de Mathilde Ramadier (scénario) et Alberto Madrigal (dessin et couleur) – Ed. Futuropolis, 96 p., 18 € (11 février) –
Être un jeune Français qui a fini ses études et rêve d’un ailleurs, voici une expérience dans laquelle beaucoup se retrouveront…
C’est en l’occurrence le cas de Margot, qui a étudié la philo, veut quitter Paris où elle étouffe et souhaite poursuivre dans la capitale allemande une réflexion sur la question de » la liberté face au temps » : vaste et ambitieux programme, sans doute destiné à tomber dans les oubliettes.
Elle arrive à Berlin en 2012. Du temps, elle n’en manquera pas dans sa découverte de cette ville écolo et festive, devenue mythique pour la jeunesse européenne. Tout lui semble possible et agréable : le grand appartement, les piques-niques dans les parcs, la facilité des rencontres…
Mais bien sûr (elle l’annonce dès les premières planches), le principe de plaisir va infailliblement rencontrer celui de la réalité. Les difficultés résident dans la recherche d’un emploi. Il y a bien une foule de « jobs », mais, revers du « miracle économique » tel qu’il est perçu d’ici, ce sont des petits boulots, très prenants et très mal payés. Les start-up fleurissent, cependant les jeunes font les frais de ce système où l’humain est finalement de peu poids, et les employeurs de Margot brillent par leur cynisme et leur cupidité – on attend beaucoup d’elle sans qu’elle reçoive grand chose en retour.
Les remarques, avec exemples à l’appui, qui émaillent ce récit personnel sur le manque de curiosité des jeunes Français à l’étranger sont pertinentes ; mais Margot n’emprunte pas ce chemin-là, elle découvre Berlin et ses quartiers, le monde de l’art et ses galeries. Les us et coutumes locales sont finement observés : la « Wegbier », la bouteille de bière que l’on consomme en pleine rue, les fêtes en chaussettes… Et aussi, les quarante heures par semaine, payées six-cents euros, la couverture médicale, très nettement défaillante.
La jeune femme pose un oeil particulièrement aiguisé sur le statut de la femme berlinoise.
À Berlin, on peut s’habiller comme on veut, les hommes ne sont pas machos, mais la contraception n’est guère encouragée, et les conditions de vie des jeunes mères de famille laissent grandement à désirer. Paradoxalement, une association féministe peut parrainer un festival de films pornos indépendant, sans que quiconque y trouve à redire.
En dépit de ses déboires professionnels, Margot décide de rester dans cette ville, à laquelle elle a pris goût et où elle a rencontré de nombreux amis… et même un amoureux.
Berlin 2.0 est, dans son propos, assez didactique et linéaire. On n’échappe pas à un certain nombrilisme dans ce parcours somme toute assez banal. Un bémol encore : la préface du jeune écrivain Clément Bénech est inutilement longue et complaisante, elle ne s’imposait pas.
Les dessins sont toniques et leurs couleurs, agréables. Une carte et des explications viennent compléter le récit.
Danielle Trotzky
To-day