
de Thomas Olsson (dessin et scénario, traduit du suédois par Aude Pasquier – L’Agrume Editions
Visuels © T. Olsson/L’Agrume
L’histoire, racontée en 7 périodes, s’étale sur 12 ans.
Le ton est donné dès les premières planches cet l’album autobiographique – l’auteur a été élevé par des parents Témoins de Jéhovah – qui décrit, avec une bonne dose d’humour et dans une esthétique très american comics 70’s, les mécanismes d’embrigadement dans une secte, fondés sur la peur, la culpabilisation et l’anathème : point de salut pour ceux qui n’auront pas appliqué à la lettre les règles fixées à l’origine par le Très-Haut. Les homosexuels et les consommateurs de produits illicites sont en tête de liste ; quant à l’hypothèse d’actes pédophiles, elle est balayée d’un revers de la main par le prédicateur, puisque la congrégation « n’est pas dirigée par les hommes, mais par Dieu ».
Il rappelle à ses fidèles qu’au jour du Jugement dernier, les impies seront précipités dans les flammes de l’Enfer, tandis que ceux qui ont respecté les Commandements du Seigneur se retrouveront à sa droite. Il va sans dire que les membres de la congrégation seront placés au premier rang…Le jeune Tommy prend à ce point au sérieux les mises en garde du Frère Dahlman qu’il accepte de l’assister dans ses déplacements, lesquels consistent à faire du porte-à-porte pour délivrer la bonne parole et promettre à ceux qui leur prêtent une oreille attentive, moyennant achat d’une brochure, « de vivre pour l’éternité dans un paradis terrestre ».
Si bien qu’il rêve de devenir un jour prédicateur à plein temps.
Pour l’heure, il doit faire face à l’incompréhension de ses camarades de classe. Une incompréhension qui s’exprime parfois de façon violente ; mais il n’en n’a cure, au contraire, plus on le persécute et plus il se rapproche de Dieu.
L’adolescence venant et l’influence de son copain libre-penseur et fan du groupe de rap Public Ennemy faisant le reste, Tommy finira pourtant par remettre en question les fondamentaux qui lui ont été serinés pendant plusieurs années, malgré le prix qu’il devra en payer. Le frère Sund n’a-t-il pas prévenu : « Il faut éviter toute fréquentation des exclus sous quelque forme que ce soit, même s’il s’agit d’un membre de notre famille, sinon, nous risquons d’émousser notre foi. » ?
Il ne manquerait plus que Tommy monte un groupe de rock !
L’issue prévisible de cette histoire pointe malgré tout du doigt le sort de ceux qui n’ont pas eu ou n’auront pas la force de rompre avec leur famille d’origine (ou spirituelle), afin de vivre leur vie comme ils l’entendent.
Anne Calmat
184 p., 22 €