En librairie le 22 mars 2022 – Copyright E. Boré, Vincent / La Joie de lire – 56 p., 15 € – Tout lectorat à partir de 5 ans.
Où il est de nouveau démontré que les enfants accueillent mieux la vérité que ne le pensent les adultes.
Archives, avril 2022
Dans leur album précédent, les auteurs donnaient la parole à Jean-Blaise, un chat qui se prenait pour un oiseau (voir lien ci-après), dans celui-ci, Diouke le super-chat de la famille est omniprésent dans les conversations mais il vient de mourir, et son jeune maître ne le sait pas encore…
Pour l’annoncer à son fils bien-aimé, sa maman – qui évoque une « nana » tout droit sortie d’une bande dessinée de Claire Bretécher- décide d’avoir recours au traditionnel « Il est parti au ciel ». Ce qui ne veut pas dire grand chose pour lui. « Il s’est envolé ? »
Et de décrire avec force détails le pseudo envol, afin de rendre crédible sa version des faits. « Il a vu une échelle descendre des nuages… Il s’est élancé sur le premier barreau, là il a levé sa patte et sorti ses griffes en signe de victoire (…) avant de disparaître derrière un cumulonimbus blanc comme de la crème Chantilly ».
?!?!? Mine éberluée du fiston… qui on s’en doute trouvera un heureux dénouement au drame qui vient de le frapper en plein cœur.
Et vice-versa…
Le garçonnet est le narrateur, ce qui donne encore plus de force et d’amplitude au récit qu’il fait de cette journée si particulière. Tout est éloquent dans cet album empreint d’amour filial et de poésie saupoudrée de loufoquerie, à commencer par la couverture, qui résume parfaitement le lien qui unissait Dioude à son jeune maître. À mettre entre toutes les mains.
Née en 1984 en France, Émilie Boré est diplômée de l’École du Louvre et titulaire d’un Master en lettres et histoire de l’art. Active dans la rédaction et la communication culturelle, elle a notamment publié deux livres pour enfants (Contes saugrenus pour endormir les parents, Stentor, Montreux, 2014 et Serge le loup blanc, Clochette, Paris, 2015).
Né en 1979 à Genève, Vincent Di Silvestro, dit Vincent, est diplômé de l’école Emile Cohl de Lyon. En 2010, il devient dessinateur de presse pour le journal satirique romand, Vigousse. Il travaille également pour le quotidien genevois Le Courrier depuis 2014. Il est aussi auteur de bandes dessinées dont Rodger, l’enfance de l’art (co-écrite avec Gérald Herrmann, éditions Hermine, 2018).
Lorsqu’en 2014 Galien accepte l’offre qui lui est faite d’animer un atelier de dessin dans la maison d’arrêt de Caen, il ne sait pas encore s’il parviendra à y trouver sa place. « Qu’est-ce que vous venez faire ici ? » lui a demandé quasiment d’entrée de jeu un détenu. Bonne question.
Le premier groupe vient d’arriver ; il sera par la suite remplacé par d’autres participants, au gré des libérations ou d’autres propositions d’ateliers. Ils sont avant tout venus pour « s’aérer », fuir la monotonie du quotidien, les images qui les hantent ou dont ils ont la nostalgie, oublier l’exiguïté de leurs cellules et se soustraire pendant un moment au boucan permanent qui n’autorise aucune évasion mentale. Quant à « se faire la malle » pour de bon, cela reste un fantasme pour beaucoup. « Une cavale, ça coûte cher » dit l’un d’entre-eux
En dehors de quelques bruits de couloirs et autres vantardises de la part de deux ou trois durs à cuire, à qui on ne la fait pas, Galien ne sait rien sur ses futurs « élèves ». De toute façon, il n’est pas là pour les juger, mais pour les amener à explorer « L’Homme du futur ». Sous son crayon à mine graphite, le sien évoque celui qu’a décrit Vitruve, puis dessiné Léonard de Vinci. Pour l’heure il lui faut apprendre à anticiper les demandes et les réactions de ses élèves, en comprendre les enjeux. Galien sait qu’il va être testé en permanence, qu’il doit savoir dire non ou au contraire lâcher du lest à bon escient. Apprendre aussi à fermer les yeux sur les petites combines inhérentes à la vie carcérale… Si le dessin parvient à les réunir, il deviendra un langage universel.
L’auteur nous entraîne sans difficulté dans ce qui a rapidement pris les allures d’une enquête sur la privation de liberté et ses incidences – ressentis et témoignages. Au fil du temps, un point d’équilibre s’établit entre celui qui, selon ses propres paroles « reste un intrus », et ceux qui subissent de plein fouet un quotidien souvent désespérant. Détenus comme encadrants. Nous faisons ainsi la connaissance de prisonniers aux itinéraires tortueux, dont on ne doute pas un instant que le dessinateur les a côtoyés, tant leurs portraits physiques, qu’il prend manifestement plaisir à caricaturer, et leurs parcours de vie, sonnent juste.
Galien est un dessinateur et illustrateur basé à Caen. Pour lui le dessin de presse, c’est avant tout « gueuler ». « Je le fais pour évacuer un peu de colère », précise-t-il. Galien collabore régulièrement avec le trimestriel Fakir, ce journal « fâché avec tout le monde » qui a fait de l’enquête sociale sa ligne directrice.
État des lieux en France – Chiffres de septembre 2022 (Ministère de la Justice).
• 187 établissements pénitentiaires, dont 47 ont
une densité carcérale supérieure à 100 %.
• Un peu plus de 60 000 places opérationnelles.
• Plus de 71 000 écroués détenus (19 000 prévenus
et 52 000 condamnés).
• 1 830 matelas au sol.
• 647 mineurs détenus. Chiffres de septembre 2022 (Ministère de la Justice).
• Taux d’incarcération en France en 2020 : 105,3
personnes détenues pour 100 000 habitants.
Notons que le plan de construction de places de prison ne devrait pas changer la donne. Plus de 7 000 places nouvelles annoncées pour 2022 (finalement livrées en 2023, voire 2024), plus de la moitié compensera la fermeture programmée d’établissements vétustes. Les trente dernières années ont confirmé l’adage selon lequel plus on construit, plus on remplit
En partenariat avec Amnesty international et France Médias Monde – À partir du 2 mars 2023. 144 pages, 22 euros.
