En librairie le 1er septembre 2022 Copyright F. Matteuzzi (texte) & E. Benfatto (dessin) – Steinkis Ed, 122 p., 18 €
p. 25
« Notre métier n’est pas de faire plaisir, non plus que de faire du tort, il est de porter la plume dans la plaie. » Cette phrase d’Albert Londres était pour Anna Politkovskaïa une ligne de conduite. Née à New-York, enfant privilégiée de la Nomenklatura, la jeune Anna choisit le journalisme. L’année 1999 marque un tournant. Elle couvre le conflit en Tchétchénie pour Novaïa Gazetta et met, dès lors, le pied dans un engrenage qui va conduire à son assassinat sept ans plus tard.
« L’unique devoir d’une journaliste est d’écrire sur ce qu’elle a vu. » A. P.
C’est en Tchétchénie que débute le récit de ce roman graphique, hommage à une journaliste courageuse et à une femme déterminée qui fut et reste la voix de la Russie qui résiste. Les reportages sans concessions d’Anna Politkovskaïa, témoin oculaire du conflit qui opposait à cette époque les indépendantistes tchétchènes (assimilés par Moscou aux terroristes d’Al Quaïda) au régime de Vladimir Poutine, dont elle dénonçait les crimes contre l’humanité, ont scellé le destin de la journaliste.
Bien qu’ayant conscience que sa vie ne tenait qu’à un fil, et malgré son découragement face aux représailles que subissaient ses informateurs, elle mena son combat jusqu’au bout. Par éthique professionnelle et aussi pour que les jeunes générations sachent que résister à l’arbitraire est un devoir.
p. 32
Le 7 octobre 2006, jour anniversaire de la naissance de Vladimir Poutine, elle était assassinée dans l’ascenseur de son immeuble. Pour beaucoup, cet acte sonnait comme une nouvelle mise en garde à l’adresse des opposants à un pouvoir qui cultivait auprès de son peuple un esprit nationaliste et nostalgique de l’ère soviétique et des gloires passées de l’Empire tsariste.
p. 74
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Parce que chez nous, ça fonctionne ainsi. Si vous parlez, si vous révélez des faits que le régime veut dissimuler, vous êtes mort. Il y a les journalistes rééducables, ceux qu’on peut remettre sur la bonne voie (…). Ceux qui disent la vérité mènent une vraie guerre », lui fait dire Francesco Matteuzzi en page 51.
Quelques-uns des évènements majeurs qui ont traversé la décennie en question sont ici illustrés, comme par exemple la prise d’otages au théâtre de la Doubrovka (oct. 2002). On la voit qui négocie avec l’un des assaillants. Il lui dicte ses conditions de retrait, mais l’irruption des forces spéciales russes (qui ont introduit un agent chimique inconnu dans le système de ventilation du lieu) vient réduire à néant toute tentative de conciliation. Vient ensuite tragédie survenue dans l’école de Beslan, en Ossétie du Nord (sept. 2004). Elle est sobrement dépeinte par l’auteur à l’aide de quelques dessins de style naïf, sur un cahier d’écolier à petits carreaux : des militaires encagoulés, bâtons d’explosif à la main, terrorisent femmes et enfants. L’intervention des forces spéciales russes va une nouvelle fois mettre le feu aux poudres. La journaliste n’a rien pu faire. Elle espérait cette fois encore négocier avec les preneurs d’otages, mais elle en a été empêchée avant même d’avoir posé le pied sur le sol ossète.
Non rééducable, il faut la traiter en conséquence, a déclaré le maître du Kremlin…
E. Benfatto
F. Matteuzzi
Une BD toute simple, mais qui résonnait déjà à sa sortie comme un bel hommage à l’exigence et à la rectitude d’une femme qui ne faisait que son métier.
COMMUNIQUÉ – En librairie le 24 août 2022 – 19,90 €
« C’est en marchant que l’enfant apprend à marcher ; c’est en parlant qu’il apprend à parler ; c’est en dessinant qu’il apprend à dessiner. Nous ne croyons pas qu’il soit exagéré de penser qu’un processus si général et si universel doive être exactement valable pour tous les enseignements, les scolaires y compris« , écrivait Célestin Freinet dans Œuvres pédagogiques
À Vence, où le couple Freinet s’établit en 1934, les promenades au grand air, les visites chez les artisans sont autant de leçons sur le vif. Les classes vertes, les journaux, les exposés, autant d’initiatives qui font partie du quotidien des cours. Convaincus que pour changer la société, il fallait d’abord changer l’école, Célestin et Elise Freinet révolutionnent la pédagogie. Alors que l’enseignement traditionnel est centrée sur la transmission des savoirs, la pédagogie Freinet place l’élève au cœur du projet pédagogique. Elle prend en compte la dimension sociale de l’enfant, voué à devenir un être autonome,responsable et ouvert sur le monde.
Célestin et Elise posent ainsi les bases de la pédagogie moderne en mêlant expérience et autonomie. Leurs méthodes nouvelles bousculent et dérangent au début – comme la plupart des novateurs, « ils ont tort d’avoir raison trop tôt ». Cependant que leurs règles continuent d’inspirer encore aujourd’hui, à commencer par les deux auteur-e-s de cette bande dessinée.
Dans un tout autre domaine, mais avec un toile de fond une même ligne directrice : » Comment, sortir des sentiers battus aide à puiser en soi des ressourses insoupçonnées », on (re)découvre dans la foulée l’expérience, révolutionnaire en son temps et toujours originale, menée depuis 1956 à la Clinique de psychothérapie institutionnelle de la Chesnaie (Loir-et-Cher).
BD-REPORTAGE AU CŒUR DE LA TROISIÈME POPULATION – AURÉLIEN DUCOUDRAY – JEFF POURQUIÉ – ED. FUTUROPOLIS
Depuis mai 2018 – Copyright A. Ducoudray, J. Pourquié / Futuropolis -122 p., 19€
Depuis 1956, la clinique de psychothérapie institutionnelle la Chesnaie a développé un modèle thérapeutique sans construire de mur d’enceinte ni fermer ses portes. À la Chesnaie, établissement conventionné, les médecins ne portent pas de blouses blanches, soignants et soignés se côtoient de façon indifférenciée. « On ne sait pas qui est qui. Il faut se parler pour le découvrir » prévient l’infirmière. Car ce sont les échanges qui sont au coeur de la thérapie, « leur traitement, c’est avant tout de leur redonner une vie sociale, on est vraiment dans le soin individuel, à la carte ». Les décisions sont prises collectivement lors de réunions hebdomadaires (investissements prioritaires, sorties culturelles…), chacun y va de sa proposition. Dans ce lieu de soins, qui est aussi un lieu de vie, l’association Club de la Chesnaie tient une place prépondérante et rallie tous les suffrages. Créé en 1959, le club joue notamment le rôle d’interface avec l’extérieur, il est ouvert à tous et accueille spectacles et spectateurs, résidence d’artistes, d’écrivains, d’illustrateurs… Nombre d’ateliers (artistiques, sportifs, culturels) sont régulièrement proposés.
Après avoir brièvement décrit le fonctionnement de l’établissement, les deux auteurs s’attachent aux rencontres qu’ils ont faites. L’approche retenue est naturaliste : à quelques exceptions près, le lecteur les accompagne dans tous leurs déplacements. « À la Chesnaie on marche beaucoup, on trottine, on cavale, on crapahute, on traîne du pied, on clopine, on flâne, on trépigne, on tourne, on retourne, on détourne (…) Y en a qui vont quelque part, d’autres nulle part, y en a certains qui semblent chercher où aller, d’autres qui ont trouvé, y en a qui ont oublié où ils vont… et d’autres qui ne l’ont jamais su. » Cela donne lieu à des anecdotes cocasses ; le compte rendu graphique qu’en fait Jeff Pourquié met surtout en évidence le fait que la maladie mentale n’est la plupart du temps pas fatalement « visible » : l’agitation n’est pas la règle, celles et ceux avec lesquels Ducoudray et Pourquié interagissent n’expriment que rarement les troubles qui les habitent. D’ailleurs, lorsqu’ils le font, ils manifestent, à quelques exceptions près, plus d’angoisse que d’agressivité.
