Après Taïpi un paradis cannibale, attardons-nous quelques instants sur ces poètes-voyageurs qui ont laissé une trace écrite de leurs pérégrinations sur toutes les mers du globe, ou sur ceux qui, voyageurs immobiles, nous ont fait rêver…
Shackleton L’Odyssée de l’Endurance – Texte et dessins Nick Bertozzi – Ed. Cambourakis (janv. 2015).
Janvier 1914. Le très obstiné Ernest Shackleton expose une nouvelle fois son projet devant les membres de la Royal Geographic Society : traverser l’Antarctique, pour ensuite rallier le pôle Sud à pied. Fadaises disent les uns. La troisième fois est toujours la bonne rétorquent les autres.
Des fonds sont finalement levés et une équipe de vingt-huit hommes et trente-quatre chiens, constituée. Le 4 août 1914, l’Endurance est prêt à lever l’ancre.
Le trois-mats goélette se fraie à présent un chemin dans les eaux glacées de la mer de Weddell, mais rapidement l’épaisseur du pack se révèle plus importante que prévu. Ne pouvant résister à la pression de la glace qui enserre et broie ses flancs, le bâtiment s’immobilise. Commencent alors pour l’équipe, plus soudée que jamais, des mois d’attente dans la nuit australe. Le retour du soleil fera en partie fondre la glace… et irrémédiablement sombrer le navire. Matériel et vivres ont cependant échappé au naufrage, il est temps de charger les traîneaux et de se mettre en route. L’aventure ne fait que commencer, elle se poursuivra et entraînera le lecteur jusqu’à ce matin du 30 août 1916 où les naufragés seront embarqués à bord d’un navire chilien.
Entre-temps, que de moments intenses à découvrir au travers de ce récit captivant, illustré avec force détails par l’Américain Nick Bertozzi !
A.C.
128 p. 19 €
C’est pas l’homme qui prend mer, c’est la mer qui prend l’homme…
Hommes à la mer de Riff Reb’s (adaptation et dessins), Ed. Soleil (déc. 2014).
Dernier opus d’une trilogie maritime débutée en 2009, l’album comprend cette fois huit adaptations de nouvelles et sept extraits de grands textes de la littérature classique. Parmi les auteurs, plusieurs ont eux-mêmes entretenu un rapport étroit et durable avec la navigation en haute mer : Jack London, Joseph Conrad, William Hope Hodgson, Pierre Mac Orlan…
Certains récits ont une tonalité à la fois fantastique et symboliste. Politique également. Ils parlent de galériens, de contrebandiers, de mercenaires, d’hommes d’hier et d’aujourd’hui, prêts à en découdre avec la terre entière pour survivre. Ils questionnent sur la nature de l’être humain et sur sa dualité.
Riff Reb’s a su restituer toute la profondeur des œuvres initiales et en traduire le lyrisme et la poésie. Le graphisme est nerveux, le trait, contrasté et précis. Un jeu subtil de couleurs presque monochromes marque chaque épisode d’un sceau particulier. Les doubles pages qui illustrent les extraits de textes frôlent la perfection. Ci-dessous, L’Odyssée (Homère).
A.C.
116 p., 18 €