« Payons-nous, trente ans plus tard, les erreurs, faux pas ou mauvais calculs qui, au moment de la chute du mur, semblaient alors négligeables ? C’est possible, l’histoire est pleine de petits événements qui se traduisent bien plus tard par de grandes tragédies. Premier malentendu, qui figure en bonne place dans la tête de Poutine : qui a ‘gagné’ la guerre froide ? Gorbatchev, sur ses vieux jours, avant son décès à l’âge de 91 ans en 2022, s’est ainsi plaint publiquement que les Occidentaux s’étaient comportés vis-à-vis de la Russie en ‘vainqueurs’ alors que la guerre froide aurait pris fin parce que des dirigeants soviétiques comme lui avaient décidé d’inverser le cours de l’histoire. » Pierre Haski, chroniqueur sur France inter
Copyright Ed. Gallimard
Le 24 février 2022, la Russie envahissait l’Ukraine. Cette guerre sur le sol européen a fait des milliers de victimes et nous ramène aux heures les plus sombres de l’Histoire. Si ce conflit rappelle à bien des égards les guerres du siècle passé, il fait aussi surgir d’autres problématiques et de nouvelles menaces : nucléaires, économiques, énergétiques, guerre de l’information… Titré Fichez-nous la paix!, l’album contient une sélection de 120 dessins de presse internationauxqui reviennent sur la guerre en Ukraine, ses enjeux et ses conséquences.
Copyright Ed. Gallimard
Provenant du monde entier, ils permettent de saisir les enjeux de cette guerre aux lourdes conséquences, qu’elles soient humaines, politiques ou économiques.
Renouvelant son intérêt pour la création littéraire et les différentes formes d’écritures, la Bibliothèque publique d’information expose pour la première fois des manuscrits de Serge Gainsbourg provenant de son domicile, rue de Verneuil à Paris, ainsi que de nombreux ouvrages de sa bibliothèque. Parolier, compositeur, interprète, réalisateur, photographe et romancier, Serge Gainsbourg fut profondément influencé par la littérature et la poésie, sources d’inspiration de nombreuses chansons. Il était aussi collectionneur de petits papiers, autographes et paperolles, qui témoignent de son rapport quotidien, méticuleux et compulsif à l’écrit.
Rue de Verneuil
Maître dans l’usage de la langue française, Serge Gainsbourg laisse derrière lui un impressionnant corpus de plus de 500 titres, écrits pour lui-même et pour ses interprètes, qui explique son influence dans la chanson française contemporaine.
Cette exposition entend plonger les visiteurs dans le paysage littéraire de Serge Gainsbourg en les accueillant par une vaste sélection des ouvrages tirés de son hétéroclite bibliothèque.
Autoportrait
Elle viendra aussi mettre en lumière la création de son « double » médiatique – Gainsbarre – personnage sorti tout droit de ses chansons, dans la lignée des doubles littéraires du XIXe siècle, du Portrait de Dorian Gray d’Oscar Wilde au Horla de Guy de Maupassant. Enfin, elle donnera à voir la formidable productivité de l’auteur et sa capacité à faire mouche, en proposant un riche ensemble de manuscrits et tapuscrits annotés. Ces précieux documents, associés au film inédit d’Yves Lefebvre, permettront au public de comprendre le processus d’écriture et de composition de l’artiste.
Toutes ces facettes, qui font de Serge Gainsbourg une figure littéraire et musicale unique aujourd’hui encore, seront à découvrir du 25 janvier au 8 mai 2023 à la Bibliothèque publique d’information du Centre Pompidou. Toutes ces facettes, qui font de Serge Gainsbourg une figure littéraire et musicale unique aujourd’hui encore, sont à découvrir du 25 janvier au 8 mai 2023 à la Bibliothèque publique d’information du Centre Pompidou.
ENTRÉE LIBRE – Entrée Bibliothèque par la place Georges- Pompidou – Métro Rambuteau
Depuis le 24 novembre 2022 – Copyright S. Coma / La Martinière. 984 p., 49, 90 €
Il y a du Dorian Gray chez Etienne Daho. Les années qui passent semblent n’avoir aucune prise sur lui. Le dandy élégant au déhanché à la fois sage et sexy de Mythomane (1981) et de La Notte, la notte (1984) poursuit son chemin depuis une quarantaine d’années, l’œil rivé sur sa propre ligne d’horizon intérieure.
Il a su, au fil de temps, prouver son épaisseur artistique et intellectuelle. Est-il pour autant un chanteur engagé ? La réponse se trouve bien souvent dans ses choix artistiques. Daho avance masqué, il dit mais n’assène pas.
ETienne Daho par Pierre et Gilles, 1989 copyright
En 2001, il interprète, par exemple, Sur mon cou et Le condamné à mort de Jean Genet ; en 2017, son nouvel opus appelle à la fois à la résistance et à cette forme de légèreté indispensable à la survie. Son onzième album, Blitz (2017), parle tout autant de djihad et que femmes qui tuent au nom de Dieu. Et dans L’hôtel des Infidèles (2017), il rend hommage à ceux qui accueillaient des Insurgés dans le Paris des années 40.
À l’occasion de ses quarante ans de carrière, Étienne Daho ouvre pour la première fois ses archives pour un livre riche de documents intimes et inédits..
A secret book retrace le parcours hors norme et la prodigieuse carrière d’un gamin né à Oran. Confiant en ses intuitions et en sa bonne étoile, il est devenu un auteur, compositeur, interprète, producteur exigeant, et un artiste iconique aimé et respecté. Sans compromis, Daho a depuis quatre décennies publié une quinzaine d’albums marquants et une flopée de tubes inoxydables. Il a survécu à la Dahomania et a imposé sa singularité artistique au point de devenir le parrain de la pop française. Casseur de codes, précurseur et passeur, il a réussi l’exploit de faire sauter les lignes de démarcation entre l’underground et la pop. Plus de quarante ans après la sortie de son premier album Mythomane, ce récit tout en anecdotes et confidences revient sur le tourbillon d’une vie artistique prolifique consacrée à sa passion pour la musique. À l’occasion de cette rétrospective inédite préfacée par Elli Medeiros, le secret Daho a pour la première fois accepté de partager ses archives et de confier courriers personnels, photographies intimes, télégrammes, affiches, coupures de journaux, manuscrits… et même ses carnets de notes de collégien. En bonus, ce livre nous offre une Paper Doll avec ses tenues les plus emblématiques. EditoLa Martinière
Extrait » Nous nous sommes connus à Rennes, dans les années 1970. Je le vois encore débouler dans la cour du bahut au moment de la récré. Il devait avoir seize ans. De loin, sa silhouette semble un peu flottante. Encombrée, disons. On a l’impression que sa tête est piquée au-dessus d’une veste dix fois trop large, avec tout un tas de fringues empilées dessous. Juste deux guiboles en jean qui dépassent et au bout, des boots en daim. Autour du cou, une écharpe violet et rose tricotée par sa mère souligne une pomme d’Adam qui fait le yoyo dès qu’il a un fou rire. Sur la pommette droite, un grain de beauté. Il n’est pas du tout dans le look, la sape, l’image. Il s’habille n’importe comment. (…) Toutes les filles adorent : il a une gueule, il est à part. Sous sa carapace de vêtements, il y a ce type cordial, doux, joyeux, et très marrant. Un champion de l’autodérision, avec son petit sourire en coin. Et puis derrière, et derrière encore, un petit quelque chose d’insaisissable, une ombre qui vous aimante autant qu’elle vous échappe. Une part manquante, intrigante. Rien ne filtre de sa vie antérieure, comme s’il n’en avait gardé aucun souvenir. C’est un personnage à éclipses au passé évanoui. Il vit le présent, et puis voilà. Personne ne pige d’où il vient, ni où il va, mais on sent qu’il est relié à une histoire forte qui s’inscrit dans le temps long. Un truc qui vient de très loin et qui vous file entre les doigts comme de l’eau vive dès qu’on tente de l’emprisonner avec des questions. » (p. 7)
Avec Françoise Hardy – ExpoDahO l’aime POp – Grande Halle de Villette (décembre 2017 – avril 2018). Copyright A. Giacomini, 1985
Gilles Vigneault, Félix Leclerc, Robert Charlebois
Communiqué : Robert Charlebois est de retour à Paris avec un concert rock de grande envergure qui se déploiera en musique comme en images : Robert en CharleboisScope. En forme comme jamais, celui qui célèbre ses 75 ans cette année s’est allié à une équipe de créateurs visuels de haut vol pour la réalisation de ce spectacle-événement. Robert en CharleboisScope verra ainsi l’immense auteur, compositeur et chanteur revisiter ses plus grandes chansons en compagnie de ses huit musiciens. Une performance qui sera soutenue par diverses projections vidéo spectaculaires, sur un écran géant de la taille de deux maisons.