Le personnel est polyvalent. Il peut, selon un planning établi à l’avance, tout aussi bien affecté être à la distribution des médicaments, qu’au ménage ou à la préparation des repas. « On est sur des « missions » entre six mois et un an (…) On voit ainsi nos patients autrement que dans une relation figée ». Idem pour les patients, et pour nos deux bédéistes qui, dans le cadre de la répartition des tâches tournantes, vont ponctuellement être affectés aux fourneaux ou à la plonge. « Pourvu qu’on ne nous demande pas d’être psys ! »
Ducoudray et Pourquié décrivent avec humour et sans sensationnalisme les pathologies de ceux qui ont été pris en charge à la Chesnaie. Des visages, des mots, des attitudes, des parcours de vie. Les planches sont très denses, très dialoguées – sept cases en moyenne par planche. Trois pleines pages ont été plus spécifiquement dévolues à trois pensionnaires, avec quelques-unes de leurs représentations mentales en arrière-plan.
Un beau reportage qui tord le cou à quelques clichés sur la maladie mentale et porte haut les couleurs de l’humanisme. Ici patients et soignants s’enrichissent mutuellement et l’on rêverait que cette expérience, qui en France a été reproduite dans trois ou quatre établissements, devienne monnaie courante, avec ici un rapport nombre de patients/nombre de soignants défiant semble-t-il toute concurrence.
Copyright J. Lemire / Futoropolis COMMUNIQUÉ – En librairie le 24 août – 256 p., 27 €
Juin 2020 (v. Archives)
Après The Nobdy, inspiré du roman de G.H. Welles, L’Homme invisible (v. ci-après), Jeff Lemire revient avec ce roman graphique dans lequel le surnaturel côtoie le réel et où – comme c’est souvent le cas chez lui – les liens familiaux vont de paire avec le spleen de son personnage principal.
Will est obsédé par sa fille morte dix ans auparavant, et par son incapacité à se rappeler son visage et les événements importants qui ont jalonné sa vie. Ne lui reste en mémoire que ce pull trop grand pour elle qu’elle portait, et qui sentait la naphtaline…
Will en néglige toute socialisation, dans sa vie privée comme au travail. Jusqu’à ce qu’un mystérieux appel téléphonique au cœur de la nuit chamboule sa vie. L’appel lui indique que sa fille est toujours vivante, coincée dans le labyrinthe d’un livre de jeux qu’elle n’avait pas terminé. Convaincu que son enfant le contacte d’un espace qui se situe dans un monde intermédiaire, il va utiliser le labyrinthe inachevé dans l’un de ses journaux et une carte de la ville pour la ramener à la maison…
Jeff Lemire
Jeff Lemire est né en 1976 et a été élevé dans le comté d’Essex (Canada), près du Lac Saint-Claireau. Il publie à la fois pour la scène alternative et pour le grand groupe DC Comics, où il est principalement scénariste. Il a étudié le cinéma, puis décidé de poursuivre dans le comics lorsqu’il a réalisé que son tempérament solitaire ne collait pas avec le métier de réalisateur.
COMMUNIQUÉ – Roman – En librairie le 17 août 2022 (15 € ) Parution simultanée en version numérique (10€90)
“Il y a près de deux décennies, j’ai publié un récit où je clamais que j’étais encore puceau à vingt ans et des poussières. Quelle inventivité possède le déni ! Mensonge par lequel je baissais le rideau de fer sur un viol, une disparition (vécue comme un abandon), un passage à tabac (évoqué, lui, mais falsifié, comme désexualisé) qui fracturèrent mon adolescence et me hantent pour toujours« .
Trois souvenirs d’adolescence qui signent plus encore que la fin de l’innocence, la fin prématurée des promesses. Ce texte brûlant, le plus intime et le plus cru de Daniel Arsand, peut se lire comme le making of de son incroyable roman, « Je suis en vie et tu ne m’entends pas« .
Mais aussi, comme le résumé de toute une vie ou sur les effets des violences sexuelles sur la vie et la construction de ceux qui les subissent. Quelque part dans ce texte, Daniel Arsand écrit : “Il n’est pas en moi que des orages, il n’est pas en moi que des ruines.”
Et pourtant, on peut lire Moi qui ai souri le premier comme une visite privée de ces orages et de ces ruines laissés en lui par trois rencontres déterminantes, trois souvenirs d’adolescence qui sont aussi des possibles trahis, qui signent, plus encore que la fin de l’innocence, la fin prématurée des promesses. Débusquer la lumière, la force, la beauté au-delà du saccage – c’est sur le terrain du langage réinventé que s’érige, entre résistance têtue, secret livré et liberté farouche, ce bref livre éblouissant.
« Il y a moins longtemps que cela, j’ai entrepris un roman sur les massacres d’Adana (1909) qui préfiguraient le génocide arménien. Je tentais par des mots et des histoires de dialoguer avec le silence que garda mon père, Hagop Arslandjian, sur ce qu’il avait vécu. Brusquement j’en interrompis la rédaction, la suspendis pour quelques semaines. Le silence paternel venait de me renvoyer, violemment et sans échappatoire, à celui que j’observais sur ce que j’avais vécu à quatorze, quinze ans. J’écrivis d’un jet un viol, une disparition et un passage à tabac. Je me crus en règle avec moi-même et remisai les pages dans un tiroir.
Et puis j’écrivis la renaissance d’un « triangle rose » après Buchenwald.
Et puis j’appris, désespéré et découragé, qu’en Tchétchénie on internait les pédés dans un camp où ils étaient torturés, liquidés, et si on les libérait c’était pour que les familles prennent le relais d’une destruction. Durant des mois et des mois, je ne sus plus comment écrire une histoire, ce qu’était simplement écrire. Un jour, enfin, j’ai ressorti d’un certain tiroir un certain texte que je me mis à retravailler dans ma bienfaitrice solitude, essayant de l’intensifier, et je regardai en face ce qui avait été. Et je dis ce que j’avais à dire.”
À PROPOS DE L’AUTEUR
Portrait de l’écrivain Daniel Arsand en juin 1998, France. (Photo by Louis MONIER/Gamma-Rapho via Getty Images)
Éditeur et écrivain, Daniel Arsand est l’auteur d’une douzaine d’ouvrages, dont notamment La Province des Ténèbres (Phébus, 1998, et Libretto, prix Femina du premier roman), En silence (Phébus, 2000, et Ivresse du fils (Stock, 2004), Un mois d’avril à Adana (Flammarion, 2011, prix Chapitre du roman européen) et, le plus récent, Je suis en vie et tu ne m’entends pas (prix Jean-d’Heurs du roman historique, prix littéraire des Genêts, prix du Roman gay), paru aux éditions Actes Sud en 2016.
En librairie le 27 mai 2022 – Copyright Diego Agrimbau (scénario) Juan Manuel Tumburús (dessin, couleurs) / Dargaud. 80 p., 16,50 €
1917. Durant la Première Guerre mondiale, quelque part en Europe.
Dans un orphelinat, apparemment vidé de la plupart de ses occupants, vivent, ou plutôt survivent un frère et sa sœur, Otto et Ofélia, à la merci du fils des anciens propriétaires des lieux, Maurice, un être dont la cruauté et le cynisme peuvent être sans limites, dont ils sont à la fois les victimes et les complices. Tous trois se nourrissent de chair humaine, celle des soldats blessés et affaiblis qui se sont égarés dans les bois alentours. Otto et Ofélia leur font miroiter un repas chaud, les mettent en confiance et les ramènent à l’orphelinat. En un rien de temps, la hache de Maurice s’abat sur leur nuque et ils passent de vie à trépas.
Nul doute que c’est le sort que le maître des lieux réserve aux deux enfants lorsqu’il jugera qu’il a assez de provisions pour attendre la fin de la guerre.
