de Wilfrid Lupano (scénario) et Paul Cauuet (dessin) – Ed. Dargaud, 60 p. en moy, 12 € ch. vol.
Au secours Carmen Cru a fait des petits !
Lupano et Cauuet, déjà couverts de prix divers, n’ont certes pas besoin de cette chronique pour connaître un succès mérité, mais il faut y insister : une plongée dans l’univers de ces trois vieux mal élevés, indociles et furibards est toujours un véritable bonheur et une thérapie de choc contre la morosité, les désillusions, le pessimisme ambiant.
Le trait est précis et sans concession pour les corps arthritiques et les crânes déplumés, les textes sont drôles, la langue, imagée.
On devient vite accros à cette bande de vieux insoumis dont l’amitié remonte à une enfance qui n’est jamais très loin. Ils ont décidé de ne pas finir comme des végétaux, mais au contraire de vivre la vie intensément jusqu’au bout, même si c’est en faisant braire leur prochain, surtout s’il est PDG d’un grand groupe ou représentant de la loi et de l’ordre.
Le dessin de Cauuet nous fait voyager dans le temps, et c’est merveille de retrouver dans ces septuagénaires tordus et décrépits, les silhouettes des gamins qu’ils furent, toujours prêts à faire les quatre-cents coups, pas toujours glorieux d’ailleurs
Les sauts dans le passé sont en nuances de gris, comme comme de vieilles photos.
Ça commence par l’enterrement de Lucette, qui laisse son Antoine inconsolable. Il faut dire qu’elle a du caractère la Lucette, et du cran dans son camion rouge transformé en petit théâtre de marionnettes ambulant, délicatement baptisé « Le loup en slip ».
Il est souvent question des usines pharmaceutiques Garan-Servier, qui ont tour à tour embauché puis viré nos protagonistes, sur fond de luttes syndicales et de contestation sociale.
Et puis il y a Sophie. La petite-fille de Lucette et d’Antoine s’apprête à mettre au monde un enfant, elle reprend aussi le théâtre ambulant de sa grand-mère… et le flambeau de la subversion.
Une chose à faire donc : se jeter sans plus attendre sur ces trois tomes, dont le dernier est paru en novembre.
Si le vieux rebelle fait vendre au ciné, en littérature et dans la BD, c’est que les anciens soixante-huitards commencent à avoir de la bouteille.
Mais il n’est pas seulement question de nostalgie et de luttes passées, cette trilogie s’ancre aussi dans le présent, celui des squats, des scandales, des grands groupes pharmaceutiques, de l’évasion fiscale et de l’état désastreux de la planète.
Les vieux fourneaux offrent aussi un regard sans concession, mais terriblement drôle, sur notre beau pays et le succès de la série indique bien qu’il s’agit d’une oeuvre authentiquement intergénérationnelle.
Danielle Trotzky
1 – Ceux qui restent (avril 2014)
2 – Bonny and Pierrot (oct. 2014)
3 – Celui qui part (nov. 2015)
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