
de Philippe Squarzoni (traduction, adaptation et dessin), d’après le récit documentaire A Year on the Killing Streets (1991) de David Simon, créateur de la série télévisée The wire – Ed. Delcourt ©
En 1988, David Simon, journaliste au Baltimore Post, passe une année en immersion au sein de la brigade criminelle de la police Baltimore, une ville qui compte 240 meurtres par an. Son reportage, devenu roman, relate le quotidien de dix-neuf de ses inspecteurs, avec pour fil rouge une enquête au long cours sur le meurtre de la jeune Latonya Kim Wallace.


David Simon, puis Philippe Squarzoni, décrivent le quotidien des membres de cette brigade et leurs investigations dans les rues de Baltimore ; ils donnent à voir les tensions raciales, les crimes sordides, les circuits de la drogue, les décisions de justice parfois aberrantes.

Suivant le parti-pris du journaliste, Philippe Squarzoni s’affranchit du récit à la première personne et privilégie la voix collective des protagonistes.
Un socio-reportage aux antipodes de l’image hors-sol des héros des séries américaines, qui dévoile le quotidien des flics de l’époque, un peu beaufs, un peu misogynes, parfois racistes.
» Nous ne sommes pas dans un épisode de Colombo, ici, pas d’intelligences qui s’affrontent pour élucider un mystère. Ce sont des meurtres de pauvres, les assassins commettent beaucoup d’erreurs, et le mobile importe peu. Forcément, il m’a fallu représenter la violence, ce qui est compliqué. Si l’on en fait trop, on risque d’être complaisant. Si l’on rend la mort esthétique, graphique, on peut s’y prélasser. Ne rien montrer est aussi un écueil : cette violence, des gens l’ont vécue, les flics l’ont vue tous les jours, il faut donc donner à sentir cette monotonie-là. Mais le faire avec pudeur, sans pour autant atténuer les choses « , écrit Philippe Squarzoni.

Dans ce troisième opus, l’immersion dans le quotidien des inspecteurs de l’unité des homicides de Baltimore se poursuit. Un flic a reçu deux balles en plein le visage. Pas d’arme trouvée sur place, pas d’indices matériels. Mais Terry McLarney a été le sergent de la victime et il va tout faire tout pour découvrir et confondre le coupable. Alors que l’affaire Latonya Wallace accapare toujours Landsman et Pelligrini, le tableau se couvre d’encre rouge. Les corps s’empilent, le taux de résolution est en baisse et la pression en hausse…
Authenticité des épisodes, sobriété des dessins et des couleurs – gris, noir, blanc, marron, avec çà et là, le rouge éclatant du sang versé – les visages restent inexpressifs afin de ne pas surligner ce qui se joue. Car ce qui est au cœur de chaque récit, ce sont les humains dans toute leur complexité. Comme dans la vie, le quotidien de la brigade peut être sans relief, jusqu’à ce qu’une affaire déclenche le branle-bas de combat au sein de l’équipe.
Très inspiré par les films noirs américains des années 50-60, le dessin de Squarzoni joue avec les ombres, les gros plans et les contre-plongées : du grand art, comme toujours.
Anna K.
160 p., 18,95 €
Philippe Squarzoni
Ses premiers albums politiques, Garduno, en temps de paix et Zapata, en temps de guerre, qui ont connu un large succès, sont publiés en 2002 et 2003 aux Requins Marteaux. Squarzoni est d’ailleurs nommé pour le Prix du Meilleur Scénario à Angoulême pour Garduno, en temps de paix (2012).
En 2007, il publie Dol, dans lequel il dresse un bilan des politiques menées durant le deuxième mandat de Chirac.
Loin de ces préoccupations politiques, il publie son premier récit en couleurs chez Delcourt en 2008, Un Après-Midi un peu couvert, plus sensible, contemplatif et intemporel, une variation sur le thème de Peter Pan.
Il s’investit totalement ensuite dans une immense enquête sur le changement climatique qui donne son livre le plus intense et édifiant : Saison brune, publié en 2012 aux Éditions Delcourt. L’album connaît un franc succès et reçoit le Prix du Jury du Festival de Lyon BD et le Prix Léon de Rosen de l’Académie française. Parallèlement les Éditions Delcourt rééditent toutes ses oeuvres.
Ce projet BD, Homicide, est né de l’envie de Philippe Squarzoni de se confronter à une nouvelle problématique sociale, suite à la lecture du livre de David Simon. Il contacte alors l’auteur pour lui soumettre l’adaptation via ce nouveau médium et part de la version anglaise dont il fait lui-même la traduction.