tentatives de faire ce qu’il faut, en tombant à côté. L’amie, malgré ses maladresses, reste un repère fiable et de bonne volonté.
Ce pourrait être une triste histoire, si la dépression ne finissait par illustrer aussi une belle histoire d’amitié. De celles entières et généreuses qui, à cet âge, semblent indéfectibles.

À travers le récit de la dépression de Maria, c’est tout un pan de la vie adolescente qui se dévoile, avec ses excès, ses sentiments exacerbés, ses doutes aussi. Le mal-être de l’héroïne, que le lecteur finit par ressentir, nous parle de ces crises de jeunesse où la quête de soi expose à des épreuves pleines de risques.
L’ensemble des planches est sombre, en noir et blanc, parfois avec de larges lavis noirs. Il y a peu de texte, les échanges sont brefs, factuels émaillés d’expressions « jeunes ».
De cette grisaille, ressort le petit visage aux joues pleines, presque enfantin, de Maria, et celui long, pâle et sage de son amie Johanna. Les dessins, très expressifs et variant les plans, rendent bien le réalisme des situations.
Le texte se clôt sur deux photographies de jeunes filles dont on se dit qu’elles doivent avoir à faire avec celles du livre.
Nicole Cortesi-Grou


Anja Dahle Øverbye, née en 1981, vit à̀ Kongsberg. Après des études artistiques à l’Académie de Bergen (Norvège), elle a obtenu un diplôme en communication visuelle à l’UCA (University for the Creative Arts) en Angleterre. Elle a publié en Norvège un premier roman graphique : Sous le signe du grand chien en 2015, puis en Angleterre en 2017, et enfin en France en 2019. Bergen a été publié en 2018 en Norvège.