Robinsons, père et fils – Tronchet – Ed. Delcourt

Depuis le 10 avril 2019 © Tronchet/Delcourt

Dans un précédent album intitulé Le fils du yéti (Casterman, 2014) Didier Tronchet sauvait une pile d’albums photos d’un incendie, puis contre toute attente l’abandonnait dix minutes plus tard dans la poubelle de son immeuble. Cette attitude contradictoire l’amenait ensuite à revoir sous un jour différent les principaux moments qui ont jalonné son existence, et à lui donner une tout autre orientation. L’auteur signait alors un album pudique et sensible face au souvenir d’une enfance et d’une adolescence qui semblent avoir pesé lourd pour lui, et surtout face au souvenir de ce père trop tôt disparu.

Robinsons, père et fils, en grande partie autobiographique également, est de la même vaine. Son graphisme reconnaissable entre mille désamorce toute idée de dramatisation. Le « fils du yéti » est à son tour devenu père. Il a décidé de s’expatrier un temps sur un îlot situé au large de Madagascar. Son intention ? Expérimenter le « sentiment d’île » et en profiter pour évaluer son niveau de résistance à l’absence de confort moderne, loin des réseaux sociaux. Mais tout ne va pas se passer pas comme prévu, puisqu’une « bombe à retardement » l’accompagne sur cette minuscule bande de terre, où le pire à redouter n’est pas un cyclone mais un trou dans une moustiquaire : son fils Antoine, treize ans, avide d’autonomie et d’aventures.


Le père espère tout d’abord incarner une figure protectrice aux yeux de son gamin – Ne crains rien, papa est là ! – mais c’est l’inverse qui va se produire. Si bien qu’il se retrouve « comme un grand couillon en short », désoeuvré, en proie à la culpabilité de ne rien faire de ses journées et mortifié à la vue du tourisme sexuel qui s’impose aux yeux de tous. Le journal que tient régulièrement Antoine nous renseigne quant à son ressenti face à la transformation radicale de son quotidien, et aussi face aux mises en garde et autres propositions culturelles de son paternel.

Font-ils le même voyage ? Patience, tout viendra à point à qui aura su attendre, même si les circonstances du rapprochement espéré auraient pu les mener à la cata. Ce père, un rien frustré mais pétri d’amour envers son fiston, sait que « plus le lien est solide, plus l’ado doit tirer fort sur la corde pour s’en libérer »…

Anne Calmat

120 p., 17,95 €

Détail, p.91