
Texte et dessin GIPI* – Ed. Futuropolis (nouvelle édition.) Planches © Futuropolis
Les notes, elles sont rapportées par Julien, le fils à papa en rupture de ban, qui les enchaîne, l’une après l’autre devant une caméra… mais cela, c’est bien après…
D’abord, c’est un pays, pas loin du nôtre, dans un passé ou un futur proche, ravagé par la guerre. Les villages aux noms de saints : San Giuliano, San Martino, San Andrea, florissants le matin sont détruits la nuit. Trois adolescents en crise tentent d’y survivre, passant d’un village à l’autre pour y chaparder puis fourguer les produits de leur rapine.Qui sont-ils ? Un dur, P’tit Kalibre, un vrai méchant qui n’a peur de rien attendu qu’il a déjà tout vu dans la ZUS (zone d’ultras-sauvages) d’où il vient ; Christian l’orphelin, un doux suiveur qui n’en tient que pour la possession d’une maison ou d’un blouson. Et Julien, un fils de famille en fuite, dont les rêves explorent le futur.
Que cherchent-ils ? À prendre une revanche ? À trouver un toit ? À se prouver qu’ils existent ? À survivre envers et contre tout ?
Cédant à la tentation d’un pouvoir illusoire, le trio s’acoquine avec un groupe de miliciens dont le chef, qui prend P’tit Kalibre en sympathie, a tôt fait de leur confier quelques petites missions lucratives. L’argent facile, les mauvaises rencontres, la violence… l’engrenage se referme jusqu’à l’ultime fuite vers un monde où tout est permis et où tout se prend : celui de la guerre.
Les dessins noir et blanc, sec, anguleux, se présentent comme une série de croquis colorés à l’aquarelle grise. Les personnages ont un physique grossièrement tracé, ingrat, alors que les paysages sont eux, précis, réalistes. Nous croyons participer à un reportage de guerre. Mais la trame de l’histoire nous entraîne irrésistiblement dans la dérive romanesque d’adolescents livrés à eux-mêmes au sein d’une société violente, de non-droit. Nous accompagnons, souffle retenu, leur descente inexorable vers l’abîme, jusqu’à cette puissante scène finale… qui rattrape le rêve de Julien.Outre son talent, « le propos d’avant » dévoile un auteur sympathique qui nous livre avec simplicité comment la gloire s’est saisie de lui à l’en rendre malade, sous le regard de ses trois héros, goguenards.
Nicole Cortesi-Grou
144 p., 23 €
Planches © Futuropolis
- GIPI, Gian Alphonso Pacinotti est un pisan qui s’est fait connaître en France depuis 2005 avec quatre œuvres : Extérieurs nuit (Vertiges), Le local (Gallimard), Bons baisers de la province (Vertige) et Notes pour une histoire de guerre (Acte Sud). Il est actuellement illustrateur pour le quotidien italien, La Repubblica, pour lequel il a notamment illustré l’essai d’Alessandro Baricco, Les barbares.
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