On découvre quelques planches plus tard qu’ils ne sont pas les seuls survivants dans ce monde apocalyptique décimé par le typhus, et que quelque part, dans les « limbes » de l’énorme bâtisse, des poupées énuclées attendent qu’on leur rende leurs yeux pour renaître à une forme de vie. Comme le font les zombies. Et qu’il en est de même pour les parents et les frères et soeurs de cet adolescent au cœur d’airain – mais cependant vulnérable, tassées sur un canapé, totalement inexpressifs.
Otto le trouillard parviendra-t-il à dérober le bocal rempli des globes oculaires que Maurice a arrachés à ses victimes comme autant de trophées ? Qu’adviendra-t-il de tous ceux qui n’étaient déjà plus qu’un souvenir ?
Un scénario et des images d’une force émotionnelle inouïe qui hantera probablement celles et ceux qui partiront à la rencontre de ce monde à la fois cauchemardesque et captivant.
Anne Calmat
Les auteurs
D. A.
Diego Agrimbau (scénario) réalise des bandes dessinées depuis le début des années 1990. Après diverses expériences d’auto-édition, il devient scénariste de bande dessinée en 2003. Il est aujourd’hui considéré comme l’un des artisans du renouveau de la bande dessinée argentine.
Narrateur aux multiples talents, il a collaboré au cours des dix dernières années avec de nombreux dessinateurs et écrit pour des genres aussi distincts que la science-fiction, l’érotisme, les récits du quotidien ou la bande dessinée jeunesse.
Son travail a été primé à des nombreuses reprises : il a notamment reçu le Prix Utopiales 2005 et Premio Solano López 2010 pour « La Burbuja de Bertold » (« La Bulle de Bertold ») ; I Premio Planeta DeAgostini de Cómics 2009 pour « Planeta Extra » ; Creacomics 2009 pour « La Última Gota ».
Il a été accueilli en résidence à la maison des auteurs avec le dessinateur Lucas Varela pour « Diagnostics » (Tanibis, 2013), un album d’histoires brèves dans lesquelles les personnages souffrent de troubles psychiatriques. Chacun des récits explore différents dispositifs narratifs du langage de la bande dessinée.
En 2019, la collaboration entre les deux hommes continue avec un récit de science-fiction post-apocalyptique très attendu, « L’Humain » (Dargaud, 2019).
En 2022, il s’associe à Juan Manuel Tumburus autour du présent titre, « Les Yeux perdus », de nouveau aux Ed. Dargaud.
J-M. T.
Juan Manuel Tumburús (dessin, couleurs)est né à Buenos Aires, en Argentine, en septembre 1981.
Il est illustrateur, caricaturiste et directeur artistique.
Il a commencé dans l’industrie du spectacle à l’âge de 20 ans, dans un studio dans un studio d’animation.
Il a travaillé sur trois longs métrages d’animation, des dizaines de publicités et plusieurs publications de bandes dessinées, notamment pour des éditeurs tels que Dark Horse Comics, Heavy Metal et Dargaud en 2022, avec les « Yeux Perdus »
Il est actuellement directeur de la création de « Blu y orgulloso padre de Dante ».
À partir du 22 avril 2022 – Copyright E. Boré (sc.), Vincent (dessin)/ La Joie de Lire – Dès 5 ans
SAUF QUE…
dans son fort intérieur, Jean-Blaise était un oiseau. Et il entendait bien le prouver à ses « congénères ».
Jean-Blaise décida alors de mener une vie d’oiseau, dormant assis, la tête penchée et dissimulée sous sa patte, comme le font les hérons ; faisant sa toilette en se roulant dans l’eau, puis en gonflant ensuite son pelage pour le faire sécher, comme le font les canards ; s’élançant du sommet d’un arbre, tel un colibri, et faisant un vol plané…
Quant à chanter comme un pinson, ce fut une autre histoire. Face à cet échec, et à celui de prouver qu’il était bien celui qu’il prétendait être, et face à l’obstination de ses amis volatiles à lui démonter le contraire, Jean-Blaise fit une déprime carabinée. « Pauvre Blaise ! » aurait dit de lui la Comtesse de Ségur (private joke à l’attention des grands-parents qui liront cette chronique, avant d’offrir l’album à leurs petits-enfants).
Cette fable aux accents anthropomorphiques renvoie à la question des différences et à leur difficile acceptation de la part de ceux qui ont un avis bien tranché sur toute question. Elle illustre l’éternel débat entre l’être et le paraître, entre la nécessité (ou non) de faire coïncider à tout prix son apparence extérieure avec son ressenti intérieur, et de vivre sereinement cette dichotomie.
Il est heureusement des rencontres qui aident à y parvenir. Ce merveilleux album participe à sensibiliser les adultes de demain à ces questions, qui semblent pourtant d’un autre âge…
Anne Calmat
À partir du 22 avril 2022 – Ed. La Joie de Lire – 80 p., 15,90 € – Lecture accompagnée, dès 6 ans.
Communiqué – Nous vous recommandons également Comment fait-on les bébés ? d’Anna Fiske, traduction Aude Pasquier.
Il arrive toujours un moment où les enfants s’interrogent, mais comment fait-on les bébés ?
Avec humour et intelligence et pas mal d’audace, l’album répond sans tabous à la question. Anna Fiske ne craint pas de montrer les corps tels qu’ils sont, dans toute leur diversité. Grâce à son style ludique, souvent proche de la bande dessinée, l’artiste norvégienne amuse les enfants et leur apprend l’essentiel : Quand on veut faire un bébé, tout commence par de l’amour.
Préface Cécile Ottogalli-Mazzacavallo, enseignante-chercheuse au Laboratoire sur les Vulnérabilités et l’Innovation dans le Sport (LVIS) de l’Université de Lyon1.
Copyright Ed. Lapin – 80 p., 9 € – Sortie le 13 mai 2022
Depuis #metoo, les discussions à bâtons rompus sur l’égalité des sexes et les discriminations envers les femmes ont montré que l’égalité des sexes n’est pas encore là. Restera-t-il des différences physiques indépassables entre les hommes et les femmes ? Quand on y regarde de plus près, il s’avère qu’on a du mal à différencier « plus fort » et « mieux entraîné », « plus fort » et « socialement avantagé » et, voire à différencier « femme » et « homme »… Rien n’est clair, dans cette histoire de sport, de sexe et de genre…
Heureusement, les lapins sportifs de Phiip, guidés par la prose rigoureuse et scientifique d’Isabelle Collet, vont décrypter pour nous les mécanismes du sexisme dans le sport, et proposer des pistes pour le futur.
L’histoire des sportives est celle d’un combat ! Sans doute est-il nécessaire de rappeler qu’être sportive, en France comme ailleurs, a été et demeure toujours un sport de combat ! Effectivement, nombreux sont les travaux en histoire et/ou en sociologie du sport depuis une vingtaine d’années qui attestent combien le mouvement sportif et olympique a participé́ et participe encore à « menacer (les femmes)de façon ponctuelle ou régulière, dans leur autonomie, leur dignité ou leur intégrité physique ou psychique », comme le souligne Thierry Terret en 2013 dans l’ouvrage Sport, genre et vulnérabilités au XXe siècle.
Ainsi, les sportives ont lutté contre trois catégories d’inégalités. En premier lieu, des inégalités d’accès aux institutions sportives et aux compétitions (notamment les plus prestigieuses) que celles-ci organisent.
À titre d’exemple, rappelons qu’il faut attendre 1970 pour que des femmes soient autorisées à prendre une licence sportive à la Fédération française de football ; 1984 pour qu’elles soient autorisées à courir le marathon olympique et 2014 pour qu’elles récoltent des médailles olympiques au saut à ski… Si ces inégalités d’accès tendent aujourd’hui à disparaître lorsqu’il s’agit des terrains sportifs (toujours pas de femmes au départ d’un Grand Prix de Formule 1…), elles sont toujours d’actualité lorsqu’il est question d’accès aux fonctions de dirigeantes ou d’entraîneures, a fortiori aux niveaux national et international. Rares sont les femmes à accéder à des postes à haut pouvoir décisionnel, si bien qu’on ne parle pas seulement de plafond de verre, mais aussi de plancher qui colle dans le milieu sportif comme ailleurs ! En second lieu, des inégalités de traitement sont à l’œuvre dans la mesure où les sportives sont souvent sous-dotées à tous les niveaux pour s’entraîner et performer. Moins de sections dites féminines, des budgets moindres, moins de créneaux horaires, moins d’encadrant·es qualifié·es, etc., contribuent, de façon sournoise, car souvent passée sous silence, à complexifier leur engagement dans le sport.
