

Même pas peur ! D’ailleurs comment Lou, 12 ans, le pourrait-elle ? Elle en ignore depuis toujours jusqu’à la sensation. Elle ne comprend par conséquent pas pourquoi l’un de ses deux papas était dans tous ses états lorsqu’elle qu’elle a sauté à pieds joints sur la voie ferrée pour récupérer une peluche qu’un gamin venait de laisser tomber, alors que l’entrée en gare du direct de 18h47 était annoncée.
Ce n’est pas son premier exploit et il y a peu de chance que ce soit le dernier, aussi ses deux papas ont-ils décidé de l’amener chez le médecin.

Après moult examens, la sentence tombe : la faute en revient à une amygdale (pas celles auxquelles on pense) située dans l’hypothalamus : elle ne fait pas correctement son boulot. En résumé, le cerveau de Lou n’est pas équipé pour ressentir la peur.

Le bon docteur X propose pour elle une immersion de quatre jours dans le bien-nommé Institut P.E.T.O.C.H.E. (Peurs, Epouvantes et leur Traitement Organisé, Ciblé et Hautement Efficace) où une poignée d’ados souffrant d’angoisses et de phobies sont rééduqués au moyen d’un ensemble d’épreuves sur le mode « Fort Boyard ». Il espère qu’à leur contact Lou fasse surgir cette émotion qui lui échappe. Le monde de la peur irrépressible face à celui de l’impassibilité.
La voici maintenant plongée au cœur de l’action. Comment l’amygdale fauteuse de troubles va-t-elle se comporter ? Lou fera-t-elle ses preuves, sachant que celles ou ceux qui n’auront pas satisfait à l’examen final n’auront pas le droit de repartir ?


Les épreuves se succèdent, non dénuées d’une certaine forme de sadisme de la part de celle qui les a concoctées. Les camarades de Lou tremblent de peur cependant qu’elle reste de marbre. Quant à la nouvelle venue, la mystérieuse Mona aux cheveux bleus, tenue à l’écart par le groupe en raison de sa différence – sauf bien entendu par Lou qui lui tend une main secourable – elle ne laisse rien paraître…

Ce récit fictionnel, construit à partir à partir d’un cas réel et d’études scientifiques menées à l’Université de Lausanne, est illustré par Rémi Farnos. Les lecteurs de BdBD ont eu l’occasion de découvrir en 2016 et en 2017 deux de ses albums, Le Monde des Végétanimaux et Alcibiade (Voir Archives).
Cette histoire aussi intrigante que captivante aborde ici les thèmes essentiels de la peur de l’autre et de tout ce qui nous est étranger, et aussi ceux de la solidarité nécessaire entre les individus, de la désinformation et des idées reçues.
Anne Calmat
À partir de 10 ans. 144 p., 14,50 €

Roberto & Gélatine » Une grande histoire pour les grands » de Germano Zullo (scénario) et Albertine (dessin)



Les adultes se reconnaîtront probablement (et reconnaîtront leurs petits) dans cette histoire qui met en scène la petite Gélatine, bien déterminée à ce que son grand frère s’intéresse à elle et abandonne toute affaire cessante ce qu’il est en train de faire. En l’occurence l’écriture d’un roman. ‘Obê’to ! ‘Obê’too ! ‘Obê’tooo ! insiste Gélatine. De guerre lasse, Roberto abandonne son ordinateur et propose de lui lire une histoire. Mais ce n’est pas suffisant, Albertine en veut plus, toujours plus. Et lorsqu’il retourne à ses propres personnages, la petite fille décide de créer à son tour une histoire. Une histoire dans laquelle son frérot change totalement de visage…


Les séquences évoluent par petites touches, de façon presque imperceptible, comme lors de la fabrication d’un film d’animation : le coup d’oeil en biais du frère précède sa mine consternée, puis irritée. On l’entend distinctement râler intérieurement, comme on entend Gélatine l’houspiller. C’est tout simple, plein d’humour et de poésie, le duo Germano Zullo et Albertine fonctionne à nouveau à merveille (v. aussi Le Président du monde, archives BdBD, oct. 2016) et on a hâte de découvrir le second opus de la série Roberto & Gélatine.

A . C.
Tout public – 88 p., 14,90 €