de Mathieu Sapin (texte et dessin). Couleurs Clémence Sapin – Ed. Dargaud – Sortie le 17 mars.
L’auteur est coutumier des reportages graphiques sur les grands de ce monde. En 2012, il accompagne François Hollande pendant sa campagne, avec ses réunions stratégiques, ses déplacements, ses meetings et autres confidences exclusives (on pense immédiatement au très controversé Un Président ne devrait pas dire ça). Il en résulte le savoureux Campagne présidentielle*.
J’essaie de me faufiler partout. L’entourage du candidat est plus coulant avec un dessinateur qu’il ne le serait avec un journaliste « , souligne Mathieu Sapin.
Il poursuit ensuite son immersion dans les hautes sphères du pouvoir. Après avoir fait des pieds et des mains pour s’incruster dans la résidence présidentielle et n’avoir obtenu que très peu de marge de manœuvre de la part des communicants, il finit par envoyer un SMS à François Hollande, afin d’obtenir obtenir son accord. Déjà bon prince, Hollande le reçoit, accepte le projet et l’introduit au « Château » : une BD-reportage sur le fonctionnement de l’Élysée et la vie mouvementée de son occupant, intitulée Le Château, une année dans les coulisses de l’Elysée*, paraît en 2015.
Pendant qu’il planche sur ce second album, Mathieu Sapin suit durant près de cinq ans celui qui aura le rôle-titre du suivant. » La première fois que j’ai vu Gérard, c’était pendant de meeting d’entrée de campagne de Sarkozy à Villepinte « , peut-on lire en page 13.
Il accompagne la star dans ses déplacements en Espagne, en Bavière, au Portugal, en Azerbaïdjan pour le tournage de Retour au Caucase, d’après Le Caucase, impressions de voyages » d’Alexandre Dumas. Il partage ses tournages (mémorables), ses coups de gueule (tonitruants), ses repas (excessifs), ses pensées philosophiques, ses confidences (touchantes). Mathieu Sapin va même jusqu’à prendre une douche (inattendue) avec l’acteur.
Il en résulte un album en forme de journal de bord qui dessine le portrait d’un homme plus grand que nature, attachant, paradoxal, inimitable et terriblement vivant (doux euphémisme).
Un portrait subjectif et forcement haut en couleurs d’un personnage gargantuesque, que Mathieu Sapin résume ainsi :
» Gérard n’a pas peur de la mort « . » C’est quoi la mort ? C’est ne plus tenir debout ? Ne plus voir la connerie des gens ? Ne plus manger ? Ne plus baiser ? Hein ?! Donc, non ».
Depardieu en profite pour faire une allusion au dramaturge Peter Handke et à sa pièce Les gens déraisonnables sont en voie de disparition, qu’il a jouée en 2002**.
» Gérard découpe (arrache) les manches de sa chemise quand il fait trop chaud « .
» Gérard fait des chatouilles à son chauffeur, lancé à 140 km/h sur l’autoroute, quand il trouve qu’il ne roule pas assez vite. »
« Gérard passe son temps à souffler et à éructer « .
» Gérard n’a pas de peurs, il n’a que des surprises « .
» Gérard n’hésite pas à plonger dans un bain d’eau glacé, après s’être fait fouetter avec des branches de sapin. » (allusion au Divan de Staline).
» Gérard est énorme, dans tous les sens du terme « . Le lecteur se dit qu’Alfred Jarry l’aurait probablement qualifié d' »hénaurme ».
» Gérard est le Français le plus connu dans le monde. C’est bien simple, tout le monde l’aime (sauf les Français) « . Est-ce bien certain ?
Après avoir incarné Josef Staline dans le film de Fanny Ardan, Le divan de Staline, on le découvre, à la fin de l’album, qui se prépare à une lecture en russe phonétique du livret d’Ivan le Terrible de Prokofiev. » En y mettant le ton « , précise Mathieu Sapîn, admiratif.
Un sacré bonhomme !
Anna K.
160 p., 19 euros
* Ed. Dargaud
** Mise en scène Claude Régy, avec Gérard Depardieu, Claude Degliame, Jean-Claude Dreyfus…