Enfin, des inégalités de reconnaissance perpétuent la croyance d’une moindre valeur des femmes et/ou du féminin dans le sport. Leurs performances sont alors parfois déconsidérées (si une femme l’a fait, c’est que c’était pas si dur que cela… ou wouah ! c’est fort pour une femme !), parfois invisibilisées (qui sait que Sarah Thomas détient le record de traversée de la Manche avec deux allers-retours entre Douvres et le cap Gris-Nez en 54 h de nage ?). Pas toujours facile d’être sportive, surtout lorsque celle-ci transgresse les standards de la « bonne féminité » ou s’aventure dans des bastions de masculinité comme le rugby, la boxe, le cyclisme ou les échecs (car oui, c’est un sport) !
En 2022, est-il encore possible d’ignorer ces inégalités, ces discriminations et même ces violences à l’encontre des femmes (voir l’enquête publiée dans Disclose le 11 décembre 2019 qui révèlent les cas de violences sexuelles dans le sport) ? Des prises de conscience s’opèrent et, progressivement, les lignes bougent. Depuis 2013, des plans de féminisation se développent au sein de certaines fédérations sportives françaises pour promouvoir des actions en faveur des femmes et jeunes filles (cette dynamique a permis à la Fédération française de football de tripler le nombre de ses licenciées en moins de 10 ans, passant de 50 000 en 2011 à 200 000 en 2019). Depuis 2014, une politique des quotas est mise en place en vue d’augmenter progressivement le nombre de femmes dans les comités exécutifs des fédérations sportives. En février 2022 est adoptée (non sans difficulté) la loi Sport fixant pour 2024 l’objectif de parité dans les instances nationales du sport et pour 2028 à l’échelon régional. Enfin, dans le cadre du plan impact et héritage des Jeux olympiques de Paris 2024, l’état français crée le label « Terrain d’égalité » qui sera attribué aux organisateurs d’événements sportifs qui respecteront une vingtaine de critères et d’actions destinés à promouvoir la parité. Bien sûr, ces avancées ne sont que partielles et de nombreux problèmes ou limites demeurent. Les plans de féminisation ne sont, pour l’heure, ni obligatoires, ni sources de sanctions si une fédération décide de ne rien ou peu faire ; les personnes en charge des dossiers sont souvent peu formées aux problématiques et méthodes en études de genre ; les femmes sont plus souvent secrétaires que présidentes lorsqu’elles intègrent le comité exécutif d’une fédération sportive… La liste serait longue. Parmi les axes d’action possibles, celui de la formation m’interpelle particulièrement. Effectivement, en tant qu’enseignante-chercheuse, dit Isabelle Collet, je suis convaincue que l’égalité femmes/ hommes ne s’improvise pas. être volontaire et/ou de bonne volonté est une chose, être formé·es (et encore mieux qualifié·es) aux théories et aux méthodes permettant d’analyser et de remédier aux inégalités en est une autre. Aujourd’hui, il est impératif de multiplier les formations au genre à destination de tous les agent·es, (salarié·es ou élues) du mouvement sportif et de faire de l’égalité femmes/hommes un métier. Il est aussi impératif d’informer et d’impliquer les plus jeunes : leur dire que tous et toutes ne prennent pas le départ sur la même ligne et leur permettre d’identifier les obstacles tout comme les moyens de les déconstruire.
Avec humour, Sexisme Man œuvre à cette ambition éducative, ludique et esthétique. Entre les mots concis et percutants d’Isabelle, et le trait fin et incisif de Phiip, Sexisme Man contribue à éveiller de nouvelles consciences et à nourrir les engagé·es de demain.
Isabelle Collet est professeure en sciences de l’éducation à l’université de Genève et directrice du groupe de recherche « Genre, Rapports intersectionnels, Relation éducative » (G-RIRE).
Philip dessine des lapins qui luttent contre le sexisme et publie des livres. Il est le fondateur des éditions Lapin. (V. interview https://youtu.be/L-BuvFOXWdA
Sortie le 8 avril 2022 – Copyright S del Giudice (scénario et dessin) / Dargaud – 140 p., 18 €
L’histoire débute en 1937, Yaël (la narratrice) a huit ans, sa sœur Émile, trois de moins. Aucune ombre ne vient ternir le bonheur de cette famille en apparence unie, si ce n’est peut-être l’attitude que les grands-parents maternels affichent à l’encontre de leur gendre, qu’ils qualifient avec réprobation de « goy » (de non-Juif).
La vie des deux fillettes va basculer une première fois lorsque leur mère décède et que leur père se remarie avec la blonde Ophélie. Nous sommes en 1939. Pour elles, cette usurpatrice, à qui elles trouvent tous les défauts, ne saurait remplacer la disparue.
14 octobre 1940, promulgation du statut des Juifs
Mais rapidement, le principe de réalité de la guerre qui vient d’être déclarée entre la France et l’Allemagne, avec ses premiers décrets antisémites, relègue au second plan leur ressentiment contre la jeune femme ; si bien que sa présence apaisante aide à juguler l’inquiétude que l’absence du père, parti au Front, provoque chez ses deux filles.
Mais voilà que déjà un bruit de bottes résonne dans l’escalier qui mène à l’appartement qu’occupent Ophélie, Yaël, Émilie et la dévouée Mme Petit…
Simplicité du trait, fluidité, du récit, justesse des dialogues, aucune fausse note. La dernière planche est admirable.
Anne Calmat
Sara del Giudice est née à Milan en 1998. Depuis toute petite elle rêve de devenir autrice de livres pour enfants. Après avoir obtenu un diplôme à l’IED de Milan en Illustration, elle a choisi de suivre un master de BD à l’École supérieure de l’Image d’Angoulême. Forte de son parcours, elle se lance dans la réalisation de sa première BD, Derrière le rideau, qui à bien des égards évoque Le Journal d’Anne Frank.
Depuis février 2022 – Copyright S. Otero / Ed. Ça et Là –336 p., 25 €
Argentine, 2001. Rocio, sa mère, son père et son frère s’avancent à pas lents dans les allées du cimetière, tenant à bout de bras le cercueil de Vilma. Pourquoi la grand-mère de Rocio est-elle enterrée sans aucun autre membre sa famille ? Probablement en raison du caractère épouvantable de cette femme qui s’était peu à peu coupée du monde, ne gardant qu’un lien étroit avec sa petite-fille. Et pourquoi ce caractère épouvantable ? On apprend que la vie de Vilma dans la société patriarcale argentine du début du XXe siècle a été une longue suite de désenchantements et de sacrifices, qui l’ont progressivement rendue acariâtre.
Rocio décide d’emménager dans la maison qu’occupa Vilma ; une belle opportunité dans un pays qui connaît une forte crise économique et politique. La jeune femme voit alors ressurgir une multitude de souvenirs qui vont lui permettre de retracer le parcours de cette immigrante italienne, humiliée, trahie, étouffée sous les conventions sociales qui prévalaient dans l’Argentine des années 1920. Rocio va aussi prendre la mesure des tragédies qu’a vécues sa famille et mettre en perspective son propre itinéraire. Ce sera l’occasion pour elle de se questionner sur ses choix de vie, sur l’intensité de ses amitiés, sur ses relations avec ses parents. L’occasion aussi d’aborder la question du genre et de la sexualité et des aspirations profondes de chacun.
