
Quel avenir peut-on espérer lorsqu’on naît enfant unique, noir et aveugle, au fond d’un bayou de Louisiane en 1926, avec pour père un pauvre pêcheur ?

C’est sans compter sur le destin qui va offrir à Clétus deux opportunités. La première, sous la forme d’un enfant blanc, perdu, que le généreux Wilson Darbonne découvre lors d’une pêche, dissimulé sous une souche. Malgré les risques et les hauts cris de maman Delilah, cet enfant, qu’il baptise Bellérophon, devient l’inséparable compagnon de Clétus, ses yeux, son frère, son alter ego.

La seconde c’est que, lors de l’un de ses passages en ville, le pêcheur voit s’installer à côté de lui deux musiciens noirs, Wild Blind Commeaux et son fils Lester. Une idée lui traverse alors l’esprit : échanger avec eux le produit de deux pêches contre deux guitares.

Les garçons vont trouver dans la musique un mode de défoulement et d’expression qui les fait rêver de devenir à leur tour musiciens. Mais Clétus est plus doué que Bello et rapidement ce dernier passe au banjo.
Musiciens et chanteurs, ils sont un jour en âge de se produire dans les clubs de la ville, sous le nom des frères Darbonne. Ils remportent un franc succès, mais c’est encore Clétus qui recueille le gros des applaudissements. C’est alors que, rongé par la jalousie, Bello fait la rencontre d’une jeune Blanche prostituée. Cette fois le cadeau du destin est empoisonné, car elle fera éclater le duo et les entraînera tous deux vers un drame.

À travers l’histoire de ce génie du blues, dont une partie se déroule durant les années de guerre, Arnaud Floc’h nous montre à la fois le racisme et la misère noire, mais également la grandeur de ce peuple et la quintessence de lui-même, qui s’entend dans sa musique.

C’est également avec la guerre, cette fois du Viet-Nam, que se termine l’histoire.

Cette suite de planches colorées aux dessins réalistes déroule le film de l’histoire. Elle est suivie de portraits crayonnés de chanteurs et musiciens noirs, extraits du carnet d’Arnaud Floc’h. Nous devinons sa passion, qui lui fait dire que : « La nation noire est incontestablement maîtresse des Etats-Unis quoi qu’en disent les suprémacistes blancs ».

Nicole Cortesi-Grou
109 p., 19,50 €

Arnaud Floc’h est né le 26 octobre 1961 en Bretagne. Un an plus tard il arrive au Cameroun où il restera jusqu’à ses 16 ans. De retour à Brest en 1978, il « monte » à Paris. Il est d’abord illustrateur, sans avoir fait d’études de dessin, et fonde, en mai 2010, le festival de bandes dessinées Montargis coince sa bulle. En 2011, il reçoit le Grand Prix du festival Des Planches et des Vaches (Hérouville-Saint-Clair, Calvados), dont il devient le président l’année suivante. En 2015, il publie un premier roman graphique, Emmett Till. Mojo Hand est son deuxième roman graphique publié chez Sarbacane, accompagné d’une nouvelle édition d’Emmett Till (v. BdBD 21/08), déjà vendue à plus de 4 000 exemplaires. Il continue de se rendre régulièrement à Bamako depuis plus de vingt ans.