Robert en CharleboisScope, une grandiose célébration d’un gars pas du tout « ordinaire » que l’on applaudit sans relâche depuis maintenant 50 ans dans toute la francophonie.
Depuis le 9 septembre – Copyright M. Panchaud (scènario et dessin) / Ed. çà et là. 225 p., 24 €
Les premières planches – Daisy Hope vient de terminer le gâteau qu’elle a confectionné pour l’anniversaire du petit Rupert Thomson. C’est son fils, Simon 14 ans, qui est chargé d’effectuer la livraison, en échange des 25 € demandés par sa mère. « Et interdiction de toucher au gâteau ! »
Simon ne détesterait pas l’idée d’y gouter, et surtout de garder l’argent pour se payer quelques friandises, mais cette somme est destinée à mettre du beurre dans les épinards, puisque, non content de tabasser sa mère, son vaurien de father claque une grande partie de sa paie sur les champs de courses. Simon ne détesterait pas non plus l’idée de se rendre sans encombres chez madame Thomson, puisqu’il fait régulièrement l’objet de moqueries et de harcèlements de la part des jeunes de son quartier, en raison de son « embonpoint » précoce. De là à entrer dans leurs magouilles, rien que avoir la paix, il n’y a qu’un pas…
p. 8
Un jour qu’il fait des courses pour madame McMurphy, « voyante » de son état, cette dernière lui révèle – moyennant abandon du prix de sa livraison – le nom de la prochaine gagnante de la prestigieuse Royal Ascot Race : Black Caviar. Tout un programme !
p. 24
Simon vient peut-être de perdre les 20 € de sa course, mais il ne va tarder à empocher plus de 16 millions de livres, après avoir misé sur la divine jument (grâce aussi aux économies de son père, qu’il lui a subtilisées au passage). Sauf que Simon est mineur et qu’il ne peut encaisser son gain.
Quand il revient chez lui, il trouve sa mère dans le coma et la police lui annonce que son père a disparu. Il doit absolument le retrouver. C’est le début d’une singulière et fascinante aventure…
p. 25
Singulière on l’aura compris au vu des planches qui illustrent cette chronique.
p. 14
On est tout d’abord déconcerté par le graphisme de l’album, réalisé avec des logiciels d’infographie : les personnages sont des points de couleur et les décors sont tous dessinés en plongée. Au tout début, on s’y perd un peu, surtout quand il s’agit de repérer Qui est qui (*). Mais les dialogues sont là pour nous éclairer, d’autant que l’agencement de chaque case a été conçu de manière à ce que lecteur sache toujours où il en est.
(*) Un exemple ? Daisy Hope : point turquoise cerclé de bleu marine ; Simon Hope : point orange cerclé de marron clair ; Dan Hope : point vert bouteille cerclé de noir…
Et ainsi de suite jusqu’au dernier personnage, et ils sont nombreux. Très rapidement les visages des un(e)s et des autres se dessinent, on entre de plain-pied dans ce scénario un peu foldingue, un peu polar, plutôt noir, et en totale résonance avec l’actualité.
Car Martin Pinchaud ne se contente pas d’être un « pointilliste« * de talent, il met aussi l’accent sur les grands thèmes qui continuent de polluer nos sociétés, à commencer par les violences conjugales et celles qui sont faites aux enfants par d’autres enfants.
N.D.L.R. Avec l’admiration sans bornes que nous vouons aux véritables Pointillistes.
Anne Calmat
Martin Panchaud est né en 1982 à Genève, en Suisse, et vit depuis quelques années à Zurich. Auteur et illustrateur, il a réalisé plusieurs bandes dessinées, des récits graphiques grand format et de nombreuses infographies, dans un style visuel unique. Sa très forte dyslexie a été un frein à sa scolarité et l’a empêché de suivre des études supérieures. Il a néanmoins suivi une formation de bande dessinée à l’EPAC, à Saxon, puis a obtenu un Certificat Fédéral de Capacité de graphiste à Genève. Sa dyslexie lui a fait placer la lecture, ainsi que l’interprétation des formes et de leurs significations, au centre de ses recherches, et l’a incité à choisir un style très particulier pour exprimer sa créativité et raconter des histoires. Grâce à son travail, il a reçu plusieurs récompenses et a effectué de nombreuses résidences artistiques afin de développer ses projets de création. Exposé dans divers établissements culturels en Europe, comme le Barbican Centre de Londres et le Centre culturel Onassis Stegi d’Athènes, il s’est notamment distingué par son impressionnante œuvre intitulée SWANH.NET, une adaptation dessinée de 123 mètres de long de l’épisode IV de Star Wars, mise en ligne en 2016 (v. ci-après). La Couleur des choses, son premier roman graphique, a été initialement publié en allemand par Edition Moderne en 2020 et a remporté de nombreux prix en Suisse et en Allemagne.
À partir du 2 novembre – Copyright P. Squarzoni / Delcourt, 264 p., 21€90
10 ans après la parution de Saison Brune, Philippe Squarzoni prolonge son documentaire de référence sur le réchauffement climatique. Accélérée par la crise sanitaire et les confinements successifs, la numérisation du monde est en marche. Et tandis que les écosystèmes s’effondrent, l’auteur s’interroge sur la place des nouvelles technologies dans le monde que nous transmettons aux nouvelles générations . Il examine nos nouveaux usages numériques pour mieux déterminer leur impact sur notre environnement.
