Gabo, mémoires d’une vie magique

couv gabod’Óscar Pantoja, Miguel Bustos, Felipe Camargo et Tatiana Córdoba – Ed. Sarbacane, 128 p., 19,90 € (3 février)

Quatre auteurs, quatre couleurs et quatre dessins différents pour cette version française du texte d’Óscar Pantoja (2013), dont on peut avancer qu’elle ne fera probablement pas date dans l’histoire du 9e Art.

Ce roman graphique, assez complet, sur la vie géant de la littérature latino-américaine, Gabriel García Márquez, surnommé Gabo par ses amis et admirateurs, est parfois un peu difficile à suivre pour le lecteur, constamment balloté d’une époque à une autre, d’un lieu à un autre, au détriment d’une meilleure lisibilité. Il faut ajouter que la traduction de Rudy Ortis n’est pas exempte de certaines pesanteurs.

Mais on doit cependant reconnaître que les auteurs maîtrisent leur sujet, aidés en cela, sans doute, par l’autobiographie intitulée Vivir para contarla*, que Gabo a publiée en 2003, et dont l’exergue fixe assez clairement les limites de l’exercice : « La vie n’est pas ce que l’on a vécu, mais ce dont on se souvient et comment on s’en souvient. »

Gabo naît en 1927 à Aratacata, petit village isolé de Colombie, où sa famille maternelle est arrivée en 1910, suite à une sombre histoire de jalousie, de commérages, et pour finir, de meurtre. Il y a son père, toujours absent et frustré dans sa vie professionnelle, sa mère qui revient chez ses parents pour accoucher, son grand-père orfèvre – figure récurrente du livre, figure centrale dans la vie de Gabo, devenu colonel pendant la guerre des Mille jours, et une grand-mère fantasque aux dons divinatoires, qui donnera naissance au personnage d’Úrsula.61DvgHwt0tL._SX325_BO1,204,203,200_

Tout est en place pour que s’élabore lentement, mais avec force, l’œuvre majeure de García Márquez, Cent ans de solitude, qui fut un véritable choc littéraire à sa sortie en 1967.

Au fil des quatre parties, nous voyons comment elle s’est construite, avec ses influences : Kafka, Rubén Dario et bien d’autres – Gabo est un fou de lecture, et ses rencontres capitales : Juan Rulfo, Alvaro Mutis.

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Nous découvrons ses souvenirs d’enfance au milieu de fantômes et de femmes au bord de la folie, ses amitiés indéfectibles, comme celle qui le lia à Fidel Castro, qui fera de García Márquez une sorte d’ambassadeur.

Son rôle dans la création de l’agence de presse Prensa Latina et dans la critique de l’impérialisme américain, incarné en Colombie par la United Fruit Company, est également souligné…

51LEFlHKqiL._SX302_BO1,204,203,200_Dans Cent ans de solitude, Aracataca deviendra le Macondo des Buendia : «  Macondo était alors un village d’une vingtaine de maisons en glaise et en roseau, construites au bord d’une rivière dont les eaux diaphanes roulaient sur un lit de pierres polies, blanches, énormes comme des oeufs préhistoriques. »

Nous voyons défiler des titres, devenus désormais des classiques : Les Funérailles de la grande Mémé, Chronique d’une mort annoncée, Pas de lettre pour le colonel, L’Amour en temps de choléra… Beaucoup sont marqués par ce qu’on a appelé « le réalisme magique », ou la vérité transfigurée par l’imaginaire…

Nous le suivons dans ses très nombreux voyages, qui le mèneront, avec Mercedes, la femme de sa vie qu’il rencontre alors qu’elle n’a que quatorze ans, et ses enfants, de la Colombie au Mexique, en passant par les États-Unis. Et, dans les années 60, jusqu’aux pays « socialistes » où il va connaître le désenchantement.

Puis en 1982, il y aura l’obtention du Nobel de Littérature, consécration justifiée d’une œuvre immense.

En conclusion, malgré la faiblesse de l’entreprise et de sérieuses réserves sur les choix graphiques très atones de la BD, on peut inciter les lecteurs à partir à la découverte d’un homme et d’un auteur d’exception, et à celle d’une oeuvre qui figure au sommet de la création littéraire du 20e siècle.

Danielle Trotzky

9782246653110-g

 

 

* Ed. Grasset, 550 p., 22,50 €

 

 

 

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