
Il y a du Dorian Gray chez Etienne Daho. Les années qui passent semblent n’avoir aucune prise sur lui. Le dandy élégant au déhanché à la fois sage et sexy de Mythomane (1981) et de La Notte, la notte (1984) poursuit son chemin depuis une quarantaine d’années, l’œil rivé sur sa propre ligne d’horizon intérieure.
Il a su, au fil de temps, prouver son épaisseur artistique et intellectuelle. Est-il pour autant un chanteur engagé ? La réponse se trouve bien souvent dans ses choix artistiques. Daho avance masqué, il dit mais n’assène pas.

En 2001, il interprète, par exemple, Sur mon cou et Le condamné à mort de Jean Genet ; en 2017, son nouvel opus appelle à la fois à la résistance et à cette forme de légèreté indispensable à la survie. Son onzième album, Blitz (2017), parle tout autant de djihad et que femmes qui tuent au nom de Dieu. Et dans L’hôtel des Infidèles (2017), il rend hommage à ceux qui accueillaient des Insurgés dans le Paris des années 40.
À l’occasion de ses quarante ans de carrière, Étienne Daho ouvre pour la première fois ses archives pour un livre riche de documents intimes et inédits..
A secret book retrace le parcours hors norme et la prodigieuse carrière d’un gamin né à Oran. Confiant en ses intuitions et en sa bonne étoile, il est devenu un auteur, compositeur, interprète, producteur exigeant, et un artiste iconique aimé et respecté. Sans compromis, Daho a depuis quatre décennies publié une quinzaine d’albums marquants et une flopée de tubes inoxydables. Il a survécu à la Dahomania et a imposé sa singularité artistique au point de devenir le parrain de la pop française. Casseur de codes, précurseur et passeur, il a réussi l’exploit de faire sauter les lignes de démarcation entre l’underground et la pop. Plus de quarante ans après la sortie de son premier album Mythomane, ce récit tout en anecdotes et confidences revient sur le tourbillon d’une vie artistique prolifique consacrée à sa passion pour la musique. À l’occasion de cette rétrospective inédite préfacée par Elli Medeiros, le secret Daho a pour la première fois accepté de partager ses archives et de confier courriers personnels, photographies intimes, télégrammes, affiches, coupures de journaux, manuscrits… et même ses carnets de notes de collégien. En bonus, ce livre nous offre une Paper Doll avec ses tenues les plus emblématiques. EditoLa Martinière
Extrait » Nous nous sommes connus à Rennes, dans les années 1970. Je le vois encore débouler dans la cour du bahut au moment de la récré. Il devait avoir seize ans. De loin, sa silhouette semble un peu flottante. Encombrée, disons. On a l’impression que sa tête est piquée au-dessus d’une veste dix fois trop large, avec tout un tas de fringues empilées dessous. Juste deux guiboles en jean qui dépassent et au bout, des boots en daim. Autour du cou, une écharpe violet et rose tricotée par sa mère souligne une pomme d’Adam qui fait le yoyo dès qu’il a un fou rire. Sur la pommette droite, un grain de beauté. Il n’est pas du tout dans le look, la sape, l’image. Il s’habille n’importe comment. (…) Toutes les filles adorent : il a une gueule, il est à part. Sous sa carapace de vêtements, il y a ce type cordial, doux, joyeux, et très marrant. Un champion de l’autodérision, avec son petit sourire en coin. Et puis derrière, et derrière encore, un petit quelque chose d’insaisissable, une ombre qui vous aimante autant qu’elle vous échappe. Une part manquante, intrigante. Rien ne filtre de sa vie antérieure, comme s’il n’en avait gardé aucun souvenir. C’est un personnage à éclipses au passé évanoui. Il vit le présent, et puis voilà. Personne ne pige d’où il vient, ni où il va, mais on sent qu’il est relié à une histoire forte qui s’inscrit dans le temps long. Un truc qui vient de très loin et qui vous file entre les doigts comme de l’eau vive dès qu’on tente de l’emprisonner avec des questions. » (p. 7)