À l’heure de la publication de ce second volet et au regard de la situation catastrophique actuelle, il nous a paru pertinent de rappeler la teneur du T.1 de Saison brune, paru en 2012 puis réédité en 2018 (Voir Archives 9/10/2015 & 17/08/2018).
Avec Philippe Squarzoni, le pavé n’a jamais été loin de la mare, au sens propre comme au figuré. Témoin, ce pavé (précisément) de 477 pages qui nous rappelle que » le compte à rebours est lancé et notre crédit de temps, limité. Il est déjà trop tard pour faire marche arrière » , écrivait-il alors. Le titre de l’album fait du reste référence à cette cinquième saison qualifiée de « brune » dans le Montana, période d’indécision entre l’hiver et le printemps.
Pour cela, l’auteur, grand zélateur de la bande dessinée d’intervention politique devant l’Eternel, fait appel à de nombreux spécialistes, des climatologues, un physicien nucléaire, une spécialiste en gestion de l’environnement, des économistes, un journaliste. Dans le premier volet de Saison brune, les deux premiers chapitres sont consacrés aux aspects scientifiques du réchauffement de la terre : fonctionnement du climat, augmentation des gaz à effet de serre, risques encourus, expertise menée par le GIC et par les participants au mouvement altermondialiste ATTAC, etc.
Puis Philippe Squarzoni se livre à un recensement de leurs conséquences – nul besoin de les énumérer, elles continuent de s’étaler chaque jour sous nos yeux – et de leurs remèdes possibles. Que faire, quand tout ce qui est en cause est fondamentalement lié au fonctionnement même de nos sociétés ? Par quoi, par où commencer ? Quelle peut être notre action niveau individuel ?
Squarzoni analyse les différents scénarios énergétiques qui s’offrent à nous, puis il élargit son questionnement à d’autres dysfonctionnements notoires. Il met en garde et examine les modèles de sociétés qui permettront de limiter les dégâts.
À l’instar de ses précédents albums*, il trouve la bonnes distance entre didactisme à tout crin et vie au quotidien. émaillant son récit de références cinématographiques (Kurosawa, John Ford…), de croquis sur le vif, de graphiques, de saynètes. Le tout rythme, diversifie et fluidifie un scénario particulièrement foisonnant, à défaut d’être réconfortant.
Anne Calmat
Philippe Squarzoni a passé son enfance en Ardèche puis sur l’île de la Réunion. Il réside à Lyon. Après des études de Lettres, il s’engage dans plusieurs actions politiques et humanitaires (Croatie, Mexique, Palestine…). Ses premiers albums politiques, Garduno, en temps de paix et Zapata, en temps de guerre ont été publiés en 2002 et 2003 (Les Requins Marteaux). Il s’empare également de sujets difficiles comme l’infanticide (Crash-Text ), la mémoire de la Shoah (Drancy – Berlin – Oswiecim ) ou le handicap mental (Les Mots de Louise ). En 2007, il publie Dol dans lequel il dresse un bilan des politiques menées durant le deuxième mandat de Chirac. Loin de ces préoccupations politiques, Squarzoni a publié son premier récit en couleurs chez Delcourt en 2008, Un après-midi un peu couvert, un livre plus sensible, contemplatif et intemporel, une variation sur le thème de Peter Pan. Saison brune (Delcourt, 2012), une édifiante enquête au long cours sur le changement climatique, le fait connaître du grand public (Prix Léon de Rosen de l’Académie française, Prix du jury du festival de Lyon BD). En 2016 il se lance dans d’adaptation du roman documentaire de David Simon,Homicide, une année dans les rues de Baltimore (voir Archives), qui relate l’immersion du journaliste au sein de la brigade criminelle de Baltimore en 1988 (série en 5 tomes parus aux Éditions Delcourt).
En librairie le 2 novembre – Copyright A. Lomaev / Ed Sarbacane. 608 p., 49,90 € Un chef-d’œuvre de la littérature dans une édition enrichie de 100 illustrations exceptionnelles.* (*Édition précédente octobre 2017)
Communiqué
Voici une occasion unique et somptueuse de faire le tour du globe à la poursuite de la célèbre baleine blanche ! Qui ne connaît l’affrontement obsessionnel, digne des grandes tragédies antiques, entre le capitaine Achab et la terrible Moby Dick ? Pourtant, jamais cette aventure mythique n’avait été présentée dans une édition aussi formidable, multi-illustrée par de véritables tableaux enrichis de quarante illustrations au trait. La traduction, parue dans la Bibliothèque de la Pléiade, est de Philippe Jaworski. Une édition de luxe qui fera date, pour les nombreux amoureux de ce chef- d’œuvre du patrimoine littéraire mondial. (Communiqué)
Né à Manhattan en 1819, Herman Melville prend la mer à 20 ans. Ses aventures autour du globe fourniront la matière, entre autres, du célèbrissime Moby Dick. Revenu à terre, il mène une vie stable et familiale à partir de 1847, dans le Massachusetts, puis à New York. Sa nouvelle intituléeBartleby date de 1853. Mort dans l’oubli à 72 ans, après des années douloureuses sur le plan personnel, Melville sera redécouvert dans les années 1920. Son œuvre complexe et ambitieuse est aujourd’hui étudiée et traduite dans le monde entier.
Anton Lomaev est né le 13 mars 1971 à Vitebsk, en Biélorussie. En 1992, il entre à l’Académie des Beaux-Arts de St Pétersbourg, ville où il vit toujours, avec sa femme et ses trois enfants. Il est membre de la prestigieuse union des peintres russes depuis l’an 2000. Il a illustré de nombreux contes traditionnels, mais aussi la fameuse série Rougemuraille (Redwall) de Brian Jacques. Sa maîtrise du dessin et de la couleur est absolument exceptionnelle, dignes des grands peintres classiques.
La Fabrique de l’œuvre du 11 octobre au 22 janvier 2023 – BnF Galerie 2
Copyright BnF
Communiqué – À l’occasion du 100e anniversaire de la mort de Marcel Proust (1871-1922), la BnF présente une exposition qui réunit pour la première fois des pièces capitales et inédites récemment entrées dans l’exceptionnel fonds Proust de la Bibliothèque, ou issues d’autres institutions ainsi que de collections privées. S’adressant à un large public, l’exposition propose une traversée de l’œuvre À la recherche du temps perduorganisée selon la progression de ses tomes et donne à voir la fabrique du texte tout en s’arrêtant sur une sélection de personnages, lieux ou épisodes. Elle s’appuie sur la recherche proustienne depuis vingt ans et intègre les avancées permises par la numérisation des manuscrits dans l’étude de la genèse du roman.