Sole Otero livre ici un ample récit d’une grande tendresse sur le temps et la famille. La narration sur plusieurs époques, l’inventivité du découpage et de la mise en scène, les jeux sur les couleurs, font de ce roman graphique une jolie découverte. Point névralgique du récit, la maison familiale rassemble aussi bien qu’elle enferme celles et ceux qui l’habitent ou l’ont habitée…
Sole Otero (née en 1985, à Buenos Aires) est autrice de bande dessinée, illustratrice jeunesse et designer textile. Diplômée de l’Université de Buenos Aires en design textile en 2010, elle a enseigné la broderie, le tricot et la création en feutrine. Son travail d’illustratrice jeunesse l’a amenée, depuis 2006, à publier à l’international (Chili, Pérou, Brésil, Colombie, Bolivie et Finlande). Autrice de plusieurs bandes dessinées en ligne, son premier album La pelusa de los días paraît en Espagne en 2015. Elle a depuis réalisé six albums parmi lesquels Naftalina, lauréat du Prix FNAC-Salamandra 2019, que la maison d’édition française çà et là publiera en 2022 et Intense, publié en juin 2021 aux éditions Presque Lune. Elle a fait partie du collectif latino-américain Historietas Reales ainsi que du collectif international Chicks on comics. Elle a enseigné l’illustration traditionnelle et numérique ainsi que la bande dessinée et dispense actuellement un cours sur la couleur pour le site Domestika. Sole Otero est actuellement en résidence à la Maison des Auteurs d’Angoulême où elle travaille sur son nouveau projet de bande dessinée dans lequel elle explore un autre genre ; le réalisme magique.
Depuis. le 17 mars 2022 – Copyright P. Senges (scénario) & Serge Bloch (illustrations) / La Joie de Lire – Dès 6 ans, 80 p., 24,90 €
Un Livre CD qui donne à voir l’enfance du petit Jean-Baptiste Poquelin, avant qu’il ne devienne Molière, lu par Arnaud Mazorati et interprété par Les Lunaisiens et Les Pages du Centre de musique baroque de Versailles.
Frédéric Ladone
Les plus anciens n’auront pas oublié la part belle que la metteuse en scène-cinéaste, Ariane Mnouchkine fit au jeune Jean-Baptiste dans son film, Molière (1978). On assiste aux déambulations du presque adolescent dans le Paris de Louis XIV, où il va se nourrir de théâtre populaire, de l’art des bateleurs, des forains… Ce que voit alors le jeune Molière en herbe déterminera le destin du grand homme de théâtre français qu’il deviendra par la suite.
Parcourons maintenant l’album de Pierre Senges.
Jean-Baptiste, suivi de son grand-père, fou de théâtre (il aura tôt fait de détourner son petit-fils du destin universitaire que Jean Poquelin, tapissier du Roi, envisageait pour lui) a hâte d’atteindre le Pont-Neuf où le théâtre de la vie s’étale « en majesté » sous les yeux de tous les Parisiens.
Le Pont Neuf : « Un théâtre à ciel ouvert. On est sûr d’y voir des marchands d’onguents, des mimes, des acrobates, des jongleurs… » p. 16
Jean-Baptiste et Louis Poquelin partis à la découverte de » toutes les merveilles qui se trouvent au centre de la ville ». p. 10
Marchand de remèdes miracles p. 18
C’est tout un éventail de sensations et une galerie de portraits que l’enfant, curieux de tout, va engranger, et qu’il restituera plus tard dans ses comédies.
Une autre scène nous attend quelques pages plus loin, au Jeu de Paume du Marais, où, dans le calme d’un vrai théâtre, avec une scène, des coulisses, un acteur en costume, tout maquillé de blanc est en train de répéter son texte. Il s’agit de Montdory, prince des acteurs, directeur de ce que sera notre actuel théâtre du Marais… Il prédit à ce gamin terrorisé, incapable d’articuler une réplique de la Médée de Pierre Corneille… un avenir dans la comédie.
Nous n’en dirons pas plus, si ce n’est que la simplicité du récit, des images et des sons est un un bain de jouvence pour celles ou ceux qui auront entre les mains ce merveilleux petit bouquin. Plongez-vous donc sans tarder dans ce récit, hommage au célèbre dramaturge dont on fête le 400è anniversaire de sa naissance, et entraînez dans votre sillage toutes celles et ceux, qui ensuite vous en remercieront. Un grand bravo également à Arnaud Marzorati et aux musiciens du Centre de Musique Baroque de Versailles, sans qui ce livre n’aurait peut-être pas eu tout à fait la même aura. https://youtu.be/9-7RhkVBfhQ
Il n’est pas rare qu’un auteur ou une autrice de bandes dessinées, ayant officiellement cessé d’en faire vingt ans auparavant, continue d’exercer une réelle fascination sur les bédéistes. Cela devient plus rare lorsqu’il s’agit d’une autrice underground. C’est le cas de la reine de la provocation, Julie Doucet. Active entre 1987 et 1999, à une époque où les dessinatrices n’étaient pas légion, surtout à se situer sur le terrain de l’esthétique trash, avec elle tout y passe : cycle menstruel, masturbation, changement de sexe, serpent à pipe, etc.
La conception éditoriale et graphique de Maxiplotte a été réalisée par Jean-Christophe Menu, premier éditeur de Julie Doucet en France et co-fondateur de L’Association, en étroite collaboration avec l’autrice québécoise. Véritable panorama de l’évolution de son travail, Maxiplotte rassemble des travaux réalisés au cours de ses douze années d’activité d’autrice de bande dessinée. S’y déploie une œuvre à la fois subversive, féministe et fantaisiste. Julie Doucet évoque crûment et avec humour la vie du corps – des règles au désir sexuel en passant par les crottes de nez, les stéréotypes de genre, ses expériences de jeune femme, sans oublier sa vie onirique qu’elle relate abondamment. En noir et blanc, les récits s’épanouissent au fil de cases aux décors minutieusement élaborés, peuplées de personnages aussi insolites qu’attachants.
Julie Doucet
Julie Doucet est certainement l’auteure québécoise de BD la plus connue du monde. Ses bandes sont publiées en anglais, en français, en allemand, en finlandais et en espagnol. De plus, ses planches originales ont été exposées dans plusieurs villes tant au Canada qu’aux États-Unis, en France et au Portugal. Née à Saint-Lambert le 31 décembre 1965, Julie Doucet étudie en arts plastiques au cégep du Vieux-Montréal au début des années 1980. C’est dans cet établissement, à la faveur d’un cours sur la bande dessinée, qu’elle commence à s’intéresser à cette forme d’art. Doucet obtient son diplôme d’études collégiales, puis s’inscrit à l’Université du Québec à Montréal où elle étudie les arts d’impression et les arts plastiques. À cette époque, Yves Millet publie la revue Tchiize! (bis) (sept numéros de 1985 à 1988), une des seules revues à ne pas être exclusivement consacrée à la bande dessinée d’humour. Julie Doucet fait paraître une première histoire courte dans le deuxième numéro et récidive dans les numéros suivants. Entre 1988 et 1990, elle collabore aux deux numéros de L’Organe (qui devient Mac Tin Tac en 1990) ainsi qu’à Rectangle, revue de rock francophone et de BD. Ces deux revues marquent l’émergence d’une nouvelle génération d’artistes montréalais underground dont font partie Doucet, Henriette Valium, Al+Flag, Marc Tessier, Alexandre Lafleur, Simon Bossé, Luc Giard, Siris, Jean-Pierrre Chansigaud, R. Suicide, etc. En septembre 1988, Julie Doucet fait le grand saut et crée son propre fanzine, Dirty Plotte, de format variable (et au titre tout aussi variable : Dirty Plotte Diet, Mini Plotte, Dead Plotte) qui paraît jusqu’en juin 1990 (quatorze numéros). C’est dans ces pages que Doucet met au point son style personnel de narration. Elle y entretient les lecteurs de ses fantasmes (réels ou inventés) et de ses angoisses, mais aussi de ses rêves, qu’elle note dans un journal personnel.
