de Jean-Luc Cornette (récit) et Vanyda (dessin) – Ed. Futuropolis – En librairie le 3 janvier 2017 –
C’est une belle idée que de vouloir retracer l’histoire de sa famille, surtout lorsque celle-ci vient de loin, du Laos, et ce livre de Jean-Luc Cornette et de Vanyda, petite-fille de l’un des protagonistes, s’y emploie vaillamment.
Nous allons donc suivre l’itinéraire de Virasay et de sa famille, depuis son père, chasseur de tigres qui se croyait protégé par des formules magiques délivrées par un moine bouddhiste, et qui deviendra moine lui-même après avoir été militaire, jusqu’à sa descendance qui s’est installée en France et dans d’autres parties du globe.
Parallèlement, nous ferons la connaissance de la famille de Phou Chay, qui appartient à l’ethnie Hmong, que l’armée française a recruté comme chauffeur pendant ce que nous appelons ici » la guerre d’Indochine « .
Nous entendons parler des combats à Dien Bien Phu, cette colline dont le nom, au moins, fait encore écho dans nos mémoires.
Et en découvrant les destins croisés de ces personnages qui ont tous existé, le lecteur cheminera dans l’histoire du Laos, tour à tour victime de la colonisation française, des bombardements américains, et pour finir, aux prises avec le régime instauré par le Pathet Lao, allié du Vietman dans les années 1970.
Dans ces tourmentes successives, les deux familles amies vont tenter de trouver leur place, puis de survivre aux horreurs, aux massacres, aux camps thaïlandais, aux trafiquants et profiteurs de tous poils qui pullulent en temps de guerre.
Comment trouver la juste façon d’agir lorsque toutes les valeurs s’écroulent, perdent parfois de leur sens, comment trouver son chemin dans l’exil, devenir Français, rester Laotien, dans quelle langue construire sa vie ?Il y aurait cependant à redire sur le mode narratif choisi par les deux auteurs, et le lecteur le mieux intentionné manque de repères historiques et se perd aussi dans les patronymes, qui au bout d’un moment foisonnent et deviennent difficiles à mémoriser.
Un objet trop touffu, où on a voulu tout embrasser, tout raconter du destin souvent tragique de ces familles et de leur pays, et cela interroge sur les intentions des auteurs et sur la forme qu’ils ont voulu donner à cet ensemble sans doute un peu ambitieux.
On peut aussi y lire une certaine complaisance à l’égard du colonisateur français, du rôle de l’armée française dont on comprend néanmoins qu’elle a aussi formé et nourri deux des acteurs principaux du récit.
Il a le mérite de nous faire entrevoir une culture faite de croyances, de dévotion, de beauté, de respect de la nature, celle du » Pays du Million d’Eléphants et du parasol blanc « , et il pose des questions qui sont universelles, particulièrement lorsque les époques sont agitées et dangereuses : comment prendre parti, comment survivre, à quelles valeurs se raccrocher ?Il faut aussi saluer la qualité du dessin et le choix des couleurs qui donnent à voir la luxuriance de cette terre, de ce que fut peut-être le Laos, à ce qu’il est aujourd’hui.
Les touristes qui visitent cette terre baignée par le Mekong ont beaucoup à apprendre sur ce 20e siècle dévastateur, qui semble déjà lointain mais dont les traces sont encore lisibles sans doute, à qui veut y regarder de plus près.
Danielle Trotzky
160 p., 20 €