Cette exposition sera gratuite le vendredi 18 novembre 2022, de 10 h à 19 h. Entrée libre et gratuite, sans réservation préalable, dans la limite des places disponibles.
Mardi, mercredi, jeudi, vendredi, samedi : 10 h – 19 h
Dimanche : 13 h – 19 h
Fermé le lundi et les jours fériés. Fermeture des caisses une heure avant la fermeture de l’exposition.
Tarif plein : 10 € // Tarif réduit : 8 € Billet couplé 2 expositions : 13 € // 10 € valable pour les expositions des sites François-Mitterrand et Richelieu ou pour le musée de la BnF Gratuit avec les Pass BnF Lecture/Culture ou Recherche.
Peintre animalier du XIXe siècle, Rosa Bonheur est certainement l’artiste peintre la plus célèbre et la plus vendue de son siècle, tant en France qu’en Angleterre et aux États-Unis. Sa carrière internationale est éblouissante : vivant de son art dès l’âge de 14 ans, elle est la première femme artiste à recevoir la Légion d’honneur de la main de l’impératrice Eugénie en 1865. Ne devant sa réussite qu’à elle-même et à son talent, elle force le respect de ses contemporains : Georges Bizet, Buffalo Bill, la Reine Victoria, Napoléon III, Victor Hugo… Première femme à s’acheter un bien immobilier grâce au fruit de son travail, Rosa acquiert le château de By en 1859. Elle y passera les 40 dernières années de sa vie. L’artiste touche aujourd’hui par son étonnante modernité. Cette petite femme d’ 1m50, s’est battue tout au long de sa vie pour « élever la femme » et montrer que « le génie n’avait pas de sexe ». Armée de ses pinceaux et de son pantalon (pour lequel elle avait dû demander une autorisation de port), elle arpentait les forêts et les foires aux bestiaux afin de croquer ses modèles. Amoureuse de la nature et des animaux, elle s’est battue aux côtés de Claude-François Denecourt afin de préserver la forêt de Fontainebleau et clamait haut et fort que les animaux avaient « une âme », pensée rarissime au XIXe siècle.
Du Musée des Beaux-Arts de Bordeaux au Musée d’Orsay à Paris
Musée d’Orsay
1, rue de la Légion d’Honneur 75007 Paris – 01 40 49 48 14.
Il rassemble des cartes, des textes, des photos, des enregistrements et des films de tous les temps et explique les joyaux et les reliques culturelles de toutes les bibliothèques de la planète, disponible en sept langues.
Profitez-en et faites-en profiter votre entourage.
– La Fnac a mis une sélection de 500 livres gratuits à télécharger, voir lien ci-dessous
Copyright J. Sfar / Dargaud – Sortie le 30 septembre 2022 – 208 p., 25,50 €
Pas de félin philosophe et facétieux cette fois sur la planète Sfar, le scénariste-dessinateur a d’autres chats à fouetter. À commencer par cette saloperie de Covid qui vient de lui jouer un bien mauvais tour et lui laisse tout loisir de revenir sur sa propre histoire familiale, d’autant qu’il se donne peu de chances de survivre à la pandémie. Une histoire qui l’habite depuis des décennies,
C’est pour lui l’occasion de convoquer les figures tutélaires de son adolescence, à commencer, dès les premières planches de l’album, par Joseph Kessel, l’un de ses illustres prédécesseurs au lycée Masséna de Nice où le jeune Joann fit ses études dans les années 80. L’auteur de L’Armée des ombres (1898-1979) s’en veut encore de n’avoir pas tué Hitler, qu’il avait tout d’abord pris pour un bouffon inoffensif.
C’est pour l’hyper prolifique scénariste-dessinateur qu’est Joann Sfar l’occasion de rappeler au lecteur que le vrai danger vient autant des ceux qui véhiculent des idées nauséabondes que de la majorité silencieuse qui gobe son délire.
Puis Johann Sfar se souvient de ces années où, peu porté sur les rites et rituels religieux, il préférait rejoindre l’équipe, tout à fait officielle, des gardiens qui veillaient à la sécurité des lieux depuis les attentats qui avaient endeuillé la communauté juive à Paris. Le jeune Niçois va alors découvrir les joies des sports de combat, tout en se confrontant à l’absurdité des radicalités idéologiques et aux ambivalences de l’âme humaine.
Il sait que ces contradictions sont endémiques, et que l’Histoire a prouvé qu’elles sont destinées à ressurgir, aussi poursuit-il sa réflexion autour du deuil, de la religion et des extrêmes politiques. De nature plutôt pessimiste, mais admirateur de ceux qui se battent (au premier rang desquels son père, André Sfar, élu municipal vigilant, avocat engagé, défenseur avant l’heure de la cause des femmes et chasseur infatigable de néo-nazis), il met en scène cette courte mais déterminante période de sa vie, entre ses 17 et 21 ans, pour interroger le poids de l’héritage, la figure des héros et les menaces qui pèsent sur le monde. Un récit d’apprentissage agrémenté d’un cahier documentaire historique d’une trentaine de pages (docs , coupures de presse et photographies) particulièrement éloquent.
A. C.
Joann Sfar est né à Nice, le 28 août 1971, dans une famille juive ashkénaze d’origine ukrainienne, côté maternel et séfarade originaire d’Algérie, côté paternel. Orphelin de mère à l’âge de 3 ans, il prend le crayon pour refuge. Après des études de philosophie, il rejoint Paris pour y faire les Beaux-Arts où il anime des ateliers BD depuis plusieurs années. Figure de proue d’une génération de dessinateurs qui réinventa le langage de la bande dessinée dans les années 1990, il signe ses premiers projets aux Ed. L’Association,Delcourt et Dargaud. Seul ou en collaboration, il a signé plus de cent-cinquante albums, parmi lesquels, pour les plus célèbres, Petit Vampire (Delcourt/Rue de Sèvres) pour la jeunesse, la série des Chat du rabbin (Dargaud) ou encore ses Carnets, dont le dernier On s’en fout quand on est mort (Gallimard BD) paraîtra le 5 octobre.
Si les carnets de Joann Sfar sont toujours des fenêtres ouvertes sur notre société, On s’en fout quand on est mort est largement ancré dans le quotidien de l’auteur. Avec la verve et l’humour qui caractérisent son œuvre, il raconte ses vies multiples : celles de l’artiste, du père, du guitariste amateur, mais aussi celle du professeur aux Beaux-Arts. Dans ce quinzième carnet autobiographique, il nourrit notamment une réflexion sur la transmission et interroge notre rapport à l’art et à la littérature.
Lieu pluridisciplinaire du 19è arrondissement de Paris, ce Centre National de quartier est dédié aux Résidences, à la Création et à la Diffusion.
