Les filles du Kurdistan 2021 (précédé de) Kobane calling 2019

18 septembre 2019 Kobané calling de Zerocalcare (texte et dessin) – Ed. Cambourakis

26 août 2021Les filles du Kurdistan, une révolution féministe de Mylène Sauloy (dessin) et Clément Baloup (illustrateur) – Ed Steinkis / coll. Témoins du Monde

Copyright Zerocalcare / Cambourakis – 320 p., 24 €

Extrait de la chronique parue sur BdBD lors de la première édition de l’album (v. Archives, juin 2016).

Parti fin 2014 avec un groupe de huit humanitaires à la rencontre de l’armée des femmes kurdes en lutte contre l’avancée du groupe État islamique sur la ville de Kobané, l’auteur a rendu compte à son retour de ce qu’il y avait vu et entendu. Son reportage graphique d’une quarantaine de pages, publié dans un premier temps dans l’hebdomadaire italien Internazionale, a par la suite été enrichi au point de composer cet album qui en compte maintenant 288.

On retrouve Zerocalcare avec ses compagnons dans le village de Mehser, à quelques encablures de Kobané. Ils sont conscients des risques, une des femmes soldats qui luttent à l’égal des hommes contre les terroristes ne les a-t-elle pas prévenus que celui qui vient combattre ici, ne peut en ressortir que mort ou vainqueur ?

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Le jeune dessinateur romain y décrit la vie dans cette partie du Kurdistan syrien, qu’on appelle le Rojova (constitué de trois cantons, dont Kobané). Il met l’accent sur les enjeux majeurs d’un conflit, dont les médias ont eu manifestement tendance à ne rendre compte que de façon parcellaire. Bien qu’un long temps se soit écoulé depuis ses trois séjours au Rojava, son témoignage, aux antipodes de tout sensationnalisme, n’en demeure pas moins précieux. Il permet de mesurer le chemin parcouru, ou non, en faveur de la paix, dans cette zone dévastée où s’entassent, dans des camps de fortune, des dizaines de milliers de réfugiés Kurdes. L’image de la Maison, celle qui a été détruite et celle qui hante leurs rêves et leurs cauchemars est du reste omniprésente dans le récit.

Anne Calmat

Sortie le 26 août 2021
VISUELS Copyright M. Sauloy, C. Baloup / Ed. Steinkis – Coll. Témoins du Monde – 128 p., 20 €

D’un album à l’autre…

En 2015, leurs faits d’armes avaient fait converger sur elles les regards du monde entier. Ne venaient-elles pas d’arracher Kobané à Daech ?

Copyright

Deux ans plus tôt, elles mettaient en place les Unités de défense des femmes (YPJ), dont la fondatrice, Sakine Canziz sera assassinée à Paris dans les locaux du Centre d’information du Kurdistan.

Elles poursuivent depuis leur combat contre les fondamentalistes de Daech, dans le Kurdistan syrien. Plusieurs centaines d’entre-elles sont devenues le visage de la Résistance aux oppresseurs, mais aussi celui de la libération des corps et des esprits face aux entraves que leur impose au quotidien une société patriarcale d’un autre âge. Elles viennent d’horizons ethniques et confessionnels différents et ne reconnaissent à aucune autorité, qu’elle soit religieuse ou non, le droit de décider de leur vie et de les traiter comme des esclaves – Une académie de « Rééducation des hommes par la culture » sera du reste créée à cet effet. « L’enseignement dure neuf mois… le temps de mettre au monde un homme nouveau ! » « C’est peut-être notre combat le plus difficile« .

Mylène Sauloy est allée à la rencontre de ces femmes en 2002, puis elle les a revues et a tourné le doc diffusé sur Arte le 8 mars 2016, avant de signer le scénario de cet album qui donne à voir celles qui depuis plusieurs années luttent sans merci contre ceux qui sèment le chaos et mort.

Difficile de rester extérieur-e à ce récit solaire aux images puissantes, on entre rapidement en osmose avec ces amazones du temps présent qui, à l’instar de leurs lointaines ancêtres, ont voulu prouver qu’elles étaient égales aux hommes, aussi courageuses et qualifiées au combat que leurs homologues masculins. En ce jour du 18 août 2021, on se prend à rêver que les femmes afghanes aient à cœur de les surpasser.

Anne Calmat

Après une enfance passée à Marrakech et quelques années en France, Mylène Sauloy part pour l’Amérique latine où elle vivra près de vingt ans. Elle y termine ses études d’architecture, obtient un doctorat en sociologie, travaille à différents livres. De retour en France, elle s’intéresse aux liens entre art et résistance, culture de résistance. En 2002, alors que l’intervention américaine en Irak se profile, elle décide d’aller y sonder l’humeur du PKK et découvre ainsi par hasard les maquis du Mouvement des femmes libres.

Après des études d’arts appliqués à Marseille, Clément Baloup intègre les Beaux-Arts d’Angoulême puis les Beaux-Arts de Hanoï. En 2006, il rejoint l’atelier de BD Zarmatelier. Il poursuit aujourd’hui son travail d’auteur, alternant voyages et résidences internationales. Il multiplie les collaborations avec d’autres auteurs, et mène en parallèle une activité d’enseignant des techniques de la BD en France, aux États-Unis et en Asie. Il a publié Un automne à Hanoï, La Vie en Rouge et Le Vaurien (La Boite à Bulles), Chîn Tri (Le Seuil), Le club du suicide (Soleil), Diables SucrésLa concubine rouge (Gallimard).