En Librairie le 17 mars 2022 – Copyright M. Ozkul, R. Phildius, J. De Clerck, J. Sacco (couverture) / La Joie de Lire – 136 p., 19,90 € – À partir de 10 ans
lls sont trois à avoir quitté leur pays d’origine et s’être retrouvés dans un centre d’hébergement collectif. À Genève pour les deux premiers, à Fribourg pour le troisième: Lela, Sri et Ali, venus respectivement de Georgie, du Sri Lanka et d’Afghanistan. Leur parole a été recueillie par trois étudiants de l’ESBDI*.
École Supérieure de Bande Dessinée et d’Illustration.
Lela
Trois rencontres entre images et mots – y compris ceux que l’on « entend » en filigrane – qui démontrent de façon éclatante ce que les humains sont capables de faire pour assurer la survie des leurs, ou pour, comme c’est le cas de Sri, atteindre au droit élémentaire d’étudier.
Sri
Nous faisons la connaissance de Lela, prête à tout pour sauver la vie de son époux et protéger son noyau familial. Puis c’est au tour de Sri, d’origine tamoule dans un pays à majorité cinghalaise, en danger sur sa terre originelle, coupé des siens depuis près de deux décennies et ne parvenant jamais à réunir les sommes nécessaires pour la faire venir en Occident…
Ali (détail p. 98)
Et enfin celle du jeune Ali, 20 ans, venu d’une région d’Afghanistan dans laquelle il n’y a ni école secondaire ni, bien sûr, d’université. Un pays où, selon les contrées traversées, l’origine ethnique devient un obstacle supplémentaire et où la fatidique case départ se rappelle sans cesse aux aspirants à une vie meilleure.
Un roman graphique percutant et nécessaire autour d’une actualité malheureusement brûlante.
Publié en 2015, dans le contexte de la guerre du Donbass qui opposait déjà l’Ukraine et la Russie par le truchement des séparatistes pro-russes de la région, puis réédité en mars 2021, la lecture de cet album apparaît comme la répétition générale de la guerre qui se déroule en ce moment en Ukraine. http://www.ruedumonde.fr/
Ou comment raconter la guerre aux enfants. Rondo est une ville où les fleurs chantent et donnent des concerts dans une grande serre musicale. Trois amis, Danko (une ampoule au cœur lumineux), Fabian (un ballon rose en forme de chien) et Zirka (un oiseau de papier) vivent au soleil une vie parfaitement heureuse, quand surgissent les tanks, les hélicoptères et les bombes. Dès lors, tout s’assombrit, les planches de l’album deviennent noires. C’est la nuit partout, les trois amis ont l’idée d’éclairer la guerre pour enfin pouvoir en sortir.
Danko
Romana Romany-Shyn et Andriy Lesiv
Ils vont défendre de façon très créative leur si jolie ville en construisant une incroyable machine destinée à aveugler la guerre et les plantes noires que partout elle sème… C’est ainsi que la lumière de l’inventivité va l’emporter sur les ténèbres.
Et même si la guerre laisse inéluctablement des cicatrices, nous verrons le chant des fleurs renaître sous la grande serre musicale de Rondo.
Un album étonnamment espiègle et innovant pour un sujet grave, vécu de l’intérieur par ses deux auteurs ukrainiens.
Le Musée des Arts Décoratifs présente la première grande exposition en France consacrée au Petit Prince, chef-d’œuvre intemporel de la littérature. Plus de 600 pièces célèbrent les multiples facettes d’Antoine de Saint-Exupéry : écrivain, poète, aviateur, explorateur, journaliste, inventeur, philosophe, porté toute sa vie par un idéal humaniste, véritable moteur de son œuvre.
À l’occasion de cet hommage exceptionnel, le manuscrit original, conservé à la Morgan Library & Museum à New York et jusqu’alors jamais présenté au public français *, est mis en regard d’aquarelles, esquisses et dessins – pour la plupart inédits – mais également des photographies, poèmes, coupures de journaux, carnets de route, aquarelles, photos de famille, correspondances épistolaires,… correspondances. Le Petit Prince, dernier ouvrage édité du vivant de Saint-Exupéry, écrit et publié aux États-Unis en 1943 mais paru en France en 1946, est depuis lors un succès qui traverse les frontières et les époques, porteur d’un message universel.
Si le manuscrit du « Petit Prince » s’est retrouvé aux États-Unis, c’est parce que Saint-Exupéry y est parti en 1940. « Ses éditeurs américains lui ont proposé d’écrire un conte pour Noël 1942. Il est finalement publié, avec du retard, en avril 1943 », explique Alban Cerisier, historien de l’édition, commissaire de l’exposition. « Ce livre a été écrit aux États-Unis, entre New York et Long Island. Quand il est reparti en Afrique du Nord, pour rejoindre ses camarades militaires, il a confié le manuscrit à une ‘tendre amie’, qui l’a gardé pendant plusieurs années, et elle a finit par le vendre à la Morgan Library, une grande institution de conservation. »
Le Petit Prince est écrit durant son exil aux États-Unis et y est publié, en français et en anglais, en 1943. Ce n’est qu’en 1946 qu’il paraît, à titre posthume, dans la patrie de Saint-Exupéry. Une plongée dans l’enfance d’Antoine de Saint-Exupéry ouvre le parcours, retraçant la vie de l’auteur depuis sa naissance, le 29 juin 1900 à Lyon, jusqu’à son adolescence. Son éducation au sein d’une famille aristocrate, ses talents de poète et sa fascination pour les avions sont autant d’expériences qui irriguent son œuvre. Cette introduction aborde également l’idée même de l’enfance, au cœur du récit.
L’histoire intemporelle et l’écriture parsemée d’illustrations poétiques ont fait la renommée de ce livre, incontournable de la littérature jeunesse dont la portée philosophique est considérable. À travers certains indices disséminés dans les textes, les dessins et la vie de l’auteur, l’exposition vise à dévoiler les aspects parfois méconnus d’Antoine de Saint-Exupéry ainsi qu’à donner des clés de compréhension pour ce conte aussi universel qu’énigmatique. Héraut des pionniers de l’aviation, Antoine de Saint-Exupéry devient rapidement un écrivain de renom, de son premier roman Courrier Sud en 1929 à Vol de Nuit, couronné du prix Femina en 1931. Il s’engage ensuite dans des raids aériens et des tournées de promotion avec Air France et réalise des reportages engagés, en Espagne ou en URSS. L’exposition revient sur l’accident, en décembre 1935, d’Antoine de Saint-Exupéry et de son mécanicien André Prévot, à l’occasion d’un raid aérien entre Paris et Saigon. Cet épisode constitue le chapitre central de Terre des Hommes, mais marque surtout le point de départ du Petit Prince. La quatrième partie explore la place fondamentale qu’occupe le dessin dans la vie de l’auteur, pour qui dessiner représente une manière d’être en lien avec son enfance. C’est autour du dessin que l’aviateur et le petit prince se rencontrent : « S’il vous plaît… dessine-moi un mouton ! ». L’ensemble de dessins d’Antoine de Saint-Exupéry, ici rassemblés, constitue un important témoignage du talent protéiforme de l’auteur et montre qu’il a toujours dessiné, souvent sur ses lettres ou ses brouillons, parfois dans des carnets ou en pleine page, au milieu de ses manuscrits. À la rencontre du petit prince explore le couple formé par l’aviation et l’écriture qui anime pleinement l’œuvre de Saint-Exupéry. À l’occasion de son service militaire, Antoine de Saint-Exupéry entre dans l’aviation en 1921, avant de rejoindre l’Aéropostale. Ses aventures sur la ligne Casablanca-Dakar en 1926, comme chef d’escale à Cap Juby dans le Sahara entre 1927 et 1928, ou directeur de l’Aeroposta Argentina en 1929 sont à l’origine de ses récits inédits et palpitants. Ces vols inspirent ses deux premiers romans, Courrier sud (1929) et Vol de nuit (1931)
Pages manuscrites du Petit prince. Copyright Artcurial
L’exposition met en avant deux des figures capitales de la vie de Saint-Exupéry pendant la Seconde Guerre mondiale, qu’il passe aux États-Unis (il y arrive à la fin de 1940, afin de convaincre le gouvernement d’entrer en guerre) : son épouse Consuelo, qui aurait inspiré le personnage de la rose, et Léon Werth. Ami proche, ce dernier est un véritable maître à penser et soutien spirituel, également antimilitariste et anticolonialiste. C’est à lui que Le Petit Prince est dédié. Une salle entière est consacrée au point d’orgue de l’exposition : le manuscrit original du Petit Prince, conservé à New York, à la Morgan Library & Museum, présenté à Paris pour la première fois. Ce prêt exceptionnel est complété par des originaux inédits provenant d’une collection n’ayant encore jamais été rendue accessible au public.