La treizième édition de notre festival de rencontres improvisées entre cirque et musique a sonné ! Chaque soir, huit artistes de cirque et un trio de musiciens se lancent à l’assaut d’un spectacle non recyclable au canevas imaginé dans l’après-midi. Leur seul mot d’ordre : la liberté absolue, l’écoute, la sincérité et une pointe d’humour iconoclaste. Pour cette nouvelle édition, le festival se ponctue par trois temps forts au cœur d’une scénographie imaginée par la plasticienne Camille Sauvage, transformant l’Atelier du Plateau en une maison de couleurs, avec bestioles d’intérieur et signes rupestres…
Quelque chose d’animal nous accompagnera la première semaine. On pourra y voir évoqué, incarné, tout un bestiaire d’animaux domestiques, sauvages, fantastiques et même y croiser quelques vraies bêtes. La seconde semaine sera consacrée au mât chinois, orientant notre regard vers Le monde des cimes là où l’air dit-on se raréfie et les visions s’agrandissent. Au programme, ballets d’acrobaties, et autres courses poursuites verticales. Enfin, nous tirerons le fil dans tous les sens. Nous clamerons Les précaires équilibres de notre espèce, et laisserons aux fil-de-féristes le mot de la fin.
L’Atelier du Plateau – 5, rue du Plateau – 75019 Paris – M° Botzaris / Jourdain
Quarante ans ans donc déjà que ce qui n’était qu’une utopie perdure, et qu’année après année la Maison des Cultures du Monde propose à son public des témoignages du génie des peuples. Des spectacles certes mais aussi des enregistrements, des articles, des études, des ouvrages, auxquels collaborent des artistes, des universitaires, des chercheurs, des passionnés de culture. Dix-neuf puis trente parutions de « L’internationale de l’Imaginaire », près de deux-cents éditions de vinyles et CD dans la collection INEDIT, quelques dizaines de catalogues, beaux livres et autres publications pour compléter ces approches des expressions culturelles dans la richesse de leurs diversités. Mais aussi des initiatives pour que la recherche progresse, avec la création du concept de l’ethno-scénologie, cette discipline que nous avons portée sur les fonts baptismaux en 1995 pour que le concept de patrimoine culturel immatériel, à la création duquel nous avons participé, trouve en France le soutien d’une institution culturelle pour surmonter des réticences administratives caduques. Quarante ans d’efforts d’une équipe réduite de passionnés courageux, travailleurs, convaincus de ce qui devenait pour eux une véritable mission. Tout cela se célèbre certes, mais dans la sobriété, la continuité, avec cependant quelques clins d’œil de rappel dans ce programme du Festival de l’Imaginaire qui boucle, lui, son quart de siècle. » Chérif Khaznadar Président de la Maison des Cultures du Monde-CFPC
Simon, un jeune Anglais de 14 ans un peu rondouillard, est constamment l’objet de moqueries de la part des jeunes de son quartier, qui le recrutent pour toutes sortes de corvées. Un jour qu’il fait les courses pour une diseuse de bonne aventure, celle-ci lui révèle quels vont être les gagnants de la prestigieuse course de chevaux du Royal Ascot. Simon mise alors secrètement toutes les économies de son père sur un seul cheval, et gagne plus de 16 millions de livres. Mais quand il revient chez lui, Simon trouve sa mère dans le coma et la police lui annonce que son père a disparu… Étant mineur, Simon ne peut pas encaisser son ticket de pari. Pour ce faire, et pour découvrir ce qui est arrivé à sa mère, il doit absolument retrouver son père. Au terme d’une aventure riche en péripéties et en surprises, Simon, l’éternel perdant, deviendra un gamin très débrouillard.
La Couleur des choses bouscule les habitudes des lecteurs et lectrices de BD ; le livre est intégralement dessiné en vue plongeante sans perspective et tous les personnages sont représentés sous forme de cercles de couleur.
Le récit oscille entre comédie et polar, avec une technique graphique surprenante qui mêle architecture, infographies et pictogrammes à foison. Cela donne un roman très graphique étonnant et captivant.
M. Panchaud
Martin Panchaud est né en 1982 à Genève, en Suisse, et vit depuis quelques années à Zurich. Auteur et illustrateur, il a réalisé plusieurs bandes dessinées, des récits graphiques grand format et de nombreuses infographies, dans un style visuel unique. Sa très forte dyslexie a été un frein à sa scolarité et l’a empêché de suivre des études supérieures. Il a néanmoins suivi une formation de bande dessinée à l’EPAC, à Saxon, puis a obtenu un Certificat Fédéral de Capacité de graphiste à Genève. Sa dyslexie lui a fait placer la lecture, ainsi que l’interprétation des formes et de leurs significations, au centre de ses recherches, et l’a incité à choisir un style très particulier pour exprimer sa créativité et raconter des histoires. Grâce à son travail, il a reçu plusieurs récompenses et a effectué de nombreuses résidences artistiques afin de développer ses projets de création. Exposé dans divers établissements culturels en Europe, comme le Barbican Centre de Londres et le Centre culturel Onassis Stegi d’Athènes, il s’est notamment distingué par son impressionnante œuvre intitulée SWANH.NET, une adaptation dessinée de 123 mètres de long de l’épisode IV de Star Wars, mise en ligne en 2016 (v. ci-après). La Couleur des choses, son premier roman graphique, a été initialement publié en allemand par Edition Moderne en 2020 et a remporté de nombreux prix en Suisse et en Allemagne.
En librairie le 1er septembre 2022 Copyright F. Matteuzzi (texte) & E. Benfatto (dessin) – Steinkis Ed, 122 p., 18 €
p. 25
« Notre métier n’est pas de faire plaisir, non plus que de faire du tort, il est de porter la plume dans la plaie. » Cette phrase d’Albert Londres était pour Anna Politkovskaïa une ligne de conduite. Née à New-York, enfant privilégiée de la Nomenklatura, la jeune Anna choisit le journalisme. L’année 1999 marque un tournant. Elle couvre le conflit en Tchétchénie pour Novaïa Gazetta et met, dès lors, le pied dans un engrenage qui va conduire à son assassinat sept ans plus tard.
« L’unique devoir d’une journaliste est d’écrire sur ce qu’elle a vu. » A. P.
C’est en Tchétchénie que débute le récit de ce roman graphique, hommage à une journaliste courageuse et à une femme déterminée qui fut et reste la voix de la Russie qui résiste. Les reportages sans concessions d’Anna Politkovskaïa, témoin oculaire du conflit qui opposait à cette époque les indépendantistes tchétchènes (assimilés par Moscou aux terroristes d’Al Quaïda) au régime de Vladimir Poutine, dont elle dénonçait les crimes contre l’humanité, ont scellé le destin de la journaliste.
