ou Rosie la riveteuse et la performativité du genre
de Shreyas R. Krishnan (texte et dessins) – Ed. Cambourakis, collection Sorcières (août 2017). 16 p., 15 €
Les femmes, on le sait, ont souvent apporté leur contribution à l’effort de guerre.
Dans l’Amérique des années 40, elles ont été six millions à le faire, pendant que les hommes étaient au front, en Europe ou dans le Pacifique.
Mais il avait fallu auparavant les convaincre de s’affranchir des injonctions normatives qui, du cinéma à la littérature, ne cessaient de leur imposer une image bien précise de ce qu’était la féminité.


Une campagne de presse ayant pour but de les amener à endosser des rôles qu’elles avaient depuis toujours été conditionnées à considérer comme masculins, a donc été lancée. Elles resteraient attrayantes, tout en étant assez masculines pour mettre les mains dans le cambouis. Dosage aussi habile que subtil, dont la Rosie de J. Howard Miller est une parfaite illustration.
Les Rosies ont alors revêtu leurs bleus de travail et pris le chemin des usines d’armement ou de construction aéronautique.
Prenant pour référence ce symbole de l’émancipation féminine qu’a été Rosie, matérialisée en 1943 par Norman Rockweel pour le Saturday Evening Post (on remarquera qu’elle écrase de tout son poids un exemplaire de Mein Kempf) et dans le même temps par J. Howard Miller, Shreyas R. Krishnan s’appuie dans la foulée sur les théories développées par Judith Butler sur les approches performatives du genre, qui seront utilisées aux EU à partir des années 60.
La Rosie d’aujourd’hui n’a pas effacé l’icône populaire de la culture américaine d’hier, elle n’a tout simplement plus besoin de se travestir, « seul son geste suffit« , nous rappelle l’auteure de cet album composé de 16 pages abondamment illustrées.
Anne Calmat