Enfin, c’est la vie posthume du petit prince qui est explorée, comme le double littéraire qui survit à Saint-Exupéry, bien après sa mort. La disparition de l’auteur, héros mort pour la France en 1944, contribue en effet à sacraliser l’ouvrage. Pour conclure le parcours, 120 éditions étrangères parmi les presque 500 langues et dialectes dans lesquels le livre a été traduit sont réunies sous la forme d’une « bibliothèque universelle ». Avec l’exposition À la rencontre du petit prince, le Musée des Arts Décoratifs poursuit son cycle d’expositions sur la littérature jeunesse initié avec « Une histoire, encore ! 50 ans de création à l’école des loisirs » en 2016, et « Les Drôles de Petites Bêtes d’Antoon Krings » en 2019. Enfants, adultes, mais surtout enfants cachés au cœur des grandes personnes, tous sont invités à partager le message d’espoir humaniste d’Antoine de Saint-Exupéry, et de son ami, l’enfant venu d’ailleurs.
Exposition conçue en partenariat avec la Fondation Antoine de Saint Exupéry, le soutien du Comité international, des Friends of the Musée des Arts Décoratifs, des Éditions Gallimard, d’Eden Livres et de la Fondation Jan Michalski. Et le soutien exceptionnel, par ses prêts, de la Morgan Library & Museum.
Musée des Arts Décoratifs 107, rue de Rivoli 75001 Paris Tél. : +33 (0)1 44 55 57 50 Métro : Palais-Royal, Pyramides ou Tuileries Autobus : 21, 27, 39, 48, 68, 69, 72, 81, 95
Dès le 17 février 2022 – Copyright N. Michel / La Joie de lire – 64 p., 16,90 € – À partir de 8 ans.
(p. 62)
» C’est une histoire qui commence mal. Elle a duré 457 ans, ce qui peut paraître bien long, mais dans ma famille, les plus anciens dépassent aisément les mille saisons… »
Après que la morsure de la hache a mis fin à ses jours et qu’il est devenu la quille et l’étrave d’un navire, un arbre – qui ne manque pas d’humour – se penche sur sa vie et se raconte (On frémit à la pensée qu’il y a un peu plus de quatre décennies, il aurait pu servir à la construction d’un échafaud !) « Je ne vais pas me plaindre, j’ai bien vécu », prévient-il.
Qu’a-t-il vécu ?
Tournons donc le cœur léger les pages de ce bel album destiné aux enfants, en prenant soin de leur dire que les arbres sont des organismes vivants, qu’ils se déplacent (eh oui !) et communiquent entre-eux par leurs racines, qu’ils peuvent à l’occasion trembler, pleurer, qu’ils souffrent lorsque l’on s’attaque à leur écorce, qu’ils peuvent mourir de soif, mais aussi protéger bêtes et gens contre les rayons du soleil et qu’ils gardent toute leur vie la marque des amours humaines…
Dans son livre, La Vie secrète des arbres, l’ingénieur forestier allemand Peter Wohlleben explique que pour sauver les forêts de notre planète, nous devons d’abord reconnaître que les arbres sont « des êtres extraordinaires ». https://www.youtube.com/watch?v=Eu4mpUDKdTA
» Entre mes branches, j’ai abrité de somptueux oiseaux de nuit… »
« Certains de mes hôtes se montrèrent parfois un peu envahissants… »
Nous verrons aussi dans ce délicieux album aux vingt-cinq dessins et commentaires, qu’en regard de la planche ci-dessus, l’arbre semble pester contre ceux qui « se montrèrent carrément sans-gêne« . Et pourtant, qui n’a jamais rêvé de se construire une cabane dans un arbre !
Parution le 17 février 2022 / Ed. La Joie de lire – Traduit de l’espagnol par Anne Calmels – 168 p., 10,90 € – À partir de 9 ans
La traductrice de cette jolie fable initiatique intitulée Apestoso tío Muffin (en VO), dans laquelle odeur rime avec peur, a malicieusement amalgamé ou détourné une expression argotique, schlinguer (puer), le titre d’un film culte des années 1960, Les Tontons flingueurs, et le nom de figurines à la mode « qui puent vraiment », pour traduire celui du roman du dramaturge et acteur de théâtre Pedro Mañas, dans lequel humour et mélancolie vont de pair.
L’histoire ? Montgomery Muffin a tout essayé pour se défaire de l’odeur pestilentielle qui lui colle en permanence à la peau et rend impossible toute relation amicale, et encore moins amoureuse. Ses bains biquotidiens dans une eau bouillante, suivis de l’immersion de sa pauvre tête en vrac dans un seau de parfum additionné de quelques gouttes d’eau de Javel n’empêchent pas qu’on le sente venir de très loin et qu’on le fuie comme la peste. Aussi étrange que cela puisse paraître, Montgomery Muffin est en fait la personne la plus propre et la plus soignée qui soit. Quel est ce mystère ? Ironie du sort, il travaille dans une entreprise spécialisée en produits de nettoyage et de beauté.
Le pauvre Muffin connaît donc une vie monotone et solitaire dans une maisonnette qui sent la sardine pourrie (et bien d’autres bestioles moins ragoûtantes encore), héritée de sa grand-mère, laquelle a peut-être à voir avec son état actuel. « Tio Muffin » semble avoir a perdu à jamais le goût de vivre, si tant est qu’il ait connu cet état un seul jour dans son existence .
Mais un beau soir, la jeune Emma vient frapper à sa porte. Elle prétend être sa nièce et veut l’aider à se débarrasser de son odeur nauséabonde… et de sa peur pathologique de vivre.
Transitions est l’histoire d’un changement de genre, thématique autour de laquelle les langues se délient et qui a fait l’objet de plusieurs œuvres documentaires ou de fiction ces dernières années (v. ci-dessous), montrant souvent le décrochage familial qui se produit lors de ces « coming out ».
POLLY BdBD/Arts + (août 2022)
La vie d’Anne Marlot vacille le jour où sa fille Lucie,19 ans, lui confie qu’elle est un garçon. Anne n’a pas su voir que Lucie se questionnait sur son identité sexuelle. Maintenant il faut qu’elle « encaisse » ce qui est devenu une évidence pour celle qu’il lui faudra bientôt l’appeler Alex.
« J’étais sans modèle. Je n’étais pas préparée. J’ignorais tout de la transidentité. »
Anne va batailler pendant plusieurs mois, se déconstruire, s’ajuster à son enfant pour se fabriquer un autre regard, un nouveau paradigme. Se défaire du sentiment de culpabilité qui l’avait tout d’abord envahie, l’empêchant ainsi de voir la situation sous un angle apaisé et lui permettant de comprendre que le choix d’Alex n’est pas un échec.
« Vous savez, les genres féminin et masculin sont les deux extrêmes d’un état. Chacun est libre de mettre le curseur où il veut, où il peut. » lui avait dit d’entrée de jeu la psychologue…
Une réflexion intelligente qui démontre une fois encore que tout ce qui nous est inconnu crée instinctivement de la défiance et que seul le temps aide à comprendre et à mesurer chaque événement pour accepter les choix de ceux qui nous entourent… À accepter l’Autre, tout simplement.