Bien qu’ayant conscience que sa vie ne tenait qu’à un fil, et malgré son découragement face aux représailles que subissaient ses informateurs, elle mena son combat jusqu’au bout. Par éthique professionnelle et aussi pour que les jeunes générations sachent que résister à l’arbitraire est un devoir.
p. 32
Le 7 octobre 2006, jour anniversaire de la naissance de Vladimir Poutine, elle était assassinée dans l’ascenseur de son immeuble. Pour beaucoup, cet acte sonnait comme une nouvelle mise en garde à l’adresse des opposants à un pouvoir qui cultivait auprès de son peuple un esprit nationaliste et nostalgique de l’ère soviétique et des gloires passées de l’Empire tsariste.
p. 74
Copyright Konzept und Bild/ullstein bild via Getty Images
Parce que chez nous, ça fonctionne ainsi. Si vous parlez, si vous révélez des faits que le régime veut dissimuler, vous êtes mort. Il y a les journalistes rééducables, ceux qu’on peut remettre sur la bonne voie (…). Ceux qui disent la vérité mènent une vraie guerre », lui fait dire Francesco Matteuzzi en page 51.
Quelques-uns des évènements majeurs qui ont traversé la décennie en question sont ici illustrés, comme par exemple la prise d’otages au théâtre de la Doubrovka (oct. 2002). On la voit qui négocie avec l’un des assaillants. Il lui dicte ses conditions de retrait, mais l’irruption des forces spéciales russes (qui ont introduit un agent chimique inconnu dans le système de ventilation du lieu) vient réduire à néant toute tentative de conciliation. Vient ensuite tragédie survenue dans l’école de Beslan, en Ossétie du Nord (sept. 2004). Elle est sobrement dépeinte par l’auteur à l’aide de quelques dessins de style naïf, sur un cahier d’écolier à petits carreaux : des militaires encagoulés, bâtons d’explosif à la main, terrorisent femmes et enfants. L’intervention des forces spéciales russes va une nouvelle fois mettre le feu aux poudres. La journaliste n’a rien pu faire. Elle espérait cette fois encore négocier avec les preneurs d’otages, mais elle en a été empêchée avant même d’avoir posé le pied sur le sol ossète.
Non rééducable, il faut la traiter en conséquence, a déclaré le maître du Kremlin…
E. Benfatto
F. Matteuzzi
Une BD toute simple, mais qui résonnait déjà à sa sortie comme un bel hommage à l’exigence et à la rectitude d’une femme qui ne faisait que son métier.
COMMUNIQUÉ – En librairie le 24 août 2022 – 19,90 €
« C’est en marchant que l’enfant apprend à marcher ; c’est en parlant qu’il apprend à parler ; c’est en dessinant qu’il apprend à dessiner. Nous ne croyons pas qu’il soit exagéré de penser qu’un processus si général et si universel doive être exactement valable pour tous les enseignements, les scolaires y compris« , écrivait Célestin Freinet dans Œuvres pédagogiques
À Vence, où le couple Freinet s’établit en 1934, les promenades au grand air, les visites chez les artisans sont autant de leçons sur le vif. Les classes vertes, les journaux, les exposés, autant d’initiatives qui font partie du quotidien des cours. Convaincus que pour changer la société, il fallait d’abord changer l’école, Célestin et Elise Freinet révolutionnent la pédagogie. Alors que l’enseignement traditionnel est centrée sur la transmission des savoirs, la pédagogie Freinet place l’élève au cœur du projet pédagogique. Elle prend en compte la dimension sociale de l’enfant, voué à devenir un être autonome,responsable et ouvert sur le monde.
Célestin et Elise posent ainsi les bases de la pédagogie moderne en mêlant expérience et autonomie. Leurs méthodes nouvelles bousculent et dérangent au début – comme la plupart des novateurs, « ils ont tort d’avoir raison trop tôt ». Cependant que leurs règles continuent d’inspirer encore aujourd’hui, à commencer par les deux auteur-e-s de cette bande dessinée.
Dans un tout autre domaine, mais avec un toile de fond une même ligne directrice : » Comment, sortir des sentiers battus aide à puiser en soi des ressourses insoupçonnées », on (re)découvre dans la foulée l’expérience, révolutionnaire en son temps et toujours originale, menée depuis 1956 à la Clinique de psychothérapie institutionnelle de la Chesnaie (Loir-et-Cher).
BD-REPORTAGE AU CŒUR DE LA TROISIÈME POPULATION – AURÉLIEN DUCOUDRAY – JEFF POURQUIÉ – ED. FUTUROPOLIS
Depuis mai 2018 – Copyright A. Ducoudray, J. Pourquié / Futuropolis -122 p., 19€
Depuis 1956, la clinique de psychothérapie institutionnelle la Chesnaie a développé un modèle thérapeutique sans construire de mur d’enceinte ni fermer ses portes. À la Chesnaie, établissement conventionné, les médecins ne portent pas de blouses blanches, soignants et soignés se côtoient de façon indifférenciée. « On ne sait pas qui est qui. Il faut se parler pour le découvrir » prévient l’infirmière. Car ce sont les échanges qui sont au coeur de la thérapie, « leur traitement, c’est avant tout de leur redonner une vie sociale, on est vraiment dans le soin individuel, à la carte ». Les décisions sont prises collectivement lors de réunions hebdomadaires (investissements prioritaires, sorties culturelles…), chacun y va de sa proposition. Dans ce lieu de soins, qui est aussi un lieu de vie, l’association Club de la Chesnaie tient une place prépondérante et rallie tous les suffrages. Créé en 1959, le club joue notamment le rôle d’interface avec l’extérieur, il est ouvert à tous et accueille spectacles et spectateurs, résidence d’artistes, d’écrivains, d’illustrateurs… Nombre d’ateliers (artistiques, sportifs, culturels) sont régulièrement proposés.
Après avoir brièvement décrit le fonctionnement de l’établissement, les deux auteurs s’attachent aux rencontres qu’ils ont faites. L’approche retenue est naturaliste : à quelques exceptions près, le lecteur les accompagne dans tous leurs déplacements. « À la Chesnaie on marche beaucoup, on trottine, on cavale, on crapahute, on traîne du pied, on clopine, on flâne, on trépigne, on tourne, on retourne, on détourne (…) Y en a qui vont quelque part, d’autres nulle part, y en a certains qui semblent chercher où aller, d’autres qui ont trouvé, y en a qui ont oublié où ils vont… et d’autres qui ne l’ont jamais su. » Cela donne lieu à des anecdotes cocasses ; le compte rendu graphique qu’en fait Jeff Pourquié met surtout en évidence le fait que la maladie mentale n’est la plupart du temps pas fatalement « visible » : l’agitation n’est pas la règle, celles et ceux avec lesquels Ducoudray et Pourquié interagissent n’expriment que rarement les troubles qui les habitent. D’ailleurs, lorsqu’ils le font, ils manifestent, à quelques exceptions près, plus d’angoisse que d’agressivité.
Le personnel est polyvalent. Il peut, selon un planning établi à l’avance, tout aussi bien affecté être à la distribution des médicaments, qu’au ménage ou à la préparation des repas. « On est sur des « missions » entre six mois et un an (…) On voit ainsi nos patients autrement que dans une relation figée ». Idem pour les patients, et pour nos deux bédéistes qui, dans le cadre de la répartition des tâches tournantes, vont ponctuellement être affectés aux fourneaux ou à la plonge. « Pourvu qu’on ne nous demande pas d’être psys ! »
Ducoudray et Pourquié décrivent avec humour et sans sensationnalisme les pathologies de ceux qui ont été pris en charge à la Chesnaie. Des visages, des mots, des attitudes, des parcours de vie. Les planches sont très denses, très dialoguées – sept cases en moyenne par planche. Trois pleines pages ont été plus spécifiquement dévolues à trois pensionnaires, avec quelques-unes de leurs représentations mentales en arrière-plan.
Un beau reportage qui tord le cou à quelques clichés sur la maladie mentale et porte haut les couleurs de l’humanisme. Ici patients et soignants s’enrichissent mutuellement et l’on rêverait que cette expérience, qui en France a été reproduite dans trois ou quatre établissements, devienne monnaie courante, avec ici un rapport nombre de patients/nombre de soignants défiant semble-t-il toute concurrence.
Copyright J. Lemire / Futoropolis COMMUNIQUÉ – En librairie le 24 août – 256 p., 27 €
Juin 2020 (v. Archives)
Après The Nobdy, inspiré du roman de G.H. Welles, L’Homme invisible (v. ci-après), Jeff Lemire revient avec ce roman graphique dans lequel le surnaturel côtoie le réel et où – comme c’est souvent le cas chez lui – les liens familiaux vont de paire avec le spleen de son personnage principal.
Will est obsédé par sa fille morte dix ans auparavant, et par son incapacité à se rappeler son visage et les événements importants qui ont jalonné sa vie. Ne lui reste en mémoire que ce pull trop grand pour elle qu’elle portait, et qui sentait la naphtaline…
Will en néglige toute socialisation, dans sa vie privée comme au travail. Jusqu’à ce qu’un mystérieux appel téléphonique au cœur de la nuit chamboule sa vie. L’appel lui indique que sa fille est toujours vivante, coincée dans le labyrinthe d’un livre de jeux qu’elle n’avait pas terminé. Convaincu que son enfant le contacte d’un espace qui se situe dans un monde intermédiaire, il va utiliser le labyrinthe inachevé dans l’un de ses journaux et une carte de la ville pour la ramener à la maison…
Jeff Lemire
Jeff Lemire est né en 1976 et a été élevé dans le comté d’Essex (Canada), près du Lac Saint-Claireau. Il publie à la fois pour la scène alternative et pour le grand groupe DC Comics, où il est principalement scénariste. Il a étudié le cinéma, puis décidé de poursuivre dans le comics lorsqu’il a réalisé que son tempérament solitaire ne collait pas avec le métier de réalisateur.
COMMUNIQUÉ – Roman – En librairie le 17 août 2022 (15 € ) Parution simultanée en version numérique (10€90)
“Il y a près de deux décennies, j’ai publié un récit où je clamais que j’étais encore puceau à vingt ans et des poussières. Quelle inventivité possède le déni ! Mensonge par lequel je baissais le rideau de fer sur un viol, une disparition (vécue comme un abandon), un passage à tabac (évoqué, lui, mais falsifié, comme désexualisé) qui fracturèrent mon adolescence et me hantent pour toujours« .
Trois souvenirs d’adolescence qui signent plus encore que la fin de l’innocence, la fin prématurée des promesses. Ce texte brûlant, le plus intime et le plus cru de Daniel Arsand, peut se lire comme le making of de son incroyable roman, « Je suis en vie et tu ne m’entends pas« .
Mais aussi, comme le résumé de toute une vie ou sur les effets des violences sexuelles sur la vie et la construction de ceux qui les subissent. Quelque part dans ce texte, Daniel Arsand écrit : “Il n’est pas en moi que des orages, il n’est pas en moi que des ruines.”
Et pourtant, on peut lire Moi qui ai souri le premier comme une visite privée de ces orages et de ces ruines laissés en lui par trois rencontres déterminantes, trois souvenirs d’adolescence qui sont aussi des possibles trahis, qui signent, plus encore que la fin de l’innocence, la fin prématurée des promesses. Débusquer la lumière, la force, la beauté au-delà du saccage – c’est sur le terrain du langage réinventé que s’érige, entre résistance têtue, secret livré et liberté farouche, ce bref livre éblouissant.
« Il y a moins longtemps que cela, j’ai entrepris un roman sur les massacres d’Adana (1909) qui préfiguraient le génocide arménien. Je tentais par des mots et des histoires de dialoguer avec le silence que garda mon père, Hagop Arslandjian, sur ce qu’il avait vécu. Brusquement j’en interrompis la rédaction, la suspendis pour quelques semaines. Le silence paternel venait de me renvoyer, violemment et sans échappatoire, à celui que j’observais sur ce que j’avais vécu à quatorze, quinze ans. J’écrivis d’un jet un viol, une disparition et un passage à tabac. Je me crus en règle avec moi-même et remisai les pages dans un tiroir.
Et puis j’écrivis la renaissance d’un « triangle rose » après Buchenwald.
Et puis j’appris, désespéré et découragé, qu’en Tchétchénie on internait les pédés dans un camp où ils étaient torturés, liquidés, et si on les libérait c’était pour que les familles prennent le relais d’une destruction. Durant des mois et des mois, je ne sus plus comment écrire une histoire, ce qu’était simplement écrire. Un jour, enfin, j’ai ressorti d’un certain tiroir un certain texte que je me mis à retravailler dans ma bienfaitrice solitude, essayant de l’intensifier, et je regardai en face ce qui avait été. Et je dis ce que j’avais à dire.”
À PROPOS DE L’AUTEUR
Portrait de l’écrivain Daniel Arsand en juin 1998, France. (Photo by Louis MONIER/Gamma-Rapho via Getty Images)
Éditeur et écrivain, Daniel Arsand est l’auteur d’une douzaine d’ouvrages, dont notamment La Province des Ténèbres (Phébus, 1998, et Libretto, prix Femina du premier roman), En silence (Phébus, 2000, et Ivresse du fils (Stock, 2004), Un mois d’avril à Adana (Flammarion, 2011, prix Chapitre du roman européen) et, le plus récent, Je suis en vie et tu ne m’entends pas (prix Jean-d’Heurs du roman historique, prix littéraire des Genêts, prix du Roman gay), paru aux éditions Actes Sud en 2016.