
https://www.arte.tv/fr/videos/100369-000-A/roman-graphique-des-souris-et-des-hommes/
« J’ai vu des centaines d’hommes passer sur les routes et dans les ranchs, avec leur balluchon sur le dos et les mêmes mensonges dans la tête. J’en ai vu des centaines. Ils viennent, et, le travail fini, ils s’en vont ; et chacun d’eux a son petit lopin de terre dans la tête. Mais y’en a pas un qu’est foutu de le trouver. C’est comme le paradis. »

Il n’est pas rare qu’un roman mis en images – ici, mis en scène – par un(e) artiste, soit magnifié par la beauté et la puissance de ses illustrations. On le découvre alors sous un nouveau jour, il peut même y gagner une seconde vie en touchant un lectorat pour qui, hormis quelques grandes signatures, les road-trips américains des années 1930-40 sont passés de mode. Le nom de John Steinbeck reste quant à lui plutôt attaché au titre qui a succédé à cet ouvrage, Les Raisins de la colère (1939, Prix Pulitzer), dans lequel il décrit l’odyssée tragique de petits fermiers dépossédés, partis vers la Californie louer leurs bras comme travailleurs agricoles.



Dans Des souris et des hommes, John Steinbeck met en scène deux hommes, deux amis qui vont de ferme en ferme pour louer leur force de travail dans l’espoir de pouvoir, un jour, acquérir une petite ferme « bien à eux ». Il y a George, la tête pensante du duo, et Lennie, son ami d’enfance. Lennie est un colosse à la force surhumaine, mais pourvu de l’âge mental d’un enfant. Sa seule passion est de caresser des matières soyeuses et douces, comme par exemple les souris, que ses grosses paluches finissent inéluctablement par étouffer par excès de tendresse. Une jeune femme, passablement aguicheuse, va en faire les frais et sceller le destin du pauvre innocent.


C’est alors que nous revenons à notre propos initial : ce court roman, un rien tire-larmes, en même temps qu’expression de la misère et de la solitude humaine, qui des décennies plus tard perdurent chez toutes celles et ceux dont les vies ont été fracassées, trouve sous les pinceaux de Rébecca Dautremer une dimension souveraine rarement égalée. Un grand moment d’émotion, à offrir sans modération. Tout lectorat.
A. C.


Rébecca Dautremer est née en 1971 dans les Hautes-Alpes. Diplômée en graphisme de l’École nationale supérieure des Arts Décoratifs et passionnée de photographie, elle se tourne vers l’illustration jeunesse en 1996. Suivront plusieurs succès dont L’Amoureux et l’adulé Princesses oubliées ou inconnues. Elle a été récompensée par de nombreux prix, parmi lesquels la Pépite du Livre illustré et le Grand Prix de l’Illustration, en 2019. Ses deux derniers ouvrages, Les riches heures de Jacominus Gainsborough et Midi Pile, ont eux aussi rencontré un immense succès public et critique. Son adaptation graphique du classique de John Steinbeck Des souris et des hommes révèle toutes les finesses de son style, ponctué de clins d’œil aux illustrations des années 1930.
A. C.

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