Rappel : Après une expo en décembre à Paris, on peut désormais retrouver Izabela Ozieblowska à La Baule
Vitraux d’Art Ozieblowscy, 21340 Nolay
Depuis le mois d’avril 2016, Izabela Ozieblowska élabore ses créations dans un atelier niché au cœur d’un village médiéval des Hautes-Côtes de Beaune, dont l’architecture n’a pu que l’inspirer. Elle nous a ouvert ses portes et livré quelque-uns de ses secrets…
Izabela est maître-verrier, ou si l’on préfère, vitrailliste, bien que ce vocable nous semble passablement dissonant pour désigner un art aussi subtil. Elle a acquis ses compétences et son savoir-faire durant ses treize années d’études d’Histoire de l’Art en Pologne, à l’Université Jagellon à Cracovie, à l’Académie des Beaux-Arts de Katowice et à l’Académie des Beaux-Arts, département peinture, de Wroclaw. C’est également à Wroclaw qu’elle s’est tournée vers l’art du vitrail, avec pour guide le très distingué professeur Ryszard Wieckowski, qui disait d’elle « qu’elle était l’une des trois meilleures de Pologne. »
En 2016, elle s’installe avec son époux à Nolay, où ils créent LEUR atelier. « Nous travaillons ensemble depuis 25 ans. Je m’occupe de l’aspect artistique de chaque projet, et lui de la partie technique.«
L’exposition
« Je présenterai deux vitraux abstraits et trois figuratifs »
« Les trois vitraux ont la même taille (53×63 cm) et la même source d’inspiration : le Visage. Le même pour chaque œuvre. Je voulais montrer combien chaque visage peut sembler différent en fonction de l’environnement, de l’époque et du contexte. Il exprime en tout cas une personnalité et une conscience. Cette représentation, qui date du 19ème siècle, s’intègre parfaitement dans le présent, la beauté du personnage est universelle et intemporelle. »
Le vitrail central a une histoire particulière.
« En 2020, j’ai participé à un concours régional organisé par l’Atelier d’Art de France dans la catégorie « Patrimoine« . J’ai présenté ce vitrail, il a été sélectionné pour l’exposition au Salon du patrimoine culturel, au Carrousel du Louvre. Malheureusement, en raison de la Covid et du confinement, tout a été annulé.
« Dame Nature m’a ensuite inspiré les deux vitraux abstraits ci-contre. Ils seront également exposés à la Concept Store Gallery. Nous avons d’une part une ébauche de mur avec des efflorescences de sel, et de l’autre, la lave. Pour moi, l’abstraction est un jeu de couleurs. Je m’inspire d’un fragment de nature, je prends des photos, puis ensuite, j’imagine d’autres univers à partir de l’original, modifiant ainsi son image initiale. Je travaille ensuite selon la technique des poudres de verre. »
Comment Izabela procède-t-elle pour chaque création ?
« Créer un vitrail requiert, on l’a compris, un processus très long qui comprend plusieurs interventions et fait appel à différentes techniques. En ce qui me concerne, je prépare un dessin-projet qui doit correspondre à l’espace dans lequel il prendra place. On sait par ailleurs combien le symbolisme de la lumière traversant la matière a eu d’importance dans la pensée médiévale, à l’époque où l’art du vitrail prenait son essor. Chaque vitrail doit être conçu minutieusement, étape après étape : motif, forme, couleurs, dessin… »
Le vitrail n’est pas le seul mode d’expression d’Izabela, elle excelle également dans la gravure, la sérigraphie, la méthode « Tiffany » (procédé de montage à l’aide d’un ruban de cuivre), ou dans des techniques plus modernes comme le « fusing » (assemblage du verre par fusionnement) ou bien la poudre de verre qui, conjuguée au fusing, donne au vitrail des couleurs remarquables, mais aussi, un effet sculptural qui le rend encore plus exceptionnel. « J’adore ce procédé, les poudres produisent des effets visuels étonnants, des couleurs très lumineuses et permettent une totale liberté de création. Les vitraux réalisés selon cette technique sont uniques, contrairement à un vitrail peint traditionnel qui peut être reproduit. J’aime beaucoup faire des expériences, jouer sur la profondeur, mélanger les techniques pour obtenir le résultat final que je recherche. »
Qu’ils soient classiques, sacrés ou modernes, les vitraux qui sortent de son atelier sont réalisés « dans le respect des techniques traditionnelles qui remontent au Moyen Âge« , tient-elle à préciser.
De la diversité des sources d’inspiration d’Izabela Ozieblowska (vitraux hors expo)…
Où l’on (re)découvre les comix hors normes de la québécoise Julie Doucet, publiés pour la plupart dans la série Dirty Plotte(1991-1998), souvent autobiographiques, et dont l’insolence à tous crins continue de séduire… ou plus rarement, de choquer.
Depuis le 20 novembre 2021 – Copyright J. Doucet / L’Association – 400 p., 35 € (Adultes et adolescents)
Dirty Plotte 1/14
Il n’est pas rare qu’un auteur ou une autrice de bandes dessinées, ayant officiellement cessé d’en faire vingt ans auparavant, continue d’exercer une réelle fascination sur les bédéistes. Cela devient plus rare lorsqu’il s’agit d’une autrice underground. C’est le cas de l’irrévérencieuse et reine de la provocation, Julie Doucet. Active entre 1987 et 1999, à une époque où les dessinatrices n’étaient pas légion, surtout à se situer sur le terrain de l’esthétique trash. Avec elle tout y passe : cycle menstruel, masturbation, changement de sexe, serpent à pipe, etc.
La conception éditoriale et graphique de Maxiplotte a été réalisée par Jean-Christophe Menu, premier éditeur de Julie Doucet en France et co-fondateur de L’Association, en étroite collaboration avec l’autrice québécoise. Véritable panorama de l’évolution de son travail, Maxiplotte rassemble des travaux réalisés au cours de ses douze années d’activité d’autrice de bande dessinée. S’y déploie une œuvre à la fois subversive, féministe et fantaisiste. Julie Doucet évoque crûment et avec humour la vie du corps – des règles au désir sexuel en passant par les crottes de nez, les stéréotypes de genre, ses expériences de jeune femme, sans oublier sa vie onirique qu’elle relate abondamment. En noir et blanc, les récits s’épanouissent au fil de cases aux décors minutieusement élaborés, peuplées de personnages aussi insolites qu’attachants.
Julie Doucet
Julie Doucet est certainement l’auteure québécoise de BD la plus connue du monde. Ses bandes sont publiées en anglais, en français, en allemand, en finlandais et en espagnol. De plus, ses planches originales ont été exposées dans plusieurs villes tant au Canada qu’aux États-Unis, en France et au Portugal. Née à Saint-Lambert le 31 décembre 1965, Julie Doucet étudie en arts plastiques au cégep du Vieux-Montréal au début des années 1980. C’est dans cet établissement, à la faveur d’un cours sur la bande dessinée, qu’elle commence à s’intéresser à cette forme d’art. Doucet obtient son diplôme d’études collégiales, puis s’inscrit à l’Université du Québec à Montréal où elle étudie les arts d’impression et les arts plastiques. À cette époque, Yves Millet publie la revue Tchiize! (bis) (sept numéros de 1985 à 1988), une des seules revues à ne pas être exclusivement consacrée à la bande dessinée d’humour. Julie Doucet fait paraître une première histoire courte dans le deuxième numéro et récidive dans les numéros suivants. Entre 1988 et 1990, elle collabore aux deux numéros de L’Organe (qui devient Mac Tin Tac en 1990) ainsi qu’à Rectangle, revue de rock francophone et de BD. Ces deux revues marquent l’émergence d’une nouvelle génération d’artistes montréalais underground dont font partie Doucet, Henriette Valium, Al+Flag, Marc Tessier, Alexandre Lafleur, Simon Bossé, Luc Giard, Siris, Jean-Pierrre Chansigaud, R. Suicide, etc. En septembre 1988, Julie Doucet fait le grand saut et crée son propre fanzine, Dirty Plotte, de format variable (et au titre tout aussi variable : Dirty Plotte Diet, Mini Plotte, Dead Plotte) qui paraît jusqu’en juin 1990 (quatorze numéros). C’est dans ces pages que Doucet met au point son style personnel de narration. Elle y entretient les lecteurs de ses fantasmes (réels ou inventés) et de ses angoisses, mais aussi de ses rêves, qu’elle note dans